Le Parlement a définitivement adopté, le 14 décembre, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Elle « sera promulguée avant la fin de l’année pour une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2016 », ont assuré la ministre de la Santé et la secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées et de l’autonomie dans un communiqué du 14 décembre, sous réserve d’exceptions et de la parution des textes d’application. Pour Marisol Touraine et Laurence Rossignol, « ce texte marquera l’histoire de la prise en charge collective du vieillissement de la population à travers des actions concrètes ». L’ensemble de ces actions sera « financé de façon pérenne grâce à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie [CASA], évaluée à environ 700 millions d’euros », rappellent-elles.
Afin d’anticiper la perte d’autonomie, le gouvernement entend développer des politiques coordonnées de prévention au niveau local, en particulier grâce à la création d’une conférence départementale des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, dont les modalités de mise en œuvre seront précisées par décret. Rappelons que, sans perdre de temps, Laurence Rossignol avait en juin dernier installé un comité de pilotage des préfigurateurs des conférences des financeurs(1), qui seront généralisées « dès le début de l’année 2016 », a-t-elle précisé au Grand zapping du Synerpa (Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées), le 10 décembre.
Cette nouvelle instance devra établir, pour le territoire départemental, un programme coordonné des financements des actions individuelles et collectives de prévention en direction des personnes âgées de plus de 60 ans, en complément des prestations légales ou réglementaires. Plus précisément, la conférence devra :
→ améliorer l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile ;
→ programmer les aides correspondant au forfait-autonomie destiné aux logements-foyers accueillant des personnes âgées, à l’avenir appelés « résidences autonomie » ;
→ coordonner et appuyer des actions de prévention mises en œuvre par les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) intervenant auprès de personnes âgées ainsi que par les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad) qui ont opté pour un mode d’organisation intégré (voir ci-dessous) ;
→ encourager des actions d’accompagnement des proches aidants ;
→ favoriser le développement d’autres actions collectives de prévention.
La présidence de la conférence des financeurs sera assurée par le président du conseil départemental et la vice-présidence par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS). C’est la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) qui financera, au titre de la section V de son budget(2), l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles, les actions collectives de prévention, celles qui sont mises en œuvre par les Spasad « nouvelle génération » et les aides correspondant au forfait autonomie des résidences autonomie.
Pour permettre à chaque personne âgée de choisir de rester à domicile même si la perte d’autonomie survient, la loi réforme l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Conformément à l’article L. 232-3 du code de l’action sociale et des familles, lorsque l’APA est accordée à une personne résidant à domicile, elle est affectée à la couverture des dépenses de toute nature relevant d’un plan d’aide personnalisé, élaboré par l’équipe médico-sociale du département, qui devra désormais réaliser une évaluation multidimensionnelle de la personne âgée. En pratique, l’équipe médico-sociale devra :
→ apprécier le degré de perte d’autonomie du demandeur, qui détermine l’éligibilité à l’APA, sur la base de la grille nationale « AGGIR » ;
→ évaluer sa situation et ses besoins ainsi que ceux de ses proches aidants ;
→ proposer un plan d’aide, informer de l’ensemble des modalités d’intervention existantes et recommander les modalités d’intervention qui lui paraissent les plus appropriées compte tenu du besoin d’aide et de la perte d’autonomie du bénéficiaire, et des besoins des proches aidants, ainsi que les modalités de sa prise en charge en cas d’hospitalisation des aidants ;
→ identifier les autres aides utiles, dont celles qui sont déjà mises en place, au soutien à domicile du bénéficiaire, y compris dans un objectif de prévention, ou au soutien de ses aidants, non prises en charge au titre de l’APA.
Par ailleurs, le montant maximal du plan d’aide personnalisé est actuellement fixé par un tarif national en fonction du degré de perte d’autonomie déterminé à l’aide de la grille « AGGIR ». A l’avenir, il ne pourra pas dépasser un plafond défini par décret en fonction du degré de perte d’autonomie déterminé à l’aide de la grille « AGGIR » et revalorisé chaque année au 1er janvier en fonction de l’évolution de la majoration pour aide constante d’une tierce personne. A cette occasion, le gouvernement devrait sensiblement revaloriser le montant de ces plafonds.
S’agissant de la participation financière des personnes âgées, elle sera désormais modulée en fonction du montant du plan d’aide et de leurs ressources, toujours selon un barème national revalorisé chaque année au 1er janvier conformément à l’évolution de la majoration pour aide constante d’une tierce personne. En outre, lorsque le bénéficiaire recourra à un SAAD financé par forfait global dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), son allocation et sa participation pourront, dans des conditions fixées par décret, être calculées de façon forfaitaire au regard du plan d’aide qu’il a accepté.
