Près de quatre ans après sa dernière enquête sur les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) gérés par les centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS et CIAS)(1), l’Union nationale des CCAS dresse un nouvel état des lieux de l’activité de ces structures(2). Elle a interrogé plus de 680 adhérents, dont 455 gèrent directement un service, les autres participant à d’autres titres à des actions de maintien à domicile (subvention d’actions de prévention ou d’autres structures d’aide à domicile, aides financières directes aux personnes…). Au total, ils accompagnent plus de 200 000 personnes âgées, dont la majorité est dépendante (64 % présentent un groupe iso-ressources de 1 à 4). Leurs principaux domaines d’intervention concernent le portage de repas (73 %) et l’aide aux actes de la vie quotidienne (54 %).
Parmi ses constats, l’Unccas note « un repli d’activité des SAAD ». Les données recueillies permettent d’estimer à 28,2 millions le nombre d’heures d’aide à domicile effectuées en 2014, soit une baisse d’environ 3,5 % entre 2011 et 2014. La majorité (53 %) des SAAD, en particulier les plus grandes structures, estiment ainsi que l’activité de leurs services est plutôt en diminution. Les auteurs relèvent que les services autorisés par le conseil départemental sont moins concernés par cette baisse que les structures agréées par l’Etat.
Parmi les raisons avancées par les gestionnaires pour expliquer cette baisse d’activité figurent la diminution des plans d’aide délivrés par les conseils départementaux ou les caisses de retraite ou encore la sous-consommation des plans d’aide par les personnes pour qui le reste-à-charge est trop élevé. Dans les zones à forte densité démographique, la concurrence est aussi un facteur de fragilisation des services. Un tiers attribuent ce fléchissement à « la diversification des plans d’aide, qui tendent à promouvoir d’autres types d’assistance (aides techniques par exemple) ».
Un quart des structures notent aussi que les financeurs orientent les plans d’aide « vers de l’emploi direct ou des services mandataires [la personne aidée est l’employeur] plutôt que vers l’offre prestataire publique ». Les difficultés de recrutement qui entraînent des vacances de postes pour le personnel qualifié sont citées par 12 % des services.
Au final, 15 % des CCAS enquêtés ont déjà envisagé de fermer en raison de leurs difficultés financières, en particulier dans les territoires les plus vastes. Certains ont bénéficié du fonds de restructuration de l’aide à domicile entre 2012 et 2014, ce qui les a aidés à « limiter leur déficit horaire ». Alors que le système de tarification des services d’aide à domicile est à bout de souffle depuis plusieurs années en raison des écarts entre les tarifs fixés par les financeurs et le prix de revient des services, le nouveau modèle de tarification prévu par la loi d’adaptation au vieillissement adoptée le 14 décembre (voir ce numéro, page 42), qui prévoit la mise en place d’un forfait global dans le cadre de la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, permettra-t-il de résoudre ce problème structurel ? Si l’enquête ne le dit pas, un CCAS gestionnaire de services émet des doutes : « La tarification des services d’aide à domicile reste le souci majeur, mais la dotation globale n’est pas forcément la panacée et risque de faire disparaître des services de proximité qui offrent des prestations de qualité aux usagers. » Si la majorité des services (56 %) est favorable à une réforme de la tarification, la quasi-totalité souhaite qu’elle s’accompagne d’une revalorisation des tarifs. Un tiers insistent sur la nécessité d’une baisse du reste-à-charge pour l’usager. La loi « vieillissement » prévoit d’ailleurs une revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Autre constat : les SAAD emploient en moyenne 39 personnes, en majorité des aides à domicile qui interviennent auprès de huit personnes différentes. Les professionnels titulaires de la fonction publique territoriale sont plutôt moins nombreux qu’en 2012 (57 % contre 61 %) et l’enquête révèle que le déficit horaire moyen des SAAD augmente avec la part de titulaires. Cela démontre que le coût du service est « impacté directement par le statut des agents, avec des rémunérations plus élevées dans le cas des titulaires, et donc une dérive pouvant conduire à recourir à des statuts plus précaires (contractuels) pour contenir le déficit ». Le temps partiel reste important parmi les titulaires (62 %) et majoritaire chez les contractuels (85 %). Autre fait marquant : la proportion de diplômés est plus importante – 45 % des intervenants possèdent un diplôme relevant de la filière sanitaire et sociale (dont le DEAVS), contre 40 % en 2012. L’enquête rappelle que le niveau de diplôme « ne semble pas toujours pris en compte par les autorités tarificatrices lors de la négociation sur la tarification des services autorisés, ce qui amène les services à déplorer une situation paradoxale où ils sont incités à qualifier le personnel sans qu’une partie des coûts qui en résultent en soit assumée ». Les trois quarts des services ont des difficultés à recruter du personnel qualifié, notamment sur les territoires les plus peuplés. L’accueil de stagiaires est répandu (81 %), en particulier pour les services dispensant de gros volumes d’heures d’intervention. Ceux qui n’en accueillent pas invoquent le manque de temps et/ou le coût pour le service, le risque de réticences des usagers ou la difficulté de mobilisation de l’équipe pour le tutorat. Enfin, dans 71 % des SAAD, les intervenants à domicile ont engagé ou réalisé une validation des acquis de l’expérience (VAE).
L’enquête note que les SAAD publics sont peu engagés dans des dispositifs de regroupement de services. Seule une dizaine de services sont intégrés dans des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), une petite vingtaine font partie d’un groupement de coopération sociale ou médico-sociale (GCSMS). 44 % des CCAS participent à une coordination de parcours des usagers entre plusieurs services ou entités (CLIC, Paerpa, MAIA…) et 9 % portent eux-mêmes la démarche.
Au lendemain de l’adoption définitive de la loi d’adaptation de la société au vieillissement, le 14 décembre, les fédérations d’aide à domicile — ADMR, Adessadomicile, Fnaafp-CSF, UNA — saluent un texte qui « comporte des éléments qui vont dans le bon sens », dont la revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Pour autant, le texte « ne répond pas entièrement aux attentes du secteur dans la mesure où son financement par la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) n’est pas […] à la hauteur des besoins exprimés sur le terrain », déplorent les fédérations. Elles rappellent que de nombreuses associations sont « liquidées chaque année simplement parce qu’elles ne sont pas financées à la hauteur de leur coût de revient ». Pour Thierry Couvert-Leroy, directeur de l’animation à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), « on n’a pas résolu le problème qui est que le prix payé par le financeur pour une prestation à domicile est inférieur au prix de revient du service ». Alors que le 14 décembre, Manuel Valls a, une nouvelle fois, au journal télévisé sur France 2, présenté ce secteur comme un « gisement d’emplois extraordinaire », les fédérations de l’aide à domicile se disent « disponibles pour rencontrer le Premier ministre afin d’évoquer avec lui les pistes pour redynamiser l’emploi dans notre secteur ».
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