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Fêter Noël avec les personnes accompagnées dans les CHRS

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Les fêtes de Noël, associées aux cadeaux et aux réunions de famille dans l’imaginaire collectif, sont un moment délicat dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Mais les associations s’organisent pour contrer la tentation du repli sur soi et proposer des temps de convivialité.

« C’est toujours une période difficile », témoigne Malika Bon, directrice adjointe de l’association Le Grand Sauvoy, à Maxéville (Meurthe-et-Moselle), qui gère plusieurs dispositifs d’hébergement d’urgence et d’insertion allant jusqu’au relogement définitif ainsi que plusieurs chantiers et entreprises d’insertion. Traditionnellement associée aux réunions familiales et bien souvent au déluge de cadeaux pour les plus jeunes, la période de Noël vient braquer les projecteurs sur les situations d’isolement et de précarité économique des personnes accompagnées. D’où la nécessité, pour les professionnels, d’anticiper cette délicate parenthèse. « On essaie d’échanger beaucoup avec eux et d’être encore plus proches que d’habitude, poursuit Malika Bon. On voit bien que les établissements se vident à cette période, laissant ceux qui n’ont aucun contact avec leurs proches encore plus seuls. » Sylvie Rabouin, directrice adjointe de l’association Aide accueil, à Angers, qui gère un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) de 30 places, abonde dans ce sens : « Noël est repéré et vécu comme une manifestation familiale alors que beaucoup de résidents sont isolés. Même pour les ménages avec enfants, cela vient questionner leurs rapports avec les grands parents. » Dans ce CHRS « diffus » vivent des couples, des familles et des personnes seules qui cumulent les difficultés (financières, affectives, psychiques…). A cette grande précarité vient se greffer, au moment de Noël, l’impossibilité de satisfaire à toutes les demandes des enfants. « On constate beaucoup de frustrations par rapport à l’achat des cadeaux car la consommation reste un vecteur important dans notre société. » Et ce même si nombre d’associations – Secours populaire, Secours catholique, Restos du cœur… – proposent, à cette époque de l’année, des ventes de jouets neufs à prix modiques. Seule Anne Maréchal, directrice adjointe pédagogique de l’Association dijonnaise d’entraide des familles ouvrières (ADEFO), dont dépendent plusieurs dispositifs d’hébergement à Dijon, apporte une nuance à ce tableau : « Les fêtes de Noël restent un moment compliqué mais c’est moins marqué qu’auparavant. Cela a tendance à se désacraliser. »

Proposer sans imposer

Durant cette période, qui peut remuer des souvenirs difficiles, notamment des ruptures familiales, les personnes sont souvent tentées par le repli sur soi. « C’est un moment où certains rendez-vous avec le référent social sont annulés, car les gens n’ont pas envie d’aborder telle ou telle difficulté, constate Sylvie Rabouin. Certaines personnes ont besoin de s’isoler. On le respecte et on le comprend. » Les travailleurs sociaux de ce CHRS angevin, qui interviennent à domicile, essaient d’inciter les usagers à décorer leurs appartements aux couleurs de Noël. Mais sans rien imposer. « On le fait surtout quand ils ont des enfants, d’autant que ces derniers sont demandeurs. Mais les personnes ont bien évidemment le droit de refuser. » A Maxéville, Malika Bon constate, chez certains, une recrudescence des addictions, des consommations d’alcool excessives. D’où l’importance d’accompagner les personnes vers les fêtes avec subtilité. « L’an dernier, nous avions imaginé un calendrier de l’Avent avec, chaque jour, une activité permettant d’arriver vers Noël en douceur : un repas, un atelier d’écriture, un temps de discussion, un atelier de décoration… »

A Angers, c’est un goûter de Noël « avec du chocolat et des gâteaux » qui est proposé aux usagers du CHRS. « Les gens se déplacent plus volontiers quand ils peuvent partager quelque chose à manger », constate Sylvie Rabouin. Malgré tout, les travailleurs sociaux ont parfois du mal à mobiliser. « L’an dernier, nous avions organisé pour la première fois une fête juste avant Noël pour toutes les personnes hébergées par notre pôle logement », raconte Aline Kippelen, assistante sociale dans ce pôle à l’association L’Etage, à Strasbourg(1). L’association avait investi son restaurant social pour l’occasion (habituellement fermé le week-end), fait appel à un traiteur, un guitariste et avait organisé un loto. « C’était un moyen de permettre aux gens hébergés par nos soins de se rencontrer, car ils ont très peu l’occasion de se croiser, sauf lors de nos actions collectives. »

Malgré cette fête « clés en main » pour les usagers, tous n’avaient pas fait le déplacement. « Il nous était resté quelques repas sur les bras », confie Aline Kippelen. Même constat à Dijon, où l’association ADEFO organise chaque année des animations de Noël dans ses divers lieux d’hébergement. « Nous avons en moyenne 60 % de personnes présentes à ces rendez-vous, constate Anne Maréchal, directrice adjointe pédagogique de l’association. Soit parce que certains se rendent chez leurs proches, soit parce qu’ils n’en ont pas envie. D’autres participent seulement au repas et ne restent pas pour les animations. Pour eux, c’est un soir comme un autre… »

