A l’issue d’un long processus de concertation(1), un projet de loi pour une République numérique a été présenté en conseil des ministres le 9 décembre par le ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, et la secrétaire d’Etat chargée du numérique. Il s’organise autour de trois axes : favoriser la circulation des données et du savoir, protéger les individus dans la société du numérique et garantir le numérique pour tous. Dans ce dernier volet, le texte traite notamment de l’accès des personnes handicapées aux services téléphoniques et aux sites Internet, ainsi que du maintien de la connexion Internet pour les personnes les plus démunies. Il sera discuté devant l’Assemblée nationale à partir du 19 janvier prochain.
Afin de rendre les services téléphoniques accessibles aux personnes sourdes et malentendantes, le projet de loi prévoit, dans la continuité de l’expérimentation du centre relais téléphonique qui s’est achevée le 1er juin dernier, d’instaurer une obligation de mise en accessibilité des services téléphoniques quel que soit le terminal utilisé (téléphone fixe ou mobile). Cette mesure se traduirait par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Elle concernerait les services téléphoniques des services publics, les services clients des entreprises, ainsi que les services de communications électroniques fournis par les opérateurs. Cette obligation serait partagée de façon « équilibrée » entre les administrations, les entreprises et les opérateurs de communications électroniques, assure l’étude d’impact du texte. Deux dispositifs sont ainsi envisagés :
→ les services publics et les entreprises devront à terme pouvoir être joints par toute personne sourde ou malentendante. Cela implique qu’ils se dotent en interne d’interprètes ou fassent appel à un prestataire spécialisé ;
→ les opérateurs de communications électroniques devront développer une offre commerciale accessible pour les services fixe et/ou mobile. Un décret précisera les contours minimaux de cette offre dont le tarif devra rester « abordable », indique l’étude d’impact.
Depuis 2005, les services de communication publique en ligne des services de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics doivent être accessibles aux personnes handicapées. Jusqu’à présent, le contrôle de conformité des sites Internet au référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RG2A)(2) se fait sur la base d’une déclaration en ligne des services publics. La sanction prévue pour les sites non conformes consiste à les classer dans une liste qui doit être mise en ligne par le ministre chargé des personnes handicapées. Or ces deux mesures, en application depuis 2009, « se sont révélées inopérantes », souligne l’étude d’impact.
Pour conduire les sites publics à une meilleure prise en compte des besoins des personnes handicapées, le projet de loi propose d’instaurer une obligation d’afficher sur chacune de leurs pages « une mention visible précisant s’il[s sont] ou non conforme[s] aux règles relatives à l’accessibilité » conformément au RG2A. Cette mesure vise à valoriser les services publics qui ont fait un effort pour rendre leurs sites Internet accessibles et à encourager les autres à s’y engager « rapidement », précise l’étude d’impact. En outre, en cas de défaut de mise en conformité d’un service de communication publique en ligne, le projet de loi prévoit une sanction administrative dont le montant, ne pouvant excéder 5 000 €, sera fixé par décret.
« L’accès à Internet s’est imposé ces dernières années comme un service essentiel, tant pour les démarches administratives, la recherche d’emploi que pour l’accès à l’information », relève l’étude d’impact. Le projet de loi propose d’inclure l’accès aux services Internet dans le périmètre des services pouvant bénéficier d’une aide financière de la collectivité, qui permet aux plus démunis de disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans leur logement(3). Ainsi, les personnes qui rencontrent des difficultés pour s’acquitter de leurs factures auprès de leur fournisseur d’accès à Internet pourront faire une demande d’aide auprès du fonds de solidarité pour le logement de leur département de résidence et bénéficier d’une aide au maintien de la connexion.
(1) Une consultation a été menée par le Conseil national du numérique entre octobre 2014 et février 2015 et une consultation publique a été organisée de septembre à octobre 2015 sur le texte de l’avant-projet de loi.
(2) Sur ce référentiel, voir en dernier lieu ASH n° 2909 du 8-05-15, p. 39.
(3) Actuellement, il existe également une possibilité pour les opérateurs de proposer à leurs clients allocataires du revenu de solidarité active un tarif social de l’Internet. Pour une présentation détaillée des tarifs sociaux de l’énergie et des télécommunications, voir ASH n° 2863 du 6-06-14, p. 47.