Recevoir la newsletter

La réforme du droit d’asile (suite et fin)

Article réservé aux abonnés

Dernier volet de notre dossier sur la loi « asile », consacré à la protection internationale. Motifs d’octroi ou de cessation, droits afférents au statut de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire : de nouvelles règles ont été posées. Coup de projecteur également sur les apatrides, dont le statut est désormais reconnu par le législateur.
IV. La protection internationale

La loi du 29 juillet 2015 a, entre autres textes européens, transposé en droit français la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 – dite « qualification » –, qui concerne les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale. Actes et motifs de persécution donnant droit au statut de réfugié, raisons justifiant le bénéfice de la protection subsidiaire ou, à l’inverse, la cessation de la protection internationale accordée… : les modifications ou précisions apportées par le législateur sont nombreuses, guidées par une volonté affichée de clarification. Elles touchent également au contenu même de la protection internationale, c’est-à-dire aux droits des personnes auxquelles une telle protection a été accordée.

A. Les motifs d’octroi de la protection

1. La qualité de réfugié

Consacrant la jurisprudence et la pratique en vigueur, le législateur a inséré dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) une définition des actes et des motifs de persécution ouvrant droit au statut de réfugié, en renvoyant aux définitions contenues dans la directive « qualification ».

Il a également précisé la notion de lien entre les motifs et les actes de persécution ainsi que la notion d’imputabilité.

Enfin, dans un but de clarification du droit, la loi a inscrit dans le Ceseda, en les assortissant de précisions, certaines dispositions de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, concernant les clauses d’exclusion et de cessation du statut de réfugié.

A Les actes de persécution

La loi du 29 juillet 2015 définit les actes de persécution justifiant la reconnaissance de la qualité de réfugié en procédant par renvoi à la section A de l’article 1er de la convention de Genève et aux paragraphes 1 et 2 de l’article 9 de la directive « qualification » (Ceseda, art. L. 711-2 modifié). Soit des principes internationaux déjà ancrés dans la pratique administrative et la jurisprudence.

D’après la convention de Genève, ces actes correspondent aux hypothèses dans lesquelles des personnes qui se trouvent hors du pays dont elles ont la nationalité « craignent avec raison d’être persécutées […] et ne [peuvent] ou, du fait de cette crainte, ne [veulent] se réclamer de la protection de ce pays ».

En complément, la directive « qualification » a précisé deux critères cumulatifs à prendre en compte pour identifier les actes de persécution :

→ leur gravité d’une part, les violences concernées devant être « suffisamment graves du fait de [leur] nature ou de [leur] caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme »;

→ la manière dont ces violences se matérialisent d’autre part, la directive établissant une liste non exhaustive comprenant notamment les violences physiques ou mentales et les violences sexuelles.

B Les motifs de persécution

Les motifs de persécution sont définis par renvoi à la section A de l’article 1er de la convention de Genève et au paragraphe 1 de l’article 10 de la directive « qualification ». Ils sont au nombre de cinq : race, nationalité, religion, opinions politiques et appartenance à un groupe social.

S’agissant de ce dernier motif, la directive indique qu’un groupe est considéré comme un groupe social lorsque ses « membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée […] » et qu’il a « une identité propre […] parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante ». A cet égard, le législateur a tenu à préciser dans le Ceseda que les aspects liés au genre et à l’orientation sexuelle « sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe » (Ceseda, art. L. 711-2 modifié).

C Les notions d’imputabilité et de lien entre motifs et actes de persécution

La loi transpose deux mesures de la directive « qualification » en reprenant des principes que l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et les juridictions appliquaient déjà (Ceseda, art. L. 711-2 modifié) :

→ pour que la qualité de réfugié soit reconnue, il doit exister un lien entre l’un des motifs de persécution et les actes de persécution ou l’absence de protection contre de tels actes ;

→ lorsque l’autorité compétente évalue si le demandeur craint avec raison d’être persécuté, il est indifférent que celui-ci possède effectivement les caractéristiques liées au motif de persécution ou que ces caractéristiques lui soient seulement attribuées par l’auteur des persécutions.

D Les clauses d’exclusion du statut de réfugié

Les sections D, E et F de l’article 1er de la convention de Genève prévoient trois clauses d’exclusion qui justifient que le dossier d’un demandeur d’asile soit rejeté (Ceseda, art. L. 711-3 nouveau).

Tout d’abord, le statut de réfugié n’est pas reconnu à une personne bénéficiant déjà « d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies », autre que le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (section D).

En outre, un individu « considéré par les autorités compétentes du pays dans lequel [il] a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays » ne peut obtenir le statut de réfugié (section E).

Enfin, sont également exclues du statut de réfugié les personnes « dont on aura des raisons sérieuses de penser » (section F) :

→ qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ;

→ qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées ;

→ qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et principes des Nations unies.

Bien que prises en compte par l’OFPRA et la jurisprudence, les clauses d’exclusion prévues aux sections D et E de la convention de Genève n’étaient pas citées auparavant par le Ceseda. C’est désormais le cas (Ceseda, art. L. 711-3 nouveau).

La loi du 29 juillet 2015 prévoit que sont aussi exclus du statut de réfugié les instigateurs et les complices des crimes et agissements mentionnés à la section F de la convention de Genève (Ceseda, art. L. 711-3 nouveau). Une règle qui était, là encore, d’ores et déjà appliquée par la jurisprudence.

2. La protection subsidiaire

La loi a modifié également la définition même de la protection subsidiaire – statut accordé à une personne qui ne bénéficie pas de celui de réfugié mais qui est exposée dans son pays à une des formes de danger visées par la loi – pour mieux la faire coïncider avec les termes de la directive « qualification ».

A Les conditions d’octroi

La protection subsidiaire est dorénavant accordée à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle « il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes » (Ceseda, art. L. 712-1 modifié) :

→ la peine de mort « ou une exécution » ;

→ la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

→ s’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne ou international.

