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La réforme du droit d’asile (suite)

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Troisième partie de notre dossier sur la loi du 29 juillet 2015, consacrée à la procédure d’examen de la demande d’asile. Zoom sur la réforme touchant les instances chargées de cet examen et les nouveautés procédurales.
III. L’examen de la demande d’asile

Tout en préservant les principes qui président à l’organisation de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) et à l’examen des demandes, la loi du 29 juillet 2015 a rénové profondément la procédure au terme de laquelle un demandeur d’asile se voit ou non accorder une protection internationale. La plupart des modifications qu’elle a introduites résultent de la transposition des directives européennes « procédures » et « accueil ». « Les garanties sont renforcées et simultanément, dans un souci d’équilibre et d’efficacité […], des outils nouveaux sont mis en place », résume l’exposé des motifs du projet de loi.

A. Les instances chargées de l’examen de la demande d’asile

1. La réforme de l’OFPRA

A L’indépendance de l’OFPRA affirmée

Le principe d’indépendance dans les décisions d’attribution de la protection est désormais consacré dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) où il est écrit que l’OFPRA «  exerce en toute impartialité » ses missions et « ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction ». Il est également spécifié que « l’anonymat des agents […] chargés de l’instruction des demandes d’asile et de l’entretien personnel mené avec les demandeurs est assuré » (Ceseda, art. L. 721-2 nouveau). Il s’agit d’une dérogation à la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Pour le gouvernement, elle est « nécessaire pour garantir une instruction sereine et impartiale et mettre à l’abri de toutes pressions » les officiers de protection. Elle « ne met nullement en cause le principe selon lequel le signataire de la décision est clairement identifié », explique-t-il dans l’exposé des motifs du projet de loi.

B Le fonctionnement du conseil d’administration de l’office

La loi du 29 juillet 2015 a modifié la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, qui comprend désormais, en plus de représentants de l’Etat et du personnel de l’office, 6 parlementaires au lieu de 2 : 2 députés (une femme et un homme) désignés par l’Assemblée nationale, 2 sénateurs (une femme et un homme) désignés par le Sénat, 2 représentants de la France au Parlement européen (une femme et un homme) désignés par décret (Ceseda, art. L. 722-1 modifié).

Les représentants de l’Etat sont, pour leur part, dorénavant au nombre de 10 (au lieu de 7) (Ceseda, art. L. 722-1 modifié). Un décret du 21 septembre 2015 en a affiné la liste (Ceseda, art. R. 722-1 modifié) :

→ 2 personnalités, un homme et une femme, nommés par décret du Premier ministre pour une durée de 3 ans ;

→ le secrétaire général du ministère de l’Intérieur ;

→ le directeur général des étrangers en France au ministère chargé de l’asile ;

→ le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères ;

→ le directeur des affaires civiles et du Sceau au ministère de la Justice ;

→ le directeur général de la cohésion sociale au ministère chargé des affaires sociales ;

→ le chef du service chargé des droits des femmes au ministère chargé des droits des femmes ;

→ le directeur général des outre-mer au ministère chargé des outre-mer ;

→ le directeur du budget au ministère chargé du budget.

Sans changement, ce conseil d’administration se réunit au moins 2 fois par an mais aussi chaque fois que cela sera nécessaire, sur convocation de son président ou – c’est nouveau – à la demande d’au moins 6 de ses membres (et non plus 4), adressée au président et comportant un projet d’ordre du jour précis.

Il ne peut, par ailleurs, délibérer que si sont présents au moins 9 (et non plus 6) de ses membres titulaires ou suppléants (Ceseda, art. R. 722-3 modifié). Autre changement : il revient désormais au conseil d’administration de l’office d’étudier et de proposer au gouvernement toutes mesures propres à améliorer le sort des réfugiés, des bénéficiaires de la protection subsidiaire et des apatrides ainsi que le fonctionnement de l’OFPRA (Ceseda, art. R. 722-2 modifié).

C La désignation des pays d’origine sûrs par l’OFPRA

L’OFPRA conserve un rôle majeur pour désigner les pays considérés comme « pays d’origine sûrs », pays dont les ressortissants, s’ils demandent l’asile en France, verront leur requête examinée dans le cadre d’une procédure accélérée (voir page 51). Des modifications ont toutefois été introduites tant sur le plan de la définition des pays sûrs que sur celui de la méthode d’évaluation de la situation dans ces pays.

1) Une nouvelle définition des pays d’origine sûrs

Un pays est désormais considéré comme un pays d’origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il pourra être démontré que, « d’une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, il n’y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne » (Ceseda, art. L. 722-1 modifié).

2) Une nouvelle procédure d’établissement de la liste

L’OFPRA fixe la liste de ces pays « dans les conditions et selon les critères prévus par l’article 37 et l’annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale » (Ceseda, art. L. 722-1 modifié).

