Dénoncer l’indicible

Au bord d’une falaise qui donne sur la mer, là où volent les cormorans, Kevin vient s’isoler. Près d’un calvaire, l’adolescent essaie d’échapper au sien : régulièrement, le menaçant de mort s’il parle, son beau-père le viole. Il décide de fuguer, joue les apprentis braqueurs avec un faux pistolet… et se fait immédiatement arrêter. Impossible, à 14 ans, de dénoncer l’indicible. Il est alors envoyé en centre éducatif fermé, où il rencontre Cynthia, écorchée vive, qu’il prend sous sa protection, allant jusqu’à agresser un éducateur spécialisé pour l’aider à s’enfuir. Les deux adolescents fuguent ensemble. De retour chez lui, en Bretagne, Kevin découvre que son beau-père s’en est pris à sa petite sœur…

Si l’écriture de L’enfant du chaos est parfois maladroite, le roman du journaliste Claude Couderc colle néanmoins aux sentiments de son jeune héros. Il met en lumière la violence du traumatisme, mais aussi la honte de la jeune victime, sa révolte autodestructrice. Autre intérêt du livre, le personnage de la mère de Kevin. Assommée par la mort de son premier mari et de son fils aîné, elle ne parvient pas à protéger ses enfants. A travers elle, ce sont toutes les mères sous emprise, complices par leur silence du père ou du beau-père monstrueux, qui, en creux, sont mises en accusation.

L’auteur questionne aussi la place des professionnels : si policiers ou juges ne semblent voir dans le jeune Kevin que l’auteur de violences, le roman offre de belles figures d’éducateurs ou de directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Dans l’esprit de l’ordonnance de 1945, ils devinent en lui l’enfant victime… Mais comment protéger celui qui tait ce qu’il endure ?