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Jeunes suivis par la PJJ : quand les champs éducatif et sanitaire coopèrent

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A Paris, l’unité Guy-Môquet de l’Hôtel-Dieu et les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) collaborent étroitement pour favoriser l’accès aux soins des jeunes en danger ou délinquants. Un partenariat qui participe à la promotion de la santé de ces publics, expliquent Thomas Girard, praticien hospitalier et responsable médical de l’unité Guy-Môquet, avec Aurélien Varnoux, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, et Florian Lavoyer, tous deux conseillers techniques à la direction interrégionale de la PJJ d’Ile-de-France-outre-mer(1).

« L’unité Guy-Môquet de l’hôpital Hôtel-Dieu à Paris accueille chaque année 300 jeunes suivis par les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse d’Ile-de-France. Celle-ci est, avec l’aide sociale à l’enfance, la santé scolaire et les missions locales, l’un de ses quatre partenaires principaux. Les jeunes adressés par la PJJ présentent des troubles du sommeil jusqu’à la désynchronisation, de l’alimentation, des difficultés de comportement ou d’ordre psycho-affectif, des addictions, de l’asthme. Ces problèmes de santé s’inscrivent dans des contextes de désorganisations de la vie familiale (décès d’un parent, chômage), de violences familiales, de pathologies psychiatriques des parents avec ou non des maltraitances physiques et/ou sexuelles…

L’action de l’unité Guy-Môquet a été pensée autour du concept de “rupture”. Il s’agit d’assurer des missions de soin, de dépistage et de prévention auprès de jeunes populations ayant vécu des ruptures dans les domaines social, scolaire, familial, éducatif, sanitaire. Ces négligences et/ou ces ruptures (migration, deuil, maltraitance, entrée dans une maladie chronique…) engendrent en effet des troubles de la santé chez l’individu et rendent nécessaire de conduire une large investigation médicale. Cette approche présente plusieurs intérêts. On augmente, d’une part, les chances de guérison de ces jeunes si on ne réduit pas leurs soins au seul domaine de la santé mentale. On est amené, d’autre part, à faire le tour complet de la santé de l’adolescent, voire à découvrir, en observant ses pathologies, des ruptures qui n’avaient pas été décelées jusqu’ici.

Enfin, parce que ce public est généralement extrêmement réticent à une “psychologisation” excessive de ses symptômes, le corps est le fil rouge du processus de soin(2).

Les dernières avancées scientifiques mettent en évidence la plasticité du cerveau de l’adolescent. C’est une chance puisque beaucoup de choses sont possibles. Mais c’est aussi un risque car le cerveau va se modeler en fonction de la nature des interactions que le jeune va avoir avec son entourage avant d’acquérir, à un moment donné, sa structuration définitive. Les “bains” familial, amical, éducatif et social sont donc de véritables “molécules” qui participent à sculpter le cerveau du jeune. Et les toxiques ont un pouvoir d’action particulièrement néfaste.

Un respect mutuel des acteurs

Le processus de soin suivi avec la PJJ a permis aux acteurs des champs éducatif et sanitaire de se connaître à travers les interactions du quotidien, mais aussi lors des formations communes. Peu à peu, les questions relatives au “secret” sont devenues moins centrales pour l’ensemble des acteurs. Les uns et les autres se reconnaissent et se respectent dans leurs champs de responsabilités respectifs, ce qui permet de travailler selon les principes d’étayage et de séparation nécessaires au soin et au développement de jeunes ayant vécu des ruptures. Un éducateur de la PJJ accompagne systématiquement le jeune lors du premier rendez-vous médical. Il se met d’accord avec le médecin, à l’issue de la consultation, sur le calendrier des rendez-vous nécessaires au suivi. Ce qui est échangé lors de l’entretien médical relève d’un espace singulier, dont il appartient au jeune, s’il le souhaite, de lever la frontière avec l’éducateur. Le médecin en a aussi la possibilité avec l’accord de l’adolescent et s’il existe un bénéfice pour ce dernier ou un intérêt en termes de santé publique.