L’article 37 de la directive précise ainsi que les Etats membres s’appuient sur un éventail de sources d’informations, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres, du bureau européen d’appui en matière d’asile, du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes. L’annexe I de la directive, quant à elle, indique que, pour réaliser cette évaluation, il est tenu compte, entre autres, de la mesure dans laquelle le pays offre une protection contre la persécution et les mauvais traitements, grâce aux éléments suivants :

→ les dispositions législatives et réglementaires adoptées en la matière et la manière dont elles sont appliquées ;

→ la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et/ou dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et/ou dans la Convention des Nations unies contre la torture, en particulier les droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à l’article 15 de ladite convention européenne ;

→ la manière dont est respecté le principe de non-refoulement conformément à la convention de Genève ;

→ le fait qu’il dispose d’un système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés.

Le délégué du Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés ainsi que 3 personnalités qualifiées, nommées par décret, assistent aux séances du conseil d’administration et peuvent y présenter leurs observations et leurs propositions. Au moins l’une des 3 personnalités qualifiées représentera les organismes participant à l’accueil et à la prise en charge des demandeurs d’asile et des réfugiés. Les personnalités qualifiées ont voix délibérative concernant la détermination de la liste des pays d’origine sûrs. En cas de partage des voix sur ce sujet, la voix du président du conseil d’administration est prépondérante (Ceseda, art. L. 722-1 modifié).

3) La révision de la liste

Le principe d’une révision régulière de la liste est dorénavant inscrit dans la loi. Ainsi, le conseil d’administration de l’OFPRA doit « examiner régulièrement la situation dans les pays considérés comme des pays d’origine sûrs » et veiller « à l’actualité et à la pertinence des inscriptions ». Il radie de la liste les pays ne remplissant plus les critères et peut, en cas d’évolution rapide et incertaine de la situation dans un pays, en suspendre l’inscription (Ceseda, art. L. 722-1 modifié).

Révisée plusieurs fois depuis sa création en 2005 et très critiquée par les associations de défense des étrangers, la liste des pays « sûrs » comprend aujourd’hui 16 pays : l’Albanie, l’Arménie, le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Géorgie, le Ghana, l’Inde, le Kosovo, la Macédoine, l’île Maurice, la Moldavie, la Mongolie, le Monténégro, le Sénégal et la Serbie. La dernière révision de la liste date du 9 octobre 2015, avec le retrait de la Tanzanie et l’inscription controversée du Kosovo(1).

Autre nouveauté : la loi du 29 juillet 2015 ouvre la faculté d’une saisine du conseil d’administration. Ainsi, les présidents des commissions permanentes chargées des affaires étrangères et des commissions permanentes chargées des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, une association de défense des droits de l’Homme, une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile ou une association de défense des droits des femmes ou des enfants peuvent saisir le conseil d’administration d’une demande tendant à l’inscription ou à la radiation d’un Etat sur la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs (Ceseda, art. L. 722-1 modifié).

Concrètement, ces personnalités ou associations saisissent le président du conseil d’administration de l’office par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La demande doit mentionner « toutes précisions utiles ainsi que les éléments de fait et de droit susceptibles de justifier l’inscription ou la radiation d’un Etat de la liste ». Toute association qui saisit le président du conseil d’administration de l’office sur ce fondement doit par ailleurs lui adresser une copie de ses statuts. Le président du conseil d’administration de l’OFPRA n’est pas tenu d’inscrire à l’ordre du jour « les demandes abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique » (Ceseda, art. R. 722-2-1 nouveau).

(A noter) Les délibérations en matière d’inscription, de radiation ou de suspension de l’inscription d’un Etat sur la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs sont publiées au Journal officiel et notifiées par le ministre chargé de l’asile à la Commission de l’Union européenne (Ceseda, art. R. 722-3 modifié).

D L’extension des compétences de chancellerie de l’OFPRA

Au titre de la protection juridique et administrative des bénéficiaires d’une protection internationale ou des apatrides, l’OFPRA assure auprès de ceux-ci une mission de chancellerie. Il est ainsi habilité à leur délivrer, après enquête le cas échéant, « les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil » (Ceseda, art. L. 721-3 modifié).

Jusqu’à présent, l’exercice de cette mission de chancellerie auprès des bénéficiaires de la protection subsidiaire était subordonné à l’impossibilité dans laquelle ils se trouvaient d’obtenir ces pièces de la part des autorités de leur pays. La loi du 29 juillet 2015 a supprimé cette condition en alignant le régime applicable en la matière aux bénéficiaires de la protection subsidiaire sur celui des réfugiés et apatrides (Ceseda, art. L. 721-3 modifié).

Au passage, ellea supprimé les droits de chancellerie afférents à ces documents (Ceseda, art. L. 721-3 modifié).