B Les clauses d’exclusion

Le législateur a réécrit, dans le Ceseda, les cas d’exclusion de la protection subsidiaire.

Les étrangers ne pouvaient bénéficier auparavant de la protection subsidiaire lorsqu’ils avaient commis les actes suivants :

→ un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ;

→ un crime grave de droit commun ;

→ des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;

→ une activité sur le territoire constituant une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat.

Premier changement : la notion de « crime grave de droit commun » est remplacée plus simplement par celle de « crime grave » (Ceseda, art. L. 712-2 modifié).

Par ailleurs, dans les trois premières situations, les instigateurs, complices ou personnes « personnellement impliquées » dans les crimes et agissements mentionnés sont concernées au même titre que les auteurs et ne peuvent pas, ainsi, bénéficier de la protection subsidiaire (Ceseda, art. L. 712-2 modifié).

Autre nouveauté : la protection subsidiaire peut dorénavant être refusée à une personne s’il existe des raisons sérieuses de penser (Ceseda, art. L. 712-2 modifié) :

→ d’une part, qu’elle a commis, avant son entrée en France, un ou plusieurs crimes qui ne relèvent pas des quatre cas mentionnés ci-dessus et qui seraient passibles d’une peine de prison s’ils avaient été commis en France ;

→ et d’autre part, qu’elle n’a quitté son pays d’origine que dans le but d’échapper à des sanctions résultant de ces crimes.

3. L’appréciation de la protection offerte dans le pays d’origine

Les persécutions ou menaces de persécutions prises en compte dans la reconnaissance de la qualité de réfugié et les atteintes graves ou menaces d’atteintes graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être le fait des autorités de l’Etat, de partis ou d’organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie substantielle du territoire de l’Etat, ou d’acteurs non étatiques dans les cas où les autorités du pays d’origine refusent ou ne sont pas en mesure d’offrir une protection.

Conformément à la directive « qualification », la loi relative à la réforme du droit d’asile donne une nouvelle définition de ces autorités susceptibles d’offrir une protection. Ainsi, alors que le Ceseda mentionnait auparavant simplement « les autorités de l’Etat et les organisations internationales et régionales », il évoque désormais les autorités de l’Etat ou des partis ou organisations – y compris des organisations internationales – qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci (Ceseda, art. L. 713-2 modifié).

Autre nouveauté : il est précisé que la protection susceptible d’être offerte dans le pays d’origine doit être « effective et non temporaire ». Mais aussi qu’une telle protection est en principe assurée quand les autorités du pays d’origine visées par la loi « prennent des mesures appropriées pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves, en particulier lorsqu’elles disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant de telles persécutions ou de telles atteintes, et lorsque le demandeur a accès à cette protection » (Ceseda, art. L. 713-2 modifié).

4. La notion d’asile « interne »

Des modifications ont également été apportées aux conditions de mise en œuvre de « l’asile interne », situation dans laquelle un demandeur d’asile peut voir sa demande rejetée car il aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine. Peut ainsi dorénavant être rejetée « la demande d’asile d’une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine si cette personne n’a aucune raison de craindre d’y être persécutée ou d’y être exposée à une atteinte grave, si elle peut, légalement et en toute sécurité, se rendre vers cette partie du territoire et si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle s’y établisse » (Ceseda, art. L. 713-3 modifié).

Il est tenu compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire, de la situation personnelle du demandeur ainsi que de l’auteur de la persécution au moment où il est statué sur la demande d’asile (Ceseda, art. L. 713-3 modifié).

5. Les faits constatés après le départ du pays d’origine

Transposant l’article 5 de la directive « qualification », la loi prévoit que « les craintes de persécutions prises en compte dans la reconnaissance de la qualité de réfugié et le risque réel de subir des atteintes graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être fondés sur des événements survenus après que le demandeur d’asile a quitté son pays d’origine ou à raison d’activités qu’il a exercées après son départ du pays, notamment s’il est établi que les activités invoquées constituent l’expression et la prolongation de convictions ou d’orientations affichées dans son pays » (Ceseda, art. L. 713-4 modifié).

B. Le contenu de la protection

1. Le droit au séjour

Le législateur a introduit plusieurs modifications autour des titres de séjour accordés aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille.

A L’allongement de la durée de la carte de séjour temporaire

Tandis que les personnes ayant obtenu le statut de réfugié ont droit à une carte de résident valable pendant 10 ans renouvelables, les personnes qui ont obtenu la protection subsidiaire et les membres de leur famille se voient, pour leur part, délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », sauf si leur présence constitue une menace pour l’ordre public.

Jusqu’à présent, la durée de validité de cette carte – qui donne droit à l’exercice d’une activité professionnelle – était de 1 an renouvelable. Mais comme la directive « qualification » prévoit que la durée de validité du titre de séjour délivré aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de leur famille doit être, après le premier renouvellement, d’au moins 2 ans, le législateur a modifié le Ceseda en conséquence.

La durée de validité de la carte de séjour temporaire délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux membres de la famille reste ainsi de 1 an lors de sa première délivrance mais est portée à 2 ans lors de son renouvellement (Ceseda, art. L. 313-13 modifié). Selon la rapporteure (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Sandrine Mazetier, « cet allongement de la durée de validité du titre de séjour renouvelé diminuera mécaniquement le nombre de passages en préfecture pour le public concerné (de 5 à 3 sur une période de 5 ans) » (Rap. A.N. n° 2407, Mazetier, novembre 2014, page 322).