La loi aménage également les modalités de versement de l’APA : si elle pose le principe d’un versement direct au bénéficiaire, elle permet aussi, sous certaines conditions, que l’allocation soit versée directement au service, à l’organisme ou à la personne intervenant au domicile de la personne âgée.
Le texte compense enfin aux départements les dépenses nouvelles à leur charge issues des améliorations apportées à l’APA à domicile. Dans ce cadre, la section II de la CNSA sera abondée d’une fraction de la CASA égale à 55,9 % en 2016 et à 70,5 % les années suivantes.
Désormais, les services d’aide et d’accompagnement à domicile qui souhaitent intervenir auprès des titulaires de l’APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH) devront y être expressément autorisés s’ils ne sont pas détenteurs de l’habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale. La loi opte ainsi pour un régime unique d’autorisation tarifé qui met fin au droit d’option entre l’agrément et l’autorisation pour les SAAD intervenant en mode prestataire(3). Deux situations vont ainsi coexister, expliquent les rapporteurs de la loi au Sénat (Rap. Sén. n° 101, Labazée et Roche, 2015, page 67) :
→ les services autorisés et habilités à l’aide sociale, qui feront l’objet d’une tarification administrée(4) ;
→ les services autorisés et non habilités à l’aide sociale, qui pourront fixer librement leurs tarifs(5).
Dans tous les cas, les services devront accueillir, dans la limite de leur spécialité et de leur zone d’intervention autorisée, toute personne bénéficiaire de l’APA et de la PCH dans des conditions précisées, le cas échéant, par un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Ils devront également respecter un cahier des charges national qui sera défini par un décret à paraître « courant janvier pour permettre à l’ensemble des acteurs de se l’approprier avant qu’il ne soit rendu opposable au 1er juillet prochain », a indiqué Laurence Rossignol lors du Grand zapping du Synerpa.
La loi organise aussi les conditions du passage vers l’autorisation et l’habilitation à l’aide sociale. Les SAAD ici visés qui, à la date de publication de loi, bénéficient d’un agrément seront réputés détenir une autorisation ne valant pas habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale à compter de la date d’effet de leur dernier agrément. A la date à laquelle leur agrément aurait pris fin, ils devront donc procéder à l’évaluation externe de leurs activités et de la qualité de leurs prestations. Toutefois, précise la loi, « l’échéance de cette obligation ne peut intervenir dans les deux ans suivant la date de promulgation de la loi ».
Les demandes de création ou d’extension d’un SAAD assorties de l’habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale ou de l’autorisation du département, ainsi qu’une telle habilitation ou autorisation pour un service préexistant, seront exonérées de la procédure d’appel à projet jusqu’au 31 décembre 2022. Il appartiendra au président du conseil départemental de se prononcer, par une décision motivée, dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande, le silence gardé valant rejet. « Il s’agit [ici] d’éviter des situations où toute création de services d’aide à domicile se trouverait bloquée sur le territoire d’un département », soulignent les rapporteurs au Sénat (Rap. Sén. n° 101, Labazée et Roche, 2015, page 68).
Signalons que, par coordination, la loi met en place un régime d’autorisation pour des services actuellement agréés qui interviennent auprès des familles en difficulté et dont la liste doit être définie par décret. En outre, le texte définit le contenu des CPOM que peuvent conclure les SAAD autorisés qui interviennent auprès des personnes âgées, des personnes handicapées ainsi que des mineurs et des jeunes majeurs pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance.
Les Spasad ainsi que les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les SAAD pourront expérimenter, à compter de la publication de la loi au Journal officiel et pour une durée maximale de deux ans, un modèle intégré d’organisation, de fonctionnement et de financement des Spasad. Cette expérimentation devra être menée avec l’accord des conseils départementaux et des agences régionales de santé (ARS). Ce nouveau modèle devra respecter un cahier des charges fixé par un arrêté qui sera « publié dès la promulgation de loi », a précisé Laurence Rossignol au Synerpa. En outre, sa mise en œuvre sera subordonnée à la conclusion d’un CPOM par lequel le conseil départemental, l’ARS et le gestionnaire du service devront s’accorder sur un certain nombre d’éléments (missions, modalités de coordination, tarifs des activités d’aide à domicile…).