E La coopération entre l’OFPRA et l’autorité judiciaire

Dorénavant, dans deux types de situations, l’autorité judiciaire doit communiquer au directeur général de l’OFPRA et au président de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) tout élément dont elle a connaissance susceptible de conduire à un refus de reconnaissance d’une protection internationale ou du statut d’apatride, ou à son retrait. Dans le premier cas, il s’agit d’éléments « recueillis au cours d’une instance civile ou d’une information criminelle ou correctionnelle » – y compris lorsque celle-ci s’est terminée par un non-lieu – « de nature à faire suspecter » qu’un demandeur d’asile, un bénéficiaire de la protection subsidiaire ou un apatride tombe sous le coup de l’un des motifs d’exclusion prévus par la loi (Ceseda, art. L. 713-5 nouveau). Dans le second cas, il s’agit de tout élément « recueilli au cours d’une instance civile ou d’une information criminelle ou correctionnelle » – y compris lorsque celle-ci s’est terminée par un non-lieu – « de nature à faire suspecter le caractère frauduleux d’une demande d’asile ou du statut d’apatride » (Ceseda, art. L. 713-6 nouveau).

La thématique de la coopération entre l’OFPRA et l’autorité judiciaire se retrouve également au travers des nouveautés introduites autour du secret professionnel, auquel tous les membres du personnel de l’office sont soumis « en ce qui concerne les renseignements qu’ils auront reçus dans l’exercice de leurs fonctions » (Ceseda, art. L. 722-3 modifié).

Cette confidentialité des éléments d’information détenus par l’OFPRA concernant une personne sollicitant une protection internationale a été érigée par le Conseil constitutionnel au rang de « garantie essentielle » du droit d’asile, lui-même reconnu comme principe de valeur constitutionnelle. Or, « interprétée trop strictement, cette confidentialité pourrait conduire à ce que l’OFPRA ne communique pas à l’autorité judiciaire les informations qu’il détient concernant des faits susceptibles de justifier l’exclusion du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire », a expliqué le rapporteur (LR) de la loi au Sénat, François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 425, Buffet, mai 2015, page 86). Afin de prévenir une telle interprétation, le Ceseda indique dorénavant que le directeur général de l’office transmet au procureur de la République tout renseignement utile ayant conduit au rejet d’une demande d’asile ou d’apatridie motivé par l’une des clauses d’exclusion d’une protection internationale (une des clauses définies à la section F de l’article 1er de la Convention de Genève, du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, à l’article L. 712-2 a, b et c du Ceseda ou à l’article 1er, 2 iii de la Convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides) (Ceseda, art. L. 722-3 modifié).

F L’élaboration d’un rapport annuel

L’OFPRA doit dorénavant établir chaque année un rapport retraçant son activité, fournissant des données quantitatives et qualitatives présentées par sexe sur la demande d’asile et l’apatridie et présentant les actions de formation délivrées aux agents, notamment en matière de persécutions en raison du sexe et de prise en compte de la vulnérabilité des demandeurs d’asile. Ce rapport doit être transmis au Parlement et rendu public (Ceseda, art. L. 721-4 nouveau). Selon les députés à l’origine de cette nouveauté, l’objectif est d’encourager l’office à améliorer encore ses statistiques en la matière et à développer la formation de ses agents à ces problématiques.

2. La réforme de la CNDA

A Une réforme organisationnelle professionnalisante

La CNDA fait l’objet d’une nouvelle organisation. La loi du 29 juillet 2015 a ainsi remplacé les « sections » composant la CNDA par des « formations de jugement » qui sont regroupées en « chambres » et en « sections » (Ceseda, art. L. 732-1 modifié). En l’occurrence, la cour comprend précisément 11 chambres regroupées en 3 sections (arrêté du 16 septembre 2015).

Autre nouveauté : une assiduité minimale est dorénavant requise de tous les membres des formations de jugement. Ils doivent ainsi participer à plus de 12 journées d’audience par an (Ceseda, art. L. 732-1 modifié). Il est en outre précisé noir sur blanc que les assesseurs à la CNDA – c’est-à-dire les deux « personnalités qualifiées » qui siègent déjà actuellement à la cour aux côtés des magistrats – doivent avoir été choisies en raison de leurs compétences dans les domaines juridique ou géopolitique. Sans changement, l’un, nécessairement de nationalité française, est nommé par le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d’Etat. L’autre est nommé dorénavant par le vice-président du Conseil d’Etat. Jusqu’à présent, il l’était sur proposition des ministres représentés au conseil d’administration de l’OFPRA mais, pour renforcer l’indépendance de la cour, la loi du 29 juillet 2015 leur a supprimé ce pouvoir. En revanche, elle a fait ajouter l’obligation, pour cet assesseur, d’être de nationalité française (Ceseda, art. L. 732-1 modifié).

A noter également : les magistrats désignés pour statuer en formation à juge unique doivent être désignés par le président de la CNDA parmi les magistrats permanents de la cour ou les vacataires ayant au moins 6 mois d’expérience en formation collégiale à la cour (Ceseda, art. L. 732-1 modifié).

B Le déroulement des audiences

« Afin d’assurer une bonne administration de la justice et de faciliter la possibilité ouverte aux intéressés de présenter leurs explications à la cour », la loi permet au président de la CNDA la tenue d’audiences foraines au siège d’une juridiction administrative ou judiciaire, après accord du président de la juridiction concernée (Ceseda, art. L. 733-1 modifié). Ce type d’audiences permet d’éviter le déplacement de requérants qui, pour une partie d’entre eux, ne résident pas en Ile-de-France.

