Une association ayant un ressort national peut justifier d’un intérêt pour agir contre une décision administrative à portée locale pour en demander l’annulation si cette dernière soulève, notamment en raison de ses implications dans le domaine des libertés publiques, des questions qui excèdent les seules circonstances locales. Tel est le sens de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 4 novembre, à propos du recours formé par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) contre un arrêté municipal interdisant la fouille des poubelles sur le territoire de la commune de La Madeleine (Nord).
Un épisode important dans la bataille qui oppose depuis maintenant plus de quatre ans la LDH et le maire (LR) de cette ville, Sébastien Leprêtre. Au cœur de l’affaire : l’arrêté pris par ce dernier le 29 juillet 2011 pour interdire sur le territoire de sa municipalité la fouille des poubelles, conteneurs et autres lieux de regroupement de déchets. Voyant cette décision comme une manœuvre explicitement dirigée contre les Roms, la LDH a demandé son annulation en justice. Déboutée en avril 2012 en première instance de sa requête, elle n’a pas obtenu davantage gain de cause auprès de la cour administrative d’appel de Douai. Pour cette dernière, en effet, eu égard à son objet social – combattre l’injustice, l’illégalité, l’arbitraire, l’intolérance, toute forme de racisme et de discrimination et plus généralement toute atteinte au principe fondamental d’égalité entre les êtres humains – et à son champ d’action national, la LDH ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l’arrêté municipal en cause.
Une appréciation non partagée par le Conseil d’Etat. Certes, rappelle-t-il, le fait qu’une décision administrative ait un champ d’application territorial fait en principe obstacle à ce qu’une association ayant un ressort national justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour en demander l’annulation. Toutefois, indiquent les sages, « il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales ». Or la Haute Juridiction administrative estime que l’arrêté attaqué entre précisément dans le champ de cette exception. Après avoir relevé notamment que l’édile avait pris le même jour un second arrêté interdisant la mendicité sur son territoire et qu’il ressort des pièces du dossier que ces mesures de police administrative ont été prises dans un contexte marqué par l’installation dans la commune d’un nombre significatif de personnes d’origine « rom », le Conseil d’Etat considère en effet que « la mesure de police administrative édictée par l’arrêté […] était de nature à affecter de façon spécifique des personnes d’origine étrangère présentes sur le territoire de la commune et présentait, dans la mesure notamment où elle répondait à une situation susceptible d’être rencontrée dans d’autres communes, une portée excédant son seul objet local ». La Ligue des droits de l’Homme est donc fondée à en demander l’annulation.