B Un récépissé valant autorisation de séjour en attendant la délivrance du titre

L’étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue est admis à souscrire une demande de délivrance de carte de résident. Dans un délai de 8 jours à compter de sa demande, il est ainsi mis en possession d’un récépissé de demande de titre de séjour, qui vaut autorisation de séjour d’une durée de validité de 6 mois renouvelable et qui porte la mention « reconnu réfugié ». Ce document lui confère le droit d’exercer la profession de son choix. Le préfet doit ensuite procéder à la délivrance de la carte de résident dans un délai de 3 mois (Ceseda, art. L. 311-5-1 et R. 743-3 nouveaux).

Des règles similaires sont posées pour l’étranger qui s’est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire, admis pour sa part à déposer une demande de carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Ainsi, dans un délai de 8 jours à compter de sa demande, il est mis en possession d’un récépissé de demande de titre de séjour, qui vaut autorisation de séjour d’une durée de validité de 6 mois renouvelable et qui porte la mention « a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire ». Ce document confère à son titulaire le droit d’exercer la profession de son choix. Le préfet doit ensuite délivrer la carte de séjour temporaire dans un délai de 3 mois (Ceseda, art. L. 311-5-2 et R. 743-4 nouveaux).

C Un élargissement de la notion de famille

Toujours pour mettre le droit français en conformité avec la directive « qualification », la loi du 29 juillet 2015 élargit le périmètre des membres de la famille d’un réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire auquel un titre de séjour est accordé de plein droit.

Elle étend ainsi la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » aux parents des enfants mineurs non mariés bénéficiaires de la protection subsidiaire et la délivrance de plein droit d’une carte de résident aux parents d’un mineur non marié ayant obtenu le statut de réfugié.

Elle étend également, sous certaines conditions, la délivrance de plein droit d’un titre de séjour (carte de séjour temporaire ou carte de résident selon le cas) au partenaire avec lequel un étranger ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire est lié par une union civile ou à son concubin, ainsi qu’aux parents d’un mineur non marié ayant obtenu le bénéfice d’une protection internationale.

Pour résumer, sauf si leur présence constitue une menace pour l’ordre public, une carte de résident ou une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » – selon qu’il s’agisse de la famille d’un réfugié ou d’une personne ayant obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire – est dorénavant délivrée de plein droit aux membres de la famille suivants (Ceseda, art. L. 314-11 et L. 313-13 modifiés) :

→ son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin, s’il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale (voir page 60) ;

→ son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d’au moins 18 ans, si le mariage ou l’union civile est postérieur à la date d’introduction de sa demande d’asile, à condition que le mariage ou l’union civile ait été célébré depuis au moins 1 an et sous réserve d’une communauté de vie effective entre époux ou partenaires ;

→ ses enfants dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire ainsi que ses enfants âgés de 16 à 18 ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée ;

→ ses ascendants directs au premier degré si l’étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié.

D Le retrait du titre de séjour

La perte du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire – que ce soit par décision définitive de l’OFPRA, par décision de justice ou bien encore par le renoncement de l’étranger à ce statut ou à ce bénéfice (voir page 62) – entraîne le retrait des cartes de résident et de séjour temporaire, sauf quand l’étranger est en situation régulière depuis au moins 5 ans (Ceseda, art. L. 311-8-1 nouveau).

2. L’information et l’accès au droit

Il est dorénavant précisé noir sur blanc dans le Ceseda que tant les bénéficiaires du statut de réfugié que ceux de la protection subsidiaire bénéficient d’un accompagnement personnalisé pour l’accès à l’emploi et au logement lorsqu’ils se sont engagés dans le parcours d’accueil visé à l’article L. 311-9 du Ceseda qui prévoit notamment la conclusion d’un contrat d’accueil et d’intégration (Ceseda, art. L. 751-1 modifié). Jusqu’à présent, seuls les réfugiés étaient visés expressément dans le code.

Autre nouveauté : l’affirmation du principe selon lequel, dans la mise en œuvre des droits accordés aux bénéficiaires d’une protection, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables ayant des besoins particuliers (Ceseda, art. L. 751-2 modifié). Cette prise en compte est prévue par l’article 20 de la directive « qualification », aux termes duquel, lorsqu’ils mettent en œuvre les droits prévus au profit des personnes bénéficiant d’une protection internationale, « les Etats membres tiennent compte de la situation spécifique des personnes vulnérables telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents seuls accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle ». Le nouvel article L. 751-2 est ainsi une mesure de transposition de cette disposition en droit français.

3. La réunification familiale

Aucun texte ne définissait jusqu’à présent la procédure de réunification familiale des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire, ce qui ne facilitait pas la compréhension du dispositif. La nouvelle loi a repris la pratique administrative pour répondre à cette carence.

Elle confirme ainsi le principe du droit pour le ressortissant étranger qui s’est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu la protection subsidiaire à faire venir les membres de sa famille se trouvant dans leur pays d’origine, sans que leur soient opposées les conditions de durée de séjour préalable, de logement et de ressources, normalement exigibles des autres étrangers sollicitant le droit au regroupement familial. « Ce principe se justifie par le souci, pour des raisons humanitaires et de protection, de permettre la reconstitution de la cellule familiale du réfugié le plus rapidement possible », a expliqué le gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de texte.

A Le périmètre de la famille

Les membres de la famille visés sont plus précisément (Ceseda, art. L. 752-1-I nouveau) :

→ le conjoint (ou le partenaire avec lequel l’intéressé est lié par une union civile), âgé d’au moins 18 ans, si le mariage ou l’union civile est antérieur à la date d’introduction de sa demande d’asile ;

→ le concubin, âgé d’au moins 18 ans, avec lequel l’intéressé avait, avant l’introduction de sa demande d’asile, une vie commune suffisamment stable et continue ;

→ les enfants non mariés du couple, âgés au plus de 19 ans.

Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est lui-même un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré (Ceseda, art. L. 752-1-I nouveau).

Précision importante : l’âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite (Ceseda, art. L. 752-1-I nouveau).

B La procédure de réunification

La réunification familiale n’est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement (Ceseda, art. L. 752-1-II nouveau).