La loi du 29 juillet 2015 consacre aussi la pratique du huis clos : ainsi, si les débats devant la CNDA ont en principe lieu « en audience publique après lecture du rapport par le rapporteur », le président de la formation de jugement peut toutefois décider que l’audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public si les circonstances de l’affaire l’exigent. Il peut également interdire l’accès de la salle d’audience aux mineurs ou à certains d’entre eux. Le huis clos est par ailleurs de droit si le requérant le demande (Ceseda, art. L. 733-1-1 nouveau).

B. L’examen de la demande d’asile par l’OFPRA

La loi du 29 juillet 2015 remanie en profondeur les dispositions du Ceseda relatives à la procédure d’examen des demandes de protection devant l’OFPRA. Elle développe ainsi au bénéfice de l’office les modalités procédurales, offertes par le droit européen, qui permettent d’écarter plus facilement les demandes les moins fondées telles que la nouvelle « procédure accélérée », qui remplace la procédure prioritaire et qui vise le cas où la demande peut apparaître manifestement étrangère à un besoin de protection. Elle apporte également de nouvelles garanties au demandeur d’asile (présence d’un tiers à l’entretien, renforcement du contradictoire, prise en compte de la vulnérabilité). Et met à la disposition de l’office deux nouveaux instruments prévus par la directive « procédures » : l’irrecevabilité et la clôture.

1. La nouvelle « procédure accélérée »

Le législateur a maintenu – tout en le rénovant profondément – le dispositif d’examen prioritaire de certaines demandes d’asile, désormais dénommé « procédure accélérée ». Cette procédure vise les cas où la demande peut apparaître manifestement étrangère à un besoin de protection. Le législateur en a prévu plusieurs. En vertu de la loi pour certains, à l’initiative de l’autorité préfectorale ou de celle de l’OFPRA pour d’autres.

A Un délai de 15 jours pour statuer

Lorsque l’office examine une demande d’asile en procédure accélérée, il doit statuer dans un délai de 15 jours à compter de l’introduction de la demande. S’il ne l’a pas fait, il conserve la possibilité de statuer selon cette procédure à l’issue de l’entretien personnel s’il constate que le demandeur d’asile se trouve dans l’un des cas pour lesquels la loi autorise l’OFPRA à décider de sa propre initiative à statuer en procédure accélérée (voir ci-dessous). L’office statue alors dans un délai de 15 jours à compter de l’entretien. Et la décision de l’office doit mentionner qu’il statue selon la procédure accélérée. Le préfet compétent doit également être informé par l’OFPRA (Ceseda, art. R. 723-4 modifié).

B Les cas de placement en procédure accélérée

1) En vertu de la loi

Le demandeur d’asile est placé automatiquement en procédure accélérée en vertu de la loi dans deux hypothèses, qui s’appuient sur des critères objectifs (Ceseda, art. L. 723-2 modifié) :

→ le demandeur provient d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr ;

→ le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable.

2) A l’initiative de l’OFPRA

Innovation autorisée par la directive « procédures », l’OFPRA peut désormais, de sa propre initiative, statuer en procédure accélérée dans trois hypothèses tenant au fond de la demande (Ceseda, art. L. 723-2 modifié) :

→ le demandeur a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France, afin d’induire l’office en erreur ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;

→ le demandeur n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d’asile qu’il formule ;

→ le demandeur a fait à l’office des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d’origine.

3) A l’initiative de la préfecture

L’OFPRA statue en procédure accéléréeà l’initiative de la préfecture dans cinq cas tenant à des circonstances étrangères au fond de la requête (Ceseda, art. L. 723-2 modifié) :

→ le demandeur refuse de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales ;

→ lors de l’enregistrement de sa demande, le demandeur a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur l’autorité administrative, ou bien encore a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;

→ sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s’y est maintenu irrégulièrement n’a pas présenté sa demande d’asile dans le délai de 120 jours à compter de son entrée en France ;

→ le demandeur ne présente une demande d’asile qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement ;

→ la présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat.

C Une application limitée pour les mineurs isolés

La procédure accélérée ne peut être mise en œuvre à l’égard de mineurs non accompagnés que dans deux hypothèses (Ceseda, art. L. 723-2 modifié) :

→ si l’intéressé provient d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr ;

→ la présence en France de l’intéressé constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat.

D La faculté pour l’OFPRA de ne pas statuer en procédure accélérée

Le législateur a profité de l’occasion pour réaffirmer le principe de l’examen individuel de toutes les demandes, même examinées selon la procédure accélérée, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Aussi et surtout, il a créé la faculté pour l’OFPRA de ne pas statuer en procédure accélérée lorsque cela lui paraît nécessaire pour assurer un examen approprié de la demande, en particulier si le demandeur provenant d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr « invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d’origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande » (Ceseda, art. L. 723-2 modifié).

