Pour le secteur, l’événement était inédit. Quelques semaines après la présentation du plan d’action pour le travail social, dont un volet porte sur la reconnaissance de « l’intervention sociale comme un champ de recherche », l’Unaforis a, les 16 et 17 décembre à Paris, organisé les « premières journées de valorisation de la recherche des établissements de formation en travail social ». L’objectif de cette initiative, qui devrait être reconduite et élargie : donner de la visibilité aux démarches de recherche, d’étude et d’expériences innovantes, à travers la présentation d’une cinquantaine de contributions réparties en 12 ateliers thématiques – « participation et pouvoir d’agir », « familles, enfances et institutions », « handicap et innovation », « violence et régulation sociale »… Réalisées à partir des établissements de formation, associant à leurs formateurs ou chercheurs, selon les cas, une université, des employeurs, des professionnels, des étudiants, parfois des personnes accompagnées, elles témoignent, dans la diversité de leurs approches, du lien entre formation et recherche « en termes de sujets, de méthodologie et de résultats pouvant être introduits dans les contenus de formation » initiale et continue, résume Diane Bossière, déléguée générale de l’Unaforis.
Le rôle des établissements dans la recherche, qui doit intégrer les processus pédagogiques, influer sur les pratiques, voire sur l’orientation des politiques publiques, est en voie d’être mieux reconnu, pointe-t-elle. Même si, paradoxalement, les Prefas (pôles régionaux de recherche et d’étude pour la formation et l’action sociale), qui ont pour mission d’impulser les collaborations, de soutenir les projets et de diffuser les travaux, sont menacés par une fragilisation de leurs moyens dans certaines régions. Dans le cadre du plan d’action pour le travail social, « nous souhaitons que soit engagée une réflexion sur l’évaluation et l’avenir des Prefas, afin de les intégrer à la structuration de la recherche », fait valoir Diane Bossière.
Autre enjeu pour les écoles en travail social : défendre la « coconstruction » du développement de la recherche avec l’université, et ne pas nier la légitimité et la capacité, désormais démontrée, des établissements à produire eux-mêmes de la recherche, en lien avec tous les acteurs du travail social. Sur ce point, l’Unaforis a pu se féliciter de la « solidité du portage politique » de la recherche en travail social, illustrée par la présence lors de ses journées de Thierry Mandon, secrétaire d’Etat chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui s’exprimait pour la première fois sur le sujet, et de Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. « Il est indispensable que ce secteur s’inscrive dans le schéma qui fait référence pour l’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche en France mais aussi au sein des pays signataires de Bologne », a souligné Thierry Mandon, estimant que « la coopération avec les universités doit être réaffirmée aujourd’hui comme un axe indispensable pour développer la qualité des formations ». Le travail social et l’intervention sociale, « objets complexes », ne peuvent être réduits « à une seule discipline universitaire », a-t-il poursuivi. Faut-il voir dans son invitation à des « collaborations fructueuses » la volonté de piloter le chantier à partir de l’enseignement supérieur ? Pour beaucoup, l’incertitude appelle la vigilance, d’autant que les contours de la « première école supérieure en intervention sociale » prévue par le plan d’action sont encore flous. Au-delà du Conservatoire national des arts et métiers (qui a créé une mention « travail social » pour deux doctorats), il faut « au moins une école doctorale », a réaffirmé auprès de Ségolène Neuville la déléguée générale de l’Unaforis, qui promeut la création de hautes écoles professionnelles en action sociale (HEPAS).
Pour sa part, la secrétaire d’Etat a précisé que les passerelles avec les universités seront « facilitées par la création d’une unité de recherche dédiée à l’intervention sociale, en partenariat avec les établissements déjà investis dans la recherche, et qui pourra donner lieu le cas échéant à la création d’une “école supérieure” en travail social ». Pour autant, ses propos ont été clairs : pour qu’ils puissent « irriguer les pratiques des professionnels, les travaux de recherche devront continuer à être portés par les acteurs de la formation, au plus près du terrain ». Et d’ajouter que le « statut de formateur-chercheur […] sera désormais précisé dans les cahiers des charges des établissements et instituts de formation ». Un projet qui ne figure pas dans le plan d’action, mais qui est plébiscité par les acteurs du secteur. Selon Ségolène Neuville, les liens avec l’université « pourront également conduire à la reconnaissance des travaux de recherche et des futurs formateurs-chercheurs par le Haut Conseil à l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur ». Des évolutions que les acteurs de la formation ne manqueront pas de surveiller.