Concrètement, pour entrer en France, les membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire doivent solliciter un visa d’entrée pour un séjour d’une durée supérieure à 3 mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande « dans les meilleurs délais » (Ceseda, art. L. 752-1-II nouveau). La demande de réunification familiale est initiée par cette demande de visa. L’autorité diplomatique ou consulaire à solliciter est celle dans la circonscription de laquelle résident les membres de la famille de l’intéressé (Ceseda, art. R. 752-1 nouveau).

La loi impose à ces derniers de produire les actes de l’état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. Toutefois, en l’absence d’acte de l’état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d’état définis à l’article 311-1 du code civil(1) et les documents établis ou authentifiés par l’OFPRA sur le fondement de l’article L. 721-3 du Ceseda, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l’identité des demandeurs (Ceseda, art. L. 752-1-II nouveau).

Les éléments de possession d’état font foi jusqu’à preuve du contraire. Les documents établis par l’office, pour leur part, font foi jusqu’à inscription de faux (Ceseda, art. L. 752-1-II nouveau).

Au vu des justificatifs d’identité et des preuves des liens familiaux des membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, l’autorité diplomatique ou consulaire enregistre la demande de visa au réseau mondial des visas et délivre « sans délai » une attestation de dépôt de la demande. A charge pour elle, si elle estime nécessaire de procéder à des vérifications(2), d’y procéder dès le dépôt de la demande et d’en informer le demandeur (Ceseda, art. R. 752-2 nouveau).

Dès l’enregistrement de la demande par l’autorité diplomatique ou consulaire, le ministre chargé de l’asile sollicite de l’OFPRA la certification de la situation de famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire ainsi que de son état civil. L’office transmet la certification de la situation de famille et de l’état civil « dans les meilleurs délais » au ministre chargé de l’asile qui en informe l’autorité diplomatique ou consulaire (Ceseda, art. R. 752-3 nouveau).

C Les exclusions de la réunification familiale

La réunification familiale ne peut être refusée que si le demandeur ne se conforme pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France (Ceseda, art. L. 752-1-II nouveau).

Peut par ailleurs être exclu de la réunification familiale un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l’ordre public ou lorsqu’il est établi qu’il est instigateur, auteur ou complice des persécutions et atteintes graves qui ont justifié l’octroi d’une protection au titre de l’asile (Ceseda, art. L. 752-1-II nouveau).

4. La prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant

La loi « asile » instaure de nouvelles règles relatives à la recherche de membres de famille d’un mineur isolé bénéficiaire d’une protection au titre de l’asile. Objectif affiché : garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.

Elle prévoit ainsi que, lorsqu’une protection au titre de l’asile est octroyée à un mineur non accompagné, des mesures doivent être prises « dès que possible » pour assurer sa représentation légale. En outre, « dans toutes les décisions le concernant, notamment en matière de placement et de recherche des membres de sa famille », il doit être tenu compte « de son intérêt supérieur, de ses besoins particuliers ainsi que de son avis, en fonction de son âge et de sa maturité ». La loi prévoit également qu’il doit être procédé dès que possible à une recherche des membres de sa famille si elle n’a pas commencé (Ceseda, art. L. 752-2 nouveau).

Dans le cas où la vie ou l’intégrité physique du mineur ou de ses parents proches restés dans le pays d’origine serait menacée, cette recherche doit être menée de manière confidentielle (Ceseda, art. L. 752-2 nouveau).

5. Un certificat médical en cas de risque d’excision

Dans le cas particulier où une protection a été accordée à une mineure ayant invoqué un risque d’excision, l’OFPRA a désormais la possibilité de lui demander de se soumettre à un examen médical visant à constater l’absence de mutilation (Ceseda, art. L. 752-3 nouveau). « En effet, explique l’exposé des motifs du projet de loi, contrairement à la protection accordée dans les autres cas, le risque d’excision persiste une fois la personne arrivée sur le territoire national et il importe donc de garantir une protection constante de l’intégrité physique de la fillette. »

Cette possibilité est ouverte à l’office « tant que ce risque existe » et tant que l’intéressée est mineure. Tout refus de se soumettre à cet examen ou tout constat de mutilation est transmis par l’office au procureur de la République. L’OFPRA doit informer les parents ou tuteurs légaux de l’intéressée mineure de cette éventualité (Ceseda, art. L. 752-3 et R. 752-10 nouveaux).

L’OFPRA doit observer un délai minimal de 3 ans entre deux examens, sauf s’il existe des motifs réels et sérieux de penser qu’une mutilation sexuelle a effectivement été pratiquée ou pourrait être pratiquée (Ceseda, art. L. 752-3 nouveau).

(A noter) Bien que la disposition législative qui prévoit l’examen médical soit en principe applicable depuis le 31 juillet 2015, un arrêté est encore attendu pour en définir les modalités d’application et, en particulier, les catégories de médecins qui peuvent pratiquer l’examen.

6. L’encadrement des titres de voyage

La loi donne une base légale aux titres de voyage délivrés tant à des réfugiés qu’à des personnes sous protection subsidiaire en définissant leurs conditions d’attribution dans le respect de la convention de Genève et de la directive « qualification » de 2011. Tous sont délivrés « à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent » (Ceseda, art. L. 753-1 nouveau).

Le titre de voyage pour réfugié est, comme son nom l’indique, délivré à l’étranger titulaire d’un titre de séjour en cours de validité auquel la qualité de réfugié a été reconnue et qui se trouve sous la protection de l’OFPRA. Il autorise son titulaire à voyager hors du territoire français et à se rendre dans tous les Etats à l’exclusion de celui ou de ceux vis-à-vis desquels ses craintes de persécution ont été reconnues comme fondées (Ceseda, art. L. 753-1 nouveau).