En outre, s’il considère que le demandeur d’asile nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec l’examen de sa demande en procédure accélérée – « en raison notamment des violences graves dont il a été victime ou de sa minorité » –, l’OFPRA peut décider de ne pas statuer ainsi (Ceseda, art. L. 723-3 modifié).

En tout état de cause, si l’office décide de ne pas statuer en procédure accélérée, il doit en informer le demandeur ainsi que le préfet compétent (Ceseda, art. R. 723-4 modifié).

E Le recours contre l’utilisation ou non de la procédure accélérée

La décision de l’OFPRA de statuer en procédure accélérée à l’initiative de la préfecture, celle de l’office d’instruire, de sa propre initiative, une demande en procédure accélérée ainsi que sa décision de ne pas user – malgré les raisons invoquées par le demandeur – de la possibilité de ne pas statuer en procédure accélérée ne peuvent pas faire l’objet, devant les juridictions administratives de droit commun, d’un recours distinct du recours qui peut être formé devant la Cour nationale du droit d’asile à l’encontre de la décision de l’office (Ceseda, art. L. 723-2 modifié).

2. Les modalités d’instruction de la demande d’asile

La loi du 29 juillet 2015 a redéfini les modalités d’instruction de la demande d’asile en assurant l’effectivité de certaines dispositions figurant dans la directive « qualification ». Ces dispositions participent d’une double exigence de respect des directives européennes et de lisibilité de la procédure d’examen, résume le gouvernement dans l’étude d’impact de la loi. Elles précisent les obligations de coopération qui incombent au demandeur et les modalités d’évaluation des craintes de persécution ou d’atteintes graves.

En outre, des modalités d’instruction spécifiques sont prévues dans certains cas.

A Le principe de coopération

Le texte pose le principe de coopération du demandeur d’asile à l’évaluation de sa demande, qui implique l’obligation pour l’intéressé d’apporter tous les éléments nécessaires pour étayer sa requête. « Il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d’asile », indique ainsi la loi. « Ces éléments correspondent à ses déclarations et à tous les documents dont il dispose concernant son âge, son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, son identité, sa ou ses nationalités, ses titres de voyage, les pays ainsi que les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire ainsi que les raisons justifiant sa demande » (Ceseda, art. L. 723-4 modifié).

L’OFPRA, quant à lui, doit évaluer, « en coopération avec le demandeur », les éléments pertinents de la demande (Ceseda, art. L. 723-4 modifié).

B L’évaluation des demandeurs

L’OFPRA statue dorénavant sur la demande « en tenant compte de la situation prévalant dans le pays d’origine à la date de sa décision, de la situation personnelle et des déclarations du demandeur, des éléments de preuve et d’information qu’il a présentés ainsi que, le cas échéant, des activités qu’il a exercées depuis le départ de son pays d’origine et qui seraient susceptibles de l’exposer dans ce pays à des persécutions ou des atteintes graves » (Ceseda, art. L. 723-4 modifié).

Il doit également tenir compte, le cas échéant, « du fait que le demandeur peut se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il est en droit de revendiquer la nationalité » (Ceseda, art. L. 723-4 modifié).

Par ailleurs, le fait que le demandeur a déjà fait l’objet de persécutions ou d’atteintes graves ou de menaces directes de telles persécutions ou atteintes constitue dorénavant « un indice sérieux du caractère fondé des craintes du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe des éléments précis et circonstanciés qui permettent de penser que ces persécutions ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas » (Ceseda, art. L. 723-4 modifié).

Dans l’hypothèse où une partie de ses déclarations n’est pas étayée par des éléments de preuve, il n’est pas exigé du demandeur d’autres éléments de justification (Ceseda, art. L. 723-4 modifié) :

→ si d’une part, il a présenté aussi rapidement que possible tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d’asile ;

→ si d’autre part, ses déclarations sont considérées comme « cohérentes et crédibles » et ne sont pas contredites par des informations dont dispose l’office.

Autre nouveauté, mais dont l’entrée en vigueur est différée : l’OFPRA pourra demander à la personne qui sollicite l’asile de se soumettre à un examen médical (Ceseda, art. L. 723-5 modifié). Conformément à la directive « procédures », le fait que l’intéressé refuse de se soumettre à cet examen médical ne fera pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande (Ceseda, art. L. 723-5 modifié). L’OFPRA devra s’assurer que le demandeur comprenne bien ce dernier point (Ceseda, art. R. 723-10 nouveau). Un arrêté doit fixer les catégories de médecins qui pourront pratiquer cet examen, ainsi que les modalités d’établissement des certificats médicaux (Ceseda, art. L. 723-5 modifié).

C Des dispositions au bénéfice de cas particuliers

La nouvelle loi permet à l’OFPRA de définir, pendant toute la durée de la procédure d’instruction de la demande d’asile, les « modalités particulières d’examen qu’il estime nécessaire pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison de sa situation particulière ou de sa vulnérabilité ». L’OFPRA tient compte, pour ce faire, des informations sur la vulnérabilité qui lui sont transmises par l’Office français de l’immigration et de l’intégration(2) et « des éléments de vulnérabilité dont il peut seul avoir connaissance au vu de la demande ou des déclarations de l’intéressé » (Ceseda, art. L. 723-3 modifié).