Le gouvernement devra remettre au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2017, un rapport d’évaluation des expérimentations. Une évaluation qui portera aussi sur l’amélioration de la qualité de l’accompagnement des bénéficiaires et les éventuelles économies d’échelle réalisables au regard de la mutualisation des moyens.
La loi définit tout d’abord le « proche aidant » d’une personne âgée comme étant « son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne ».
Afin de le soutenir, la loi précise que l’aidant qui assure une présence ou une aide indispensables auprès d’un bénéficiaire de l’APA et qui ne peut être remplacé pourra ouvrir droit, dans le cadre de cette allocation, à des dispositifs répondant à des besoins de répit (accueil de jour, hébergement temporaire, aide à domicile renforcée…). Ceux-ci devront être définis dans le plan d’aide personnalisé suivant le besoin de répit évalué par l’équipe médico-sociale lors de la demande initiale ou de révision de l’APA. Cette aide pourra être accordée, sous certaines conditions, dans la limite d’un plafond fixé par voie réglementaire. En cas d’hospitalisation du proche aidant, le montant du plan d’aide pourra être ponctuellement augmenté au-delà du plafond et jusqu’à un montant fixé par décret.
Par ailleurs, le congé de soutien familial change de nom pour devenir le « congé de proche aidant », ce qui permet de ne plus le restreindre aux seuls membres de la famille. La loi assouplit également les modalités d’utilisation de ce congé, qui pourra désormais, avec l’accord de l’employeur, être transformé en période d’activité à temps partiel. Le salarié pourra aussi prendre son congé de façon fractionnée, sans pouvoir dépasser la durée maximale de trois mois, dans des conditions qui doivent être fixées par décret. Il devra avertir son employeur au moins 48 heures avant la prise de chaque période de congé, sauf en cas de dégradation soudaine de l’état de santé de la personne aidée ou d’une situation de crise nécessitant une action urgente du proche aidant.
Sur le plan national, la loi crée un Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, placé auprès du Premier ministre. En pratique, il absorbera le Haut Conseil de l’âge, le Haut Conseil de la famille et une instance relative à l’enfance et à la protection de l’enfance, mise en place temporairement au sein de France Stratégie. Disparaîtront aussi le Comité national des retraités et des personnes âgées (CNRPA)(6), le Comité « avancée en âge » présidé par le gériatre Jean-Pierre Aquino et le Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et des personnes handicapées. La mission de ce nouveau Haut Conseil : animer le débat public et apporter aux pouvoirs publics une expertise prospective et transversale sur les questions liées à la famille et à l’enfance, à l’avancée en âge, à l’adaptation de la société au vieillissement et à la bientraitance, dans une approche intergénérationnelle. Là encore, un décret définira les modalités de fonctionnement et la composition de l’instance.
Sur le plan local, la loi instaure des conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie – qui se substitueront aux comités départementaux des retraités et des personnes âgées (Coderpa) et aux conseils départementaux consultatifs des personnes handicapées (CDCPH) – qui devront assurer la participation des personnes âgées et des personnes handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l’autonomie dans le département. Ils donneront notamment leur avis sur la constitution des maisons départementales de l’autonomie – qui seront généralisées en 2016 dans les conditions définies par la loi –, sur le schéma régional de santé ainsi que sur la programmation annuelle ou pluriannuelle des moyens alloués par l’ARS, le département et les régimes de base d’assurance vieillesse à la politique départementale de l’autonomie. C’est le président du conseil départemental qui assurera la présidence du conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie, dont la composition et le fonctionnement sont précisés par la loi.
(2) La section V de la CNSA est consacrée au soutien aux études, à la recherche et aux actions innovantes.
(3) L’activité est exercée en mode prestataire lorsque le bénéficiaire n’est pas employeur, mais simple usager d’un service délivré par une personne salariée d’une association ou d’une entreprise.
(4) La tarification administrée est définie dans le cadre d’une négociation budgétaire annuelle entre le conseil départemental et la structure. Cette procédure tarifaire conduit ainsi à la fixation d’un tarif horaire distinct selon le degré de qualification des intervenants.
(5) Le prix est librement fixé lors de la signature du contrat avec le bénéficiaire du service, puis peut augmenter dans la limite d’un pourcentage fixé par arrêté.
(6) Dans l’attente de l’installation de ce Haut Conseil, un décret du 9 décembre 2015 prévoit le maintien du CNRPA jusqu’au 30 juin 2016 (décret n° 2015-1624 du 9 décembre 2015, J.O. du 11-12-15).