Le bénéficiaire de la protection subsidiaire titulaire d’un titre de séjour en cours de validité, placé sous la protection de l’OFPRA et dans l’impossibilité d’obtenir un passeport national peut se voir, pour sa part, délivré un titre d’identité et de voyage. Ce document lui permet de voyager hors du territoire français et de se rendre dans tous les Etats à l’exclusion de celui ou de ceux dans lesquels il est établi qu’il est exposé à l’une des menaces graves ayant fondé l’octroi de la protection subsidiaire (Ceseda, art. L. 753-2 nouveau). L’enfant étranger mineur du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, présent sur le territoire français et qui ne peut bénéficier d’une protection au titre de l’asile peut également se voir délivrer un titre d’identité et de voyage (Ceseda, art. L. 753-3 nouveau).

La durée de validité de ces documents sont celles qui sont fixées à l’article 953 du code général des impôts (Ceseda, art. L. 753-4 nouveau). Ainsi :

→ les titres de voyage biométriques délivrés aux réfugiés sont valables 5 ans ;

→ les titres d’identité et de voyage sont valables 1 an.

Tous peuvent être retirés ou leur renouvellement refusé lorsqu’il apparaît, postérieurement à leur délivrance, que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public le justifient (Ceseda, art. L. 753-5 nouveau).

L’étranger qui sollicite un titre de voyage doit présenter à l’appui de sa demande un certain nombre de pièces. Ainsi, s’il est majeur, il doit fournir (Ceseda, art. R. 753-4 nouveau) :

→ le titre de séjour dont il est titulaire ;

→ deux photographies de face, tête nue, de format 3,5 cm × 4,5 cm, « récentes et parfaitement ressemblantes » ;

→ un justificatif de domicile.

Si la demande est faite pour un mineur, le demandeur doit présenter (Ceseda, art. R. 753-5 nouveau) :

→ un document justifiant de la filiation du mineur ;

→ un document justifiant de sa qualité de représentant légal ;

→ deux photographies de face du mineur, tête nue, de format 3,5 cm × 4,5 cm, « récentes et parfaitement ressemblantes » ;

→ un justificatif de domicile ;

→ le cas échéant, tout document ou élément justifiant que le mineur est placé sous la protection de l’OFPRA.

(A noter) En dehors des cas de retrait prévus par la loi, le titre de voyage peut être retiré et doit être restitué par l’étranger lorsque ce dernier ne remplit plus les conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance ou en cas d’acquisition de la nationalité française (Ceseda, art. R. 753-6 nouveau).

C. La cessation de la protection

1. La cessation du statut de réfugié

Il est désormais inscrit dans le Ceseda que l’OFPRA peut mettre fin, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l’une des hypothèses suivantes prévues par la convention de Genève (Ceseda, art. L. 711-4 nouveau) :

→ si la personne concernée s’est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ;

→ si, ayant perdu sa nationalité, elle l’a volontairement recouvrée ;

→ si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ;

→ si elle est retournée volontairement s’établir dans le pays qu’elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d’être persécutée ;

→ si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité. Etant entendu, toutefois, que toutes ces règles « ne s’appliqueront pas à tout réfugié, qui peut invoquer, pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures » ;

→ s’agissant d’une personne qui n’a pas de nationalité, si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle est en mesure de retourner dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle.

Pour l’application des deux dernières hypothèses, il est précisé que le changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être suffisamment significatif et durable pour que les craintes du réfugié d’être persécuté ne puissent plus être considérées comme fondée (Ceseda, art. L. 711-4 nouveau).

L’OFPRA peut également mettre fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au statut de réfugié lorsque (Ceseda, art. L. 711-4 nouveau) :

→ le réfugié aurait dû être exclu du statut de réfugié en application des sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève (voir page 56) ;

→ la décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d’unefraude ;

→ le réfugié doit, compte tenu des circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève.

L’autorité administrative à laquelle la loi fait ici référence est le ministre chargé de l’asile ou le préfet du département où réside habituellement l’étranger ou bien encore du préfet de police lorsque ce dernier réside à Paris (Ceseda, art. R. 711-1 nouveau).

(A noter) Dans le cas où le réfugié aurait dû être exclu du statut de réfugié en application des sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève ou dans le cas où la décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d’une fraude, et si la reconnaissance de la qualité de réfugié était le fruit d’une décision de la Cour nationale du droit d’asile ou du Conseil d’Etat, la juridiction pourra être saisie par l’OFPRA ou par le ministre chargé de l’asile en vue de mettre fin au statut du réfugié. La loi renvoie toutefois à un décret le soin de fixer les modalités de cette procédure (Ceseda, art. L. 711-5 nouveau).

Enfin, le statut de réfugié peut encore être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque (Ceseda, art. L. 711-6 nouveau) :

→ il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’Etat ;

→ la personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de 10 ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société.

Il s’agit, là encore, de la transposition d’une règle établie par la directive « qualification ».

2. La cessation de la protection subsidiaire

L’OFPRA peut décider, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, de mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié l’octroi de cette protection ont cessé d’exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et durable pour que celle-ci ne soit plus requise. Exception : l’OFPRA ne peut pas, dans ce cadre, mettre fin à la protection si son bénéficiaire « justifie de raisons impérieuses tenant à des atteintes graves antérieures » l’empêchant de se réclamer de la protection de son pays d’origine (Ceseda, art. L. 712-3 nouveau).

Autre nouveauté : l’office peut également mettre fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque (Ceseda, art. L. 712-3 nouveau) :

→ son bénéficiaire aurait dû en être exclu pour avoir commis l’un des actes mentionnés à l’article L. 712-2 du Ceseda (voir page 57) ;

→ son octroi a résulté d’une fraude ;

→ son bénéficiaire doit, à raison de faits commis après l’octroi de la protection, en être exclu pour l’un des motifs mentionnés au même article L. 712-2 du Ceseda.