Autre nouveauté, l’OFPRA peut dorénavant statuer « par priorité » (Ceseda, art. L. 723-3 modifié) :

→ sur les demandes manifestement fondées ;

→ sur celles qui sont présentées par des personnes vulnérables identifiées comme ayant des besoins particuliers en matière d’accueil ou comme nécessitant des modalités particulières d’examen.

3. Les conditions de l’entretien personnel

Déroulement, droit à l’assistance d’un tiers, transcription… : transposant des dispositions de la directive « procédures » de 2013, la loi du 29 juillet 2015 et son décret d’application du 21 septembre 2015 ont revu complètement les conditions de l’entretien personnel du demandeur d’asile.

A La consécration du droit à un entretien personnel

Le législateur a généralisé l’obligation pour l’OFPRA de convoquer le demandeur à un entretien personnel, ainsi que celle, pour l’intéressé, de s’y présenter effectivement et de répondre personnellement aux questions qui lui sont posées par l’agent de l’office (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau).

L’office peut toutefois se dispenser de l’entretien s’il apparaît (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau) :

→ qu’il s’apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ;

→ que des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l’intéressé interdisent de procéder à l’entretien.

Il est également précisé que l’absence sans motif légitime du demandeur, dûment convoqué à un entretien, ne fait pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande. Le cas échéant, l’intéressé s’exposerait néanmoins à une décision de clôture d’examen (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau).

B La clarification des conditions du déroulement de l’entretien

La loi du 29 juillet 2015 clarifie les règles de l’entretien tout d’abord en ce qui concerne la langue utilisée. Ainsi, elle spécifie que l’étranger doit être entendu dans la langue de son choix, « sauf s’il existe une autre langue dont il a une connaissance suffisante » (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau). Si l’entretien nécessite l’assistance d’un interprète, sa rétribution est prise en charge par l’office (Ceseda, art. R. 723-5 modifié).

Chaque demandeur majeur doit par ailleurs être entendu individuellement, hors de la présence des membres de sa famille. L’OFPRA peut entendre individuellement un demandeur mineur, dans les mêmes conditions, « s’il estime raisonnable de penser qu’il aurait pu subir des persécutions ou des atteintes graves dont les membres de la famille n’auraient pas connaissance » (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau).

En outre, « si le demandeur en fait la demande et si cette dernière apparaît manifestement fondée par la difficulté pour le demandeur d’exposer l’ensemble des motifs de sa demande d’asile, notamment ceux liés à des violences à caractère sexuel, l’entretien est mené, dans la mesure du possible, par un agent de l’office du sexe de son choix et en présence d’un interprète du sexe de son choix » (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau).

Plus globalement, la loi prévoit que les modalités d’organisation de l’entretien sont définies par le directeur général de l’office (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau). Ce qu’il a fait dans une décision du 30 juillet 2015.

C Le droit à l’assistance du demandeur par un tiers

Autre nouveauté, présentée par le gouvernement comme « une innovation majeure » : la possibilité pour le demandeur d’être assisté par un conseil. « Cette disposition, qui découle d’une obligation du droit européen, participe d’un souci d’amélioration de la transparence du processus de décision et de renforcement des droits de la personne », a-t-il ainsi expliqué dans l’exposé des motifs du projet de loi. Concrètement, le texte prévoit que le demandeur peut se présenter à l’entretien « accompagné soit d’un avocat, soit d’un représentant d’une association habilitée de défense des droits de l’Homme, de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, d’une association de défense des droits des femmes ou des enfants ou de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle » (Ceseda, art. L. 723-6 et R. 556-13 nouveaux).

1) Les règles d’habilitation des associations

La loi a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de fixer les conditions d’habilitation des associations et les modalités d’agrément de leurs représentants par l’office, en précisant que seules peuvent être habilitées « les associations indépendantes à l’égard des autorités des pays d’origine des demandeurs d’asile et apportant une aide à tous les demandeurs » (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau).

C’est ainsi que le décret du 21 septembre 2015 a confié au directeur général de l’OFPRA la charge de fixer par décision la liste des associations habilitées à proposer des représentants en vue d’accompagner le demandeur à l’entretien personnel. L’habilitation ne peut être sollicitée que par des associations régulièrement déclarées depuis au moins 5 années. L’association doit joindre à sa demande d’habilitation une copie de ses statuts. Tout refus d’habilitation doit être motivé (Ceseda, art. R. 723-6 nouveau).

Le cas échéant, l’habilitation est accordée pour une durée de 3 ans. Elle est renouvelable, sur demande, pour la même durée. Etant entendu que le directeur général de l’OFPRA peut aussi la retirer, à tout moment, par décision motivée (Ceseda, art. R. 723-6 nouveau).

