« Pour évaluer plus rapidement la situation et l’efficacité des politiques publiques de lutte contre la pauvreté et les inégalités, il est souhaitable de disposer d’indicateurs plus précoces », rappelle l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) dans une récente étude diffusant les résultats expérimentaux d’une méthode qui permet d’estimer à 14,2 % de la population le taux de pauvreté en 2014 (+ 0,2 % en un an), avec un seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian se situant à 1 002 € par mois (contre 989 € en 2013). En outre, « la baisse des inégalités constatée en 2012 et 2013 ne se poursuivrait pas », indique l’INSEE(1).
Depuis plusieurs années, l’institut s’est, en effet, attelé à élaborer un outil de simulation permettant de diminuer le délai de 21 mois actuellement « nécessaire pour disposer d’informations fiables sur les revenus perçus par les ménages », et ainsi de fournir des données portant sur l’année précédente. Il a donc mené, sur plusieurs années, des exercices de comparaison « jugés suffisamment satisfaisants, en dépit de leurs limites, pour [qu’il] décide de publier pour la première fois cette année une estimation avancée des principaux indicateurs d’inégalités pour 2014, avant la fin de l’année 2015 ». Quitte à paraître en contradiction avec les tendances de son Portrait social (2), voire de son rapport annuel sur les niveaux de vie(3).
Après avoir décrit en détail la démarche suivie par l’INSEE pour aboutir à ces indicateurs précoces, l’étude montre que, « depuis le début des années 2000, les inégalités ont augmenté (notamment depuis 2008, le début de la crise) avant de diminuer en 2012 et 2013 », avec un indice de Gini – mesurant ici le degré d’inégalité de niveau de vie entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité extrême) – qui « s’est accru de 0,021 entre 2002 et 2011 avant de reculer de 0,017 entre 2011 et 2013 ». Mais donc, selon l’INSEE, « cette baisse des inégalités ne se poursuivrait pas en 2014 », en raison du contexte sociodémographique et macroéconomique et malgré les mesures sociofiscales intervenues en 2014. La croissance ralentie du PIB (à + 0,2 % en 2014, après + 0,7 % en 2013) « aurait davantage touché les ménages les moins aisés », suppose ainsi l’organisme, car « les revenus salariaux auraient sensiblement diminué pour les premiers déciles [les plus pauvres], conséquence d’une hausse prononcée du chômage pour ces populations et d’une baisse de l’ensemble des salaires cumulés sur l’année pour ceux qui ont alterné des périodes d’emploi et de chômage, ou ceux qui travaillent à temps partiel ».
Quant aux réformes intervenues en 2014, elles ont, certes, « légèrement diminué les inégalités de niveau de vie […], par rapport à une situation fictive où elles n’auraient pas été mises en œuvre ». Et l’INSEE de citer notamment « la hausse de l’impôt sur le revenu ciblée sur les ménages les plus aisés (notamment la réduction du plafonnement des effets du quotient familial) » ainsi que « la réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu et [les] revalorisations exceptionnelles de certaines prestations » qui ont bénéficié aux ménages modestes. Mais ces réformes n’auront pas suffi à réduire les écarts : « le niveau de vie des 30 % des individus les moins aisés baisserait davantage en euros constants que celui des individus situés au-dessus du troisième décile de niveau de vie (qui resterait quasi stable), ce qui conduirait à faire basculer des personnes sous le seuil de pauvreté monétaire ».
(1) Des indicateurs précoces de pauvreté et d’inégalités – Résultats expérimentaux pour 2014 – Décembre 2015 – Disponible sur