Dans les deux premiers cas, si l’octroi de la protection subsidiaire résulte d’une décision de la Cour nationale du droit d’asile ou du Conseil d’Etat, la juridiction pourra être saisie par l’OFPRA ou par le ministre chargé de l’asile en vue de mettre fin à la protection subsidiaire. Les modalités de cette procédure doivent toutefois encore être fixées par décret (Ceseda, art. L. 712-4 nouveau).

Comme pour la cessation du statut de réfugié, l’autorité administrative compétente pour demander à l’OFPRA de mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire est le ministre chargé de l’asile ou le préfet du département où réside habituellement l’étranger ou bien encore le préfet de police lorsque ce dernier réside à Paris (Ceseda, art. R. 712-1 nouveau).

3. Des garanties pour les personnes visées par une procédure de cessation

Aucun texte ne définissait auparavant la procédure de cessation du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire mise en œuvre par l’OFPRA, ce qui posait la question de sa conformité avec l’article 45 de la directive « procédures ». La directive dispose en effet qu’une procédure de cessation doit être clairement établie et qu’elle doit offrir certaines garanties aux personnes concernées. Ces garanties portent sur les informations à leur fournir et sur la possibilité qui doit leur être laissée de présenter les motifs pour lesquels il n’y a pas lieu de leur retirer la protection internationale. Pour ce faire, les Etats membres doivent prévoir soit un entretien personnel avec les personnes dont la protection est susceptible de prendre fin, soit un échange écrit avec les personnes concernées par une clause d’exclusion.

Concrètement, le Ceseda prévoit dorénavant que :

→ lorsque l’OFPRA envisage de mettre fin au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire, il doit en informer par écrit la personne concernée, ainsi que des motifs de l’engagement de cette procédure (Ceseda, art. L. 724-1 nouveau) ;

→ la personne concernée doit être mise à même de présenter par écrit ses observations sur les motifs de nature à faire obstacle à la fin du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire. Et si l’office estime toutefois nécessaire de procéder à un entretien personnel, celui-ci se déroule dans les conditions prévues à l’article L. 723-6 pour l’entretien du demandeur d’asile(3) (Ceseda, art. L. 724-2 nouveau) ;

→ la décision de l’office mettant fin au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire doit être notifiée par écrit à la personne concernée, motivée en fait et en droit et doit préciser les voies et délais de recours (Ceseda, art. L. 724-3 nouveau).

V. L’apatridie

La loi du 29 juillet 2015 a créé un chapitre particulier au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droits d’asile pour réglementer l’apatridie.

Les situations d’apatridie proviennent principalement des conflits de lois portant sur la nationalité entre différents Etats, des cas de successions d’Etats et de transferts de souveraineté. Le droit qui leur est applicable repose pour l’essentiel sur la convention relative au statut des apatrides – dite convention de New York – du 28 septembre 1954, directement applicable en France depuis sa publication au Journal officiel en 1956. Juridiquement, l’apatridie correspond à un statut octroyé par l’OFPRA à l’issue d’une procédure administrative spécifique.

Jusqu’à présent, le Ceseda évoquait le statut juridique des apatrides dans différents articles « sans qu’une cohérence d’ensemble ne soit dégagée », a expliqué le rapporteur au Sénat, François-Noël Buffet, au cours des débats parlementaires (Rap. Sén. n° 425, Buffet, mai 2015, page 63). Le législateur s’est donc attaché à réunir et à codifier, à droit quasi constant, les normes applicables aux apatrides dans le code. Il a également complété le droit en vigueur sur deux points : la description explicite de la procédure de reconnaissance de la qualité d’apatride par l’OFPRA d’une part, et l’adaptation aux évolutions du droit de la définition des membres de la famille pouvant solliciter le droit à une réunification familiale, d’autre part.

En 2014, 272 demandes de reconnaissance du statut d’apatride ont été transmises à l’office pour un taux d’acceptation de 25 %. Au total, l’OFPRA dénombrait environ 1 250 apatrides en 2013, soit 0,7 % des personnes protégées par l’office.

(A noter) Le rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration adressé chaque année au Parlement – document qui commente différents chiffres portant sur la politique migratoire et la situation des étrangers en France (demandeurs d’asile inclus) – précisera dorénavant le nombre d’étrangers ayant obtenu le statut d’apatride et le nombre de demandes rejetées (Ceseda, art. L. 111-10 modifié).

A. La reconnaissance de la qualité d’apatride

Le Ceseda fait désormais référence explicitement à l’article 1er de la convention de New York relative au statut de l’apatride, lequel dispose qu’un apatride est « une personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation » (Ceseda, art. L. 812-1 nouveau).

Concrètement, la demande de statut d’apatride doit être déposée à l’OFPRA. Elle est rédigée en français sur un imprimé établi par l’office. L’imprimé doit être signé et accompagné de deux photographies d’identité récentes et, le cas échéant, du document de voyage, des documents d’état civil et de la copie du document de séjour en cours de validité. Si le dossier est complet, l’office en accuse réception « sans délai » (Ceseda, art. R. 812-1 nouveau). Il « peut » convoquer le demandeur à un entretien personnel. Le demandeur est alors entendu dans la langue de son choix, sauf s’il existe une autre langue qu’il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement. Si l’entretien du demandeur nécessite l’assistance d’un interprète, sa rétribution est prise en charge par l’office. L’OFPRA peut aussi procéder à un entretien en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle (Ceseda, art. R. 812-2 nouveau). Par la suite, la décision du directeur général de l’office est notifiée à l’intéressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (Ceseda, art. R. 812-3 nouveau).

Toute décision de rejet doit être motivée en fait et en droit et préciser les voies et délais de recours. « Aucune décision sur une demande de statut d’apatride ne peut naître du silence gardé par l’office » (Ceseda, art. L. 812-3 nouveau).

En cas de décision reconnaissant la qualité d’apatride, le directeur général de l’OFPRA en informe le préfet compétent en vue de la délivrance d’une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » (Ceseda, art. R. 812-3 nouveau).