Faire participer les usagers

A Strasbourg, Aline Kippelen mise cette année sur une participation plus active des usagers. Depuis peu, l’association dispose en effet de l’équivalent d’un conseil de vie sociale appelé « La place des idées ». Ce groupe, qui réunit une douzaine de volontaires, se réunit tous les mois pour s’informer sur la vie de l’association, participer à des projets collectifs et réfléchir à l’amélioration du dispositif d’hébergement. En novembre dernier, Noël a fait l’objet d’une réunion spécifique. « Ils ont retenu l’idée d’un goûter avec des jeux pour se présenter et un loto avec des lots à gagner financés par l’association », explique l’assistante sociale. Ce goûter de Noël, co-animé par les professionnels de l’association et par les usagers, est aussi l’occasion de présenter une nouvelle activité : un échange de services entre usagers, sur le modèle de l’économie sociale et solidaire (troc de cours de cuisine, par exemple).

Pour l’association Le Grand Sauvoy, à Maxéville, la fête de Noël est, en revanche, une tradition bien installée, qui pourrait s’approcher de ce que proposent les comités d’entreprise. L’an dernier, le Noël des enfants avait été organisé dans une salle municipale et avait réuni 200 jeunes. Cette année, l’association a loué la salle des fêtes de Tomblaine l’après-midi du 21 décembre et prévu plusieurs bus pour acheminer les personnes accompagnées par l’association. Au programme : animation ludique avec des ballons, distribution de pulls ou de couvertures confectionnés par des tricoteuses bénévoles, goûter, mais aussi distribution de cadeaux et de friandises à chaque enfant par un professionnel de l’association déguisé en Père Noël.

Un projet préparé depuis plusieurs mois par l’équipe, qui a fait appel aux collectivités locales pour obtenir des financements. « C’est un Noël très coloré car nous recevons tous les enfants de l’association », précise Malika Bon, citant les enfants du CHRS, ceux dont les parents travaillent dans les chantiers d’insertion (dont 13 pères de famille rom) ou ceux dont les parents sont hébergés dans un centre pour demandeurs d’asile. Une fête de Noël était également prévue le 24 au soir au CHRS de Maxéville, en présence du personnel(2). « Je passe chaque année au moment de l’apéritif et on arrive toujours à mobiliser des travailleurs sociaux pendant les fêtes. Certains nous demandent même spécifiquement de travailler ce soir-là. » Dans l’un des CHRS de Dijon, qui héberge des personnes seules en urgence, un salarié supplémentaire est même mobilisé le soir du 24 décembre. Ce qui permet aux professionnels d’assurer à la fois l’accueil des personnes au fil de la soirée et une présence continue pour le moment festif (repas, jeu de loto, musiciens et conteurs).

Au CHRS de Maxéville, des cadeaux sont systématiquement prévus ce soir-là pour les adultes, comme des vêtements, des petits objets ou des coffrets gourmands. Comme à Strasbourg, l’équipe essaie d’être à l’écoute des demandes des personnes accompagnées. « Il y a deux ans, les adultes isolés du CHRS n’avaient aucune envie de fêter Noël, raconte Malika Bon. Ils ont préféré assister au spectacle d’une troupe de cirque… » A Dijon, ce sont des clowns qui devaient animer la soirée de Noël prévue dans le CHRS hébergeant des familles avec enfant. Le rire, comme un pied de nez à la précarité et aux injonctions de la société.

Les associations caritatives et les fondations mobilisées

Les travailleurs sociaux aiguillent volontiers les usagers de leurs établissements vers les réveillons solidaires et autres manifestations organisées par les associations caritatives (distribution de jouets, de colis, visites de bénévoles des Petits Frères des pauvres, mobilisés en nombre à cette période). Quant à la Fondation de France, elle lance chaque année un appel à projets baptisé « Les réveillons de la solidarité ». Il permet de financer des actions organisées par et pour des personnes isolées en difficulté, le critère de la participation des usagers étant déterminant. En 2014, 146 projets avaient ainsi été financés dans toute la France, touchant 22 000 personnes.

Cette année, par exemple, le centre socioculturel des Marnaudes, à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), devait organiser le 23 décembre un repas suivi d’un spectacle de Noël pour 100 personnes de tous âges. L’association parisienne Les enfants du Canal devait, quant à elle, au moyen de deux bus itinérants, aller au-devant des personnes à la rue et leur proposer un repas chaud à l’intérieur. Enfin, le centre d’hébergement d’urgence Château-d’Arcy de l’association Aurore, à Chaumes-en-Brie (Seine-et-Marne), proposait deux temps festifs : un repas de Noël le 25 décembre et une soirée le 31 décembre, marquée par un lâcher de lanternes chinoises à minuit. Les participants (SDF, travailleurs pauvres et jeunes en insertion) ont choisi la musique et la décoration.

Notes

(1) Ce pôle réunit une centaine de personnes dans divers dispositifs allant du CHRS à l’intermédiation locative en passant par les logements d’insertion.

(2) Ce site regroupe 86 personnes, dont 46 en CHRS et 40 en dispositif d’urgence et d’observation (DUO).

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