Dans l’unité, il s’agit, dès l’arrivée du jeune, de faciliter sa présence à lui-même et aux autres. Celui-ci est ainsi invité à se poser en remplissant une fiche sur différents éléments de son mode de vie et les questions qu’il se pose. L’équipe veille également à ce que les jeunes qui se connaissent ne viennent pas en même temps en rendez-vous pour éviter toute surexcitation. Chaque adolescent a ensuite une consultation médicale puis une consultation infirmière, qui s’intéressent d’abord au corps, ce qu’il est nécessaire d’en connaître, d’y prévenir, d’y soigner. Il est ensuite revu, afin que lui soient remis les résultats du bilan effectué. Les actions de l’unité auprès des jeunes de la PJJ visent surtout l’éducation à la santé, en abordant notamment les conséquences de la désorganisation des rythmes biologiques. L’objectif est qu’ils deviennent acteurs de leur santé, un enjeu important dans la mesure où ils la perçoivent paradoxalement plutôt comme bonne.

Enfin, le premier entretien médical est préparé en amont. C’est un travail éducatif essentiel et difficile qui impose de cheminer en évitant les écueils du rendez-vous “obligatoire”, de l’intrusion, de l’improvisation. Cette préparation permet d’interroger la dynamique de la relation entre le jeune et son éducateur, lequel est invité à trouver sa juste place en adoptant une attitude de “déprise bienveillante”.

La convention-cadre signée entre la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse et l’unité Guy-Môquet prévoit, entre autres leviers pour favoriser l’accès aux soins des mineurs, des conférences-débats ouvertes aux professionnels de la PJJ et plus largement à ceux du secteur éducatif (aide sociale à l’enfance, Education nationale, associations…). Au-delà d’une meilleure compréhension des besoins du public(3) par les intervenants éducatifs, ce sont des espaces d’échanges entre l’institution judiciaire et celle de la santé qui s’inscrivent dans les objectifs du projet “PJJ promotrice de santé”.

Un partenariat à double sens

Lancé officiellement le 1er février 2013(4) et soutenu par le secrétariat général du ministère des Affaires sociales et par la direction générale de la santé, celui-ci s’appuie sur le concept de “promotion de la santé” retenu par l’Organisation mondiale de la santé dans la charte d’Ottawa en 1986 (voir aussi notre Décryptage, page 30). Définie comme “le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et d’améliorer celle-ci”, la promotion de la santé dépasse la seule mobilisation du système de soins : elle est l’affaire de tous.

Les professionnels de la PJJ jouent dans ce cadre un rôle décisif pour la santé des mineurs qui leur sont confiés et qui sont éloignés de l’offre de soins et de prévention(5). Ils sont un maillon essentiel pour les accompagner vers les espaces de soins. Les échanges dans le cadre des conférences-débats viennent favoriser la construction d’une culture partagée, entre les professionnels de la PJJ et ceux du système de soins, nécessaire à une prise en charge globale. Au-delà de l’action éducative en matière de santé-bien-être, la PJJ a d’évidence besoin de l’aide du milieu sanitaire. Et les politiques de santé publique ne sauraient se passer du travail déployé par cette dernière pour atteindre ce public prioritaire car en marge des systèmes de soins conventionnels. Ce partenariat à double sens s’illustre dans la coopération entre la PJJ et l’unité Guy-Môquet.

Notes

(1) Florian Lavoyer est conseiller technique « santé-évaluation interne-politique de la ville ».

(2) Florya Kaci, Claire Allais, Thomas Girard – « Médecine de l’adolescent : conduite à tenir dans le cadre du concept de rupture » – La Revue du praticien n° 2 – Février 2014 ; Thomas Girard, Frédéric Léger – La santé des adolescents en rupture. Une nouvelle approche thérapeutique – Ed. érès (à paraître en janvier 2016).

(3) Décrits dans l’enquête Inserm, 2005 : « La santé des jeunes de 14 à 20 ans pris en charge par les services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, sept ans après ».

(4) Note DPJJ du 27 décembre 2013 relative au cadrage opérationnel du projet « PJJ promotrice de santé ».

(5) Aurélien Chatagner – « Adolescents reçus en urgence psychiatrie infanto-juvénile. Qui sont-ils ? Quel est leur parcours ? Quel suivi social et/ou judiciaire ? » – Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, n° 2 – Mars 2015.

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