B. Le contenu du statut d’apatride

1. Un droit au séjour et à la residence

Sans changement, l’OFPRA exerce « la protection juridique et administrative des apatrides ». Il est habilité à délivrer aux intéressés les pièces nécessaires pour leur permettre d’exécuter les divers actes de la vie civile et à authentifier les actes et documents qui lui sont soumis (Ceseda, art. L. 812-4 nouveau).

L’étranger qui a obtenu la qualité d’apatride se voit délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » (Ceseda, art. L. 313-11, 10° inchangé). Cette carte est valable pour une durée initiale de 1 an renouvelable deux fois pour une même durée, soit une durée totale de 3 ans. Passé ce délai, une carte de résident est accordée de plein droit à l’apatride (Ceseda, art. L. 314-11, 9° inchangé).

2. Un droit à la réunification familiale

L’étranger apatride qui s’est vu délivrer un des titres de séjour prévus par la loi peut demander à bénéficier de la réunification familiale. Ce qui n’est pas, en soi, une nouveauté. Le droit à la réunification familiale a en effet été explicitement reconnu aux apatrides par la loi du 24 avril 1997 portant diverses dispositions relatives à l’immigration. Cette réunification est différente du regroupement familial qu’un étranger peut solliciter. En effet, aucune condition de séjour préalable, de logement et de ressources n’est exigée. La loi relative à la réforme de l’asile consacre ce droit à la réunification familiale des apatrides en confirmant son alignement sur celui des réfugiés (Ceseda, art. L. 812-5 nouveau). Comme pour ces derniers, le périmètre de la famille admise à la réunification familiale est ainsi adapté aux évolutions du droit (voir page 60).

3. Les documents de voyage

Conformément à l’article 28 de la convention de New York, les préfectures délivrent des titres de voyage aux personnes reconnues apatrides lorsqu’elles souhaitent se déplacer hors du territoire français. Mais, jusqu’à présent, ces documents étaient seulement cités à l’article 953 du code général des impôts, qui fixe leur durée de validité et leur coût pour l’usager. La loi relative à la réforme du droit d’asile insère dans le Ceseda une mention explicite à ces titres de voyage : « l’étranger reconnu apatride et titulaire d’un titre de séjour en cours de validité peut se voir délivrer un document de voyage dénommé « titre de voyage pour apatride » l’autorisant à voyager hors du territoire français » (Ceseda, art. L. 812-7 nouveau). Au passage, elle fait application de l’article 28 de la convention de New York en prévoyant la possibilité de ne pas fournir ce document à un apatride du fait de « raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ». Il est également précisé que le titre de voyage peut être retiré ou son renouvellement refusé lorsqu’il apparaît, après sa délivrance, que ces raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public le justifient (Ceseda, art. L. 812-7 nouveau).

4. Les mineurs non accompagnés

Le nouvel article L. 752-2 du Ceseda, qui concerne les mineurs non accompagnés et protégés au titre de l’asile (voir page 61), s’applique aux mineurs non accompagnés qui ont obtenu la qualité d’apatride (Ceseda, art. L. 812-6 nouveau). Leur représentation légale devra donc être assurée et il pourra être procédé à la recherche des membres de leur famille.

Il s’agit d’une mission nouvelle pour les services de l’Etat. « L’OFPRA indique toutefois que ce type de cas est extrêmement rare, les mineurs déposant un dossier de reconnaissance de la qualité d’apatride étant le plus souvent accompagnés par leurs parents », a précisé le sénateur François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 425, Buffet, mai 2015, page 68).

Ce qu’il faut retenir

Régimes de protection. Il n’existe toujours que deux statuts pour le demandeur d’asile auquel une protection a été accordée : celui de réfugié ou la protection subsidiaire. La loi du 29 juillet 2015 en a modifié les régimes afin de les faire coïncider avec le droit européen.

Critères de protection. Les aspects liés au genre et à l’orientation sexuelle sont désormais explicitement mentionnés par le code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile comme des causes de persécution ouvrant droit au statut de réfugié.

Protection dans le pays d’origine. Une demande d’asile peut être rejetée si, dans le pays d’origine, les autorités de l’Etat ou des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, sont en mesure d’offrir à la personne persécutée une protection effective et non temporaire.

Réunification familiale. La loi du 29 juillet 2015 consacre le droit pour l’étranger protégé de faire venir les membres de sa famille se trouvant dans son pays d’origine sans que lui soient opposées les conditions exigées des autres étrangers sollicitant le droit au regroupement familial.

Apatrides. La personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation bénéficie désormais d’un véritable statut juridique au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Une fois le statut d’apatride obtenu, elle se voit attribuer dans un premier temps une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Plan du dossier

Dans notre numéro 2934 du 20 novembre 2015, page 45

I. L’accès à la procédure et le droit au maintien sur le territoire

Dans notre numéro 2936 du 4 décembre 2015, page 49

II. L’accueil des demandeurs d’asile

Dans notre numéro 2937 du 11 décembre 2015, page 47

III. L’examen de la demande d’asile

Dans ce numéro

IV. La protection internationale

A. Les motifs d’octroi de la protection

B. Le contenu de la protection

C. La cessation de la protection

V. L’apatridie

A. La reconnaissance de la qualité d’apatride

B. Le contenu du statut d’apatride

Un statut à part entière pour les centres provisoires d’hébergement

S’inspirant du rapport relatif aux centres provisoires d’hébergement (CPH) du sénateur (LR) Roger Karoutchi(4), le législateur a, sous l’impulsion du Sénat, modifié le statut de ces structures pour insister sur leur rôle en matière d’intégration du public réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire.

