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Prostitution : « Prendre à bras-le-corps » l’exposition aux violences

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Médecins du monde et les Amis du bus des femmes ont, le 17 décembre, lancé un projet pour lutter contre les violences dont sont victimes les personnes prostituées. Explications de Sarah-Marie Maffesoli, chargée de projet à Médecins du monde.
Votre projet est né d’un constat alarmant…

Entre 2010 et 2012, la mission du Lotus bus de Médecins du monde avait mené une enquête sur les violences subies par les travailleuses du sexe(1) chinoises à Paris. Sur une centaine de femmes interrogées, près de 90 % avaient été victimes de violences de tous ordres, un tiers avait été victime de viols et la moitié d’autres violences physiques. Plus de la moitié des violences, séquestrations ou vols armés commis à l’encontre des personnes qui ont porté plainte — soit une minorité — aujourd’hui accompagnées en Ile-de-France par les Amis du bus des femmes et Médecins du monde sont le fait d’agresseurs en série. Malgré ces chiffres alarmants, nous constatons un faible recours des victimes à leurs droits du fait d’une diversité d’obstacles liés à leur situation administrative précaire, à la barrière de la langue, à leur activité. Nous avons donc décidé de prendre le problème à bras-le-corps.

En quoi ce projet consiste-t-il ?

Il comprend un volet « prévention » pour lequel nous souhaitons organiser des formations à l’autodéfense et réfléchir à la mise en place d’un système d’alerte. Au Royaume-Uni, un dispositif de signalement permet ainsi à 10 000 personnes d’être destinataires de descriptions d’agresseurs déposées sur une plateforme en ligne, avec la possibilité de les partager avec la police. Un autre volet porte sur l’accompagnement dans l’accès aux droits et aux soins. En effet, les travailleurs et travailleuses du sexe sont des cibles de choix car ils vont peu porter plainte, notamment parce qu’ils ne connaissent pas leurs droits. A cause de la répression de la prostitution, ils n’identifient pas la police comme une institution protectrice. Nous allons donc effectuer un travail d’information et de sensibilisation de la police, afin de garantir l’enregistrement des plaintes. Il faut également rappeler aux professionnels de santé qu’ils peuvent établir des certificats médicaux pouvant être déterminants dans les procédures, en dehors des certificats médico-légaux que seules les unités médico-judiciaires sont habilitées à délivrer. Nous souhaitons nous mobiliser pour le droit à bénéficier d’un interprète dans les commissariats, organiser un réseau de soutien psychologique et identifier des référents au sein des autres associations et des communautés.

Comment ce projet va-t-il se déployer ?

Nous allons informer les populations concernées par le biais de supports, sur Internet, ou lors d’ateliers. Pour l’instant, ce projet pilote concerne l’Ile-de-France, mais il a vocation à se développer dans toute la France. L’objectif est d’élaborer, d’ici à trois ans, un guide de bonnes pratiques. Les partenariats sont en train de se construire avec le secteur associatif, notamment les associations d’aide aux victimes, les professionnels de santé, et nous allons nous rapprocher des commissariats.

Le lancement coïncide avec la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux travailleurs et travailleuses du sexe…

Nous avons choisi de faire du 17 décembre une date phare pour notre projet, car elle symbolise la surexposition de cette population aux violences partout dans le monde.

Contrairement à d’autres associations, vous rejetez la pénalisation des clients…

Si nous nous félicitons de l’abrogation du délit de racolage dans la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, qui doit, faute d’accord en commission mixte paritaire, repasser à l’Assemblée nationale, nous considérons que la pénalisation des clients sera nocive pour les travailleurs et travailleuses du sexe, qui seront encore plus contraints à la clandestinité. C’est une approche pragmatique qui n’est pas une position de jugement, mais une démarche de réduction des risques et de prévention qui s’inscrit dans le travail avec les « usagers ».

Notes

(1) Le Lotus bus de Médecins du monde emploie ce terme qu’il juge le moins stigmatisant possible, respectant l’autodétermination des personnes, et il est privilégié dans le guide de la terminologie recommandée par l’Onusida.

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