Dans un rapport rendu public le 7 décembre(1), le Conseil de l’Europe appelle à mieux protéger les enfants contre les abus sexuels, en incluant tous les auteurs possibles dans la loi, en améliorant la collecte de données sur ces actes et en atténuant le traumatisme subi par les enfants. Ce document analyse pour la première fois la façon dont les Etats européens mettent en œuvre la Convention de Lanzarote sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, ratifiée en 2010 par la France. Il a été élaboré par un comité d’experts réunissant les 26 pays qui avaient ratifié la convention au moment du lancement de l’étude(2) – dit « comité de Lanzarote » –, sur la base des informations communiquées par les autorités nationales et les organisations non gouvernementales.
S’agissant de la France, le rapport rappelle notamment que l’article 227-27 du code pénal punit de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 € les abus sexuels sans violence commis sur des mineurs de plus de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant une autorité juridique ou « de fait » sur l’enfant. La notion d’autorité de fait est relativement large et inclut les situations dans lesquelles une personne abuse d’une position de confiance établie, de son autorité ou de son influence à l’égard d’un enfant, y compris au sein de la famille. Pourtant, le Conseil de l’Europe estime que la France pourrait aller plus loin et couvrir davantage d’auteurs d’abus sexuels, comme les amis ou les collègues des parents ou encore les voisins. A l’heure actuelle, note le comité d’experts, seule l’Espagne a correctement transposé la Convention de Lanzarote en criminalisant les actes commis « en abusant d’une position reconnue de confiance, d’autorité ou d’influence sur l’enfant ». Le rapport appelle donc les autres Etats à intégrer ces termes dans leur législation, afin de laisser la possibilité aux juges de déterminer au cas par cas si la personne se trouve dans une telle position par rapport à l’enfant.
Le Conseil de l’Europe recommande également d’améliorer les procédures de poursuites pénales en respectant l’intérêt supérieur de l’enfant. « La situation où un enfant victime doit signaler une infraction commise par une personne en qui il avait confiance, qu’il respectait et peut-être même qu’il aimait pose un problème particulièrement délicat. Il faut prendre garde à ne pas aggraver le profond traumatisme déjà subi par l’enfant », note le président du Comité de Lanzarote, Bragi Gudbrandsson. Il appelle la France, comme d’autres pays, à envisager le retrait de l’enfant de son milieu familial au cas par cas et en dernier ressort seulement, après avoir d’abord envisagé l’éloignement de l’auteur présumé, car il peut être vécu par l’enfant comme une punition pour avoir révélé les faits dont il a été victime. Le Conseil de l’Europe félicite en revanche l’Hexagone pour ses brigades de protection des mineurs, pour l’utilisation de la vidéo permettant d’éviter la multiplication des interrogatoires, ou encore pour son Observatoire national des enfants en danger.
(1) Rapport disp. en anglais sur
(2) A ce jour, 39 Etats du Conseil de l’Europe ont ratifié la convention de Lanzarote et érigé en infractions pénales toutes les infractions sexuelles contre des enfants. L’Arménie, l’Azerbaïdjan, l’Estonie, l’Irlande, la Norvège, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Slovaquie ont signé la convention mais ne l’ont pas ratifiée.