Une fois habilitée, l’association doit notifier à l’office la liste de ses représentants accompagnant les demandeurs d’asile à l’entretien. Sauf décision de refus dans un délai de 2 mois à compter de la notification, ces représentants sont réputés agréés pour une durée de 3 ans. Le directeur général de l’office peut, là encore, retirer à tout moment par décision motivée l’agrément délivré à un représentant d’une association (Ceseda, art. R. 723-6 nouveau).

Enfin, l’agrément d’un représentant d’une association peut être retiré sur demande de celle-ci ou lorsque l’habilitation de l’association est retirée ou a expiré (Ceseda, art. R. 723-6 nouveau).

Dans une décision du 9 octobre 2015, le directeur de l’OFPRA a fixé la liste des associations habilitées. Elles sont au nombre de sept :

→ l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) ;

→ l’Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour (Ardhis) ;

→ l’association Coordination lesbienne en France (CLF) ;

→ Forum réfugiés Cosi ;

→ la Cimade ;

→ l’association CQFD Fierté lesbienne ;

→ l’association Ordre de Malte France.

2) Les modalités d’intervention d’un avocat ou d’une association

Dans une décision du 30 juillet 2015 fixant les modalités d’organisation de l’entretien, le directeur de l’OFPRA demande que, « pour faciliter la préparation et l’organisation de l’entretien et dans la mesure du possible », l’avocat ou le représentant associatif souhaitant accompagner le demandeur prévienne au préalable – par courriel – l’office de sa présence au moins 7 jours avant l’entretien en procédure normale et 4 jours avant en procédure prioritaire (décision du 30 juillet 2015).

L’absence d’un avocat ou d’un représentant associatif n’empêche pas l’office de mener un entretien avec le demandeur (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau). Aussi, indique le directeur de l’OFPRA, la demande de report d’un entretien à l’initiative du conseil ne pourra être acceptée. S’il arrive en retard, il rejoint simplement l’entretien et il revient à l’officier de protection de poursuivre celui-ci (décision du 30 juillet 2015).

Les agents de l’office doivent, à l’arrivée des intéressés, vérifier l’identité des conseils du demandeur d’asile ainsi que leur qualité d’avocat ou de représentant associatif. Ces derniers sont soumis aux consignes générales de sécurité en vigueur dans l’établissement (décision du 30 juillet 2015).

Le directeur de l’OFPRA interdit à un officier de protection de mener un entretien en présence d’un avocat ou d’un représentant associatif « qu’il connaît personnellement ». Il impose par ailleurs au conseil du demandeur d’asile d’éteindre son portable pendant l’entretien (décision du 30 juillet 2015).

Celui-ci est mené par l’officier de protection instructeur, à qui il revient de solliciter (ou non) les observations du conseil à l’issue de l’entretien. La loi l’indique noir sur blanc, l’avocat ou le représentant de l’association ne peut intervenir qu’à l’issue de l’entretien pour formuler des observations (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau). Le tiers « ne peut donc pas prendre la parole de sa propre initiative au cours de l’entretien », insiste le directeur de l’office. Il ne doit pas s’adresser directement à l’interprète et ne peut s’entretenir seul avec le demandeur durant l’entretien (décision du 30 juillet 2015). Si observations il y a, elles sont traduites par l’interprète et consignées par l’officier de protection dans la transcription de l’entretien (décision du 30 juillet 2015).

Enfin, comme la loi le prévoit, le contenu de l’entretien ne peut être divulgué par l’avocat ou le représentant associatif en dehors des nécessités tenant à une action contentieuse (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau). Ce principe, précise le directeur de l’OFPRA, s’applique notamment aux notes qui seraient prises au cours de l’entretien par le conseil du demandeur d’asile. Aucun contact entre ce dernier et l’officier de protection ne doit par ailleurs avoir lieu en dehors de l’entretien (décision du 30 juillet 2015).

En cas de non-respect par l’avocat ou le représentant associatif des règles relatives à l’absence du conseil à l’entretien, à son accueil ou au déroulement et aux suites de l’entretien, l’OFPRA « se réserve la possibilité de procéder à un réexamen de l’habilitation de l’association et de l’agrément [de son représentant] ou de saisir l’instance compétente pour les avocats » (décision du 30 juillet 2015).

D La transcription et l’enregistrement de l’entretien

Conformément à la directive « procédures », la loi du 29 juillet 2015 prévoit la transcription de l’entretien mené avec le demandeur et des observations formulées.

A l’issue de l’entretien personnel, le demandeur et son avocat ou le représentant de l’association qui l’accompagne doivent être informés de leur droit d’obtenir communication de la transcription. S’ils en font la demande, elle leur est communiquée avant qu’une décision soit prise sur la demande d’asile et est consignée dans le dossier du demandeur. Dans l’hypothèse d’une procédure accélérée, cette communication peut être faite lors de la notification de la décision. Si la copie de la transcription peut, à l’issue de l’entretien, faire l’objet d’une remise sur place, cette remise est consignée dans le dossier du demandeur. Lorsque l’office ne peut pas procéder à cette remise sur place, la copie de la transcription est envoyée avant qu’une décision ne soit prise sur la demande d’asile (Ceseda, art. L. 723-7-I et R. 723-7 nouveaux).