Jusqu’à présent, les CPH étaient simplement des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) chargés d’« accueillir » les étrangers s’étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Les spécificités des CPH n’étaient pas davantage prises en compte dans les articles du code de l’action sociale et des familles (CASF) qui régissent les CHRS. La loi du 29 juillet 2015 a changé la donne en intégrant dans ce code un chapitre entier précisant les missions des CPH. Il y est indiqué que ces centres assurent « l’accueil, l’hébergement ainsi que l’accompagnement linguistique, social, professionnel et juridique des personnes qu’ils hébergent, en vue de leur intégration » et « coordonnent les actions d’intégration des étrangers » protégés. A charge pour les CPH de conclure, à cette fin, des conventions avec les acteurs de l’intégration (CASF, art. L. 349-2 nouveau), comme Pôle emploi. Le mode d’admission dans les CPH est par ailleurs aligné sur le système dorénavant applicable aux lieux d’hébergement : l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) prend la décision d’admission dans un CPH – ainsi celle de sortie de la structure et de changement de centre –, après consultation du directeur de l’établissement. De plus, les gestionnaires des CPH sont astreints aux mêmes obligations que celles qui sont applicables aux gestionnaires de lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile, en étant tenus de renseigner le traitement informatisé dédié au dispositif national d’accueil dit « DN@ » (CASF, art. L. 349-3 nouveau). Selon François-Noël Buffet, rapporteur (LR) de la loi au Sénat, « cela [permettra] à l’OFII, d’une part, de mieux connaître les réfugiés, dont il a pour mission d’assurer l’insertion, et, d’autre part, de pouvoir éventuellement organiser le passage des demandeurs d’asile d’un CADA où ils étaient hébergés vers un CPH une fois leur statut de réfugié reconnu » (Rap. Sén. n° 425, Buffet, mai 2015, page 209).

Autre précision apportée : les personnes accueillies en CPH participent à proportion de leurs ressources à leurs frais d’hébergement, de restauration et d’entretien (CASF, art. L. 349-3 nouveau).

Enfin, l’Etat doit conclure une convention avec le CPH ou un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec la personne morale gestionnaire de ce centre. Cette convention, indique la loi, doit être conforme à une convention type dont les stipulations – qui seront déterminées par décret – « prévoient notamment les objectifs, les moyens, les activités et les modalités de contrôle d’un centre provisoire d’hébergement » (CASF, art. L. 349-4 nouveau). Plus globalement, la loi renvoie également à un décret le soin de fixer les conditions de fonctionnement et de financement des CPH (CASF, art. L. 349-3 nouveau).

Textes applicables

• Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, J.O. du 30-07-15.

• Décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015, J.O. du 22-09-15.

• Décret n° 2015-1177 du 24 septembre 2015, J.O. du 25-09-15.

• Décret n° 2015-1298 du 16 octobre 2015, J.O. du 18-10-15.

• Décret n° 2015-1329 du 21 octobre 2015, J.O. du 23-10-15.

• Décret n° 2015-1364 du 28 octobre 2015, J.O. du 29-10-15.

• Arrêté du 31 juillet 2015, NOR : INTV1517758A, J.O. du 4-08-15.

• Arrêté du 16 septembre 2015, NOR : JUSE1521964A, J.O. du 1-10-15.

• Arrêté du 9 octobre 2015, NOR : INTV1524049A, J.O. du 17-10-15.

• Arrêté du 20 octobre 2015, NOR : INTV1523803A, J.O. du 24-10-15.

• Arrêté du 20 octobre 2015, NOR : INTV1524994A, J.O. du 1-11-15.

• Arrêté du 23 octobre 2015, NOR : INTV1523959A, J.O. du 31-10-15.

• Arrêtés du 29 octobre, NOR : INTV1525114A, NOR : INTV1525115A et NOR : INTV1525116A, J.O. du 3-11-15.

• Circulaire du 13 juillet 2015, NOR : INTK1517035/J, disponible sur http://circulaires.legifrance.gouv.fr

• Circulaire du 2 novembre 2015, NOR : INTV1525995J, disponible sur http://circulaires.legifrance.gouv.fr.

• Décision de l’OFPRA du 30 juillet 2015, NOR : INTV1517766S, B.O.M.I. n° 2015-9 du 15-09-15.

• Décision de l’OFPRA du 9 octobre 2015, NOR : INTV1523897S, B.O.M.I. n° 2015-11 du 15-11-15.

• Décisions de l’OFPRA du 5 novembre 2015, NOR : INTV1526500S et NOR : INTV15264870S, à paraître au B.O.M.I.

A retenir également

Accès aux lieux de rétention. La loi permet l’accès du délégué du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou ses représentants aux lieux de rétention administrative (Ceseda, art. L. 553-3 modifié).

Accès aux zones d’attente. Les représentants du délégué du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ont accès aux zones d’attente sous réserve d’avoir reçu un agrément individuel. Nouveauté prévue par le décret du 21 septembre 2015 : depuis le 1er novembre, cet agrément n’est délivré pour une durée de 3 ans – au lieu de 3 mois – par l’autorité administrative compétente (Ceseda, art. R. 223-3 modifié).

Accès à la CMU. Depuis le 1er novembre 2015, les personnes bénéficiant de la protection subsidiaire admises sur le territoire à ce titre n’ont plus à justifier d’une résidence ininterrompue en France depuis plus de 3 mois pour obtenir la couverture maladie universelle (CMU) de base (Ceseda, art. R. 380-1-I, 3° modifié). Ce, à l’instar des personnes reconnues réfugiés et de celles dont la demande d’asile a été enregistrée et qui disposent du droit de se maintenir sur le territoire.

Notes

(1) La possession d’état s’établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir.

(2) Suivant la procédure de vérification d’un acte d’état civil étranger, prévue à l’article L. 111-6 du Ceseda.

(3) Voir la troisième partie du dossier, ASH n° 2937 du 11-12-15, p. 52.

(4) Voir ASH n° 2901 du 13-03-15, p. 12.

Dossier

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur