Elles s’appellent Audrey, Céline, Eva, Marine, Monique, Nadège, Rebecca et Sylvie. Toutes ont été victimes d’un viol. Lise Poirier Courbet, sociologue clinicienne, a aussi vécu cette abomination lorsqu’elle avait 16 ans. Partie de la façon dont elle a eu « la chance de pouvoir [s’]en sortir », l’auteure a cherché à savoir ce qu’il en avait été pour ces huit femmes. L’une des originalités de son enquête impliquée est sa durée. Lise Poirier Courbet a réalisé une première vague d’entretiens en 2001, une deuxième en 2011, ce qui lui a permis d’évaluer le chemin parcouru entre-temps par les intéressées. L’« échantillon » d’itinéraires décrits n’est pas représentatif de ceux de la majorité des femmes violées. En effet, s’agissant des enquêtées, à une exception près, le violeur était un inconnu et non un parent ou un proche, cas le plus fréquent. D’autre part, six des huit participantes à la recherche ont déposé plainte, contre seulement 10 % des femmes violées. Porter plainte conduit éventuellement à un procès si le violeur est arrêté. Qualifié par Sylvie de « moment sacré » où se sentir reconnue comme victime, le procès « s’apparenta pour Eva à une mise en scène parodique, pas du tout à la hauteur du traumatisme subi », analyse Lise Poirier Courbet. Précisément, le grand intérêt de son ouvrage est de donner en partage l’expérience diversifiée des femmes ayant accepté de témoigner – leur « savoir-violé ». Il montre aussi que les moyens permettant de lutter contre les effets destructeurs d’un viol sont multiples. Ce travail de reconstruction est colossal et parfois encore à poursuivre, mais il n’est jamais trop tard pour l’entreprendre.
Vivre après un viol.
Chemins de reconstruction
Lise Poirier Courbet – Ed. érès – 25 €