Le décret prévoit également que tout entretien personnel fait en principe l’objet d’un enregistrement sonore. L’intéressé doit dans ce cas être informé dès le début de l’entretien du déroulement de l’opération d’enregistrement, notamment des modalités permettant d’assurer le respect des règles de confidentialité. Et à l’issue de l’entretien, il doit être informé de son droit d’accès à l’enregistrement. En cas, toutefois, d’impossibilité technique de procéder à l’enregistrement sonore, la transcription fait l’objet d’un recueil de commentaires. Si le demandeur refuse de confirmer que le contenu de la transcription reflète correctement l’entretien, les motifs de son refus sont consignés dans son dossier. Et un tel refus n’empêche pas l’office de statuer sur la demande d’asile (Ceseda, art. R. 723-8 nouveau).

Dans les cas où l’entretien a donné lieu à une transcription et à un enregistrement sonore, le législateur a prévu, par dérogation à la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, que le demandeur ne peut avoir accès à cet enregistrement – dans des conditions sécurisées qui ont été définies par un arrêté(3) – qu’en cas de décision négative de l’OFPRA et pour les besoins de l’exercice d’un recours contre cette décision (Ceseda, art. L. 723-7-II nouveau).

Le fait pour toute personne de diffuser l’enregistrement sonore réalisé par l’office d’un entretien personnel mené avec un demandeur d’asile est puni de 1 an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (à l’instar de ce que prévoit le code de procédure pénale en cas de diffusion de l’enregistrement des auditions des personnes placées en garde à vue). « Cet encadrement strict de l’utilisation de l’enregistrement sonore […] a pour but de garantir la confidentialité de l’entretien », a expliqué François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 425, Buffet, mai 2015, page 100).

E Une base légale donnée à l’entretien par visioconférence

Conformément aux recommandations du contrôleur général des lieux de privation de liberté, la loi du 29 juillet 2015 adonné une base légale au recours à la vidéoconférence pour la réalisation de l’entretien personnel. Et confié au pouvoir réglementaire le soin de fixer les cas et les conditions dans lesquels l’entretien peut se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle pour des raisons tenant à l’éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur » (Ceseda, art. L. 723-6 nouveau). Ce qu’a fait le décret du 21 septembre 2015.

Le texte prévoit plus précisément que l’office peut décider de procéder à l’entretien personnel en ayant recours à un tel moyen dans les cas suivants (Ceseda, art. R. 723-9 nouveau) :

→ lorsque le demandeur est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment pour des raisons de santé ou des raisons familiales ;

→ lorsqu’il est retenu dans un lieu privatif de liberté ;

→ lorsqu’il est en outre-mer.

Les modalités techniques garantissant la confidentialité de la transmission fidèle des propos tenus au cours de l’entretien sont définies par décision du directeur général de l’office (Ceseda, art. R. 723-9 nouveau).

Le local destiné à recevoir les demandeurs d’asile entendus par un moyen de communication audiovisuelle doit avoir été préalablement agréé par le directeur général de l’OFPRA. « L’officier de protection chargé de la conduite de l’entretien a la maîtrise des opérations », indique encore le décret. « Il lui appartient de veiller au respect des droits de la personne. » Il doit, à tout instant, pouvoir s’assurer du respect des bonnes conditions d’audition et de visionnage et peut mettre fin à l’entretien si ces conditions ne sont pas réunies ou si les circonstances de l’espèce l’exigent. Dans ce cas, l’entretien a lieu en présence de l’intéressé (Ceseda, art. R. 723-9 nouveau).

Enfin, l’étranger concerné doit, au besoin avec l’aide d’un interprète, être informé par l’office avant le commencement de l’entretien du déroulement des opérations, notamment des modalités permettant d’assurer le respect des règles de confidentialité (Ceseda, art. R. 723-9 nouveau).

Deux décisions du directeur général de l’OFPRA du 5 novembre 2015 encadrent l’entretien individuel mené par visioconférence. La première précise les modalité techniques garantissant la confidentialité de la transmission fidèle des propos tenus au cours d’un tel entretien. La seconde fixe la liste des locaux agréés destinés à recevoir des demandeurs d’asile, demandeurs du statut d’apatride, réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire entendus dans le cadre d’un entretien mené par l’OFPRA mené par un moyen de communication audiovisuelle. Il s’agit des préfectures de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte, de la Réunion, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, ainsi que du Haut Commissariat de la République de Nouvelle-Calédonie ou bien encore des centres de rétention administrative de Lyon, Marseille, Metz et Toulouse.

F L’inscription dans la loi du principe de non-divulgation

Conformément à l’article 30 de la directive « procédures », il est désormais inscrit dans la loi que la collecte par l’OFPRA d’informations nécessaires à l’examen d’une demande d’asile ne doit pas avoir pour effet de divulguer aux auteurs présumés de persécutions ou d’atteintes graves l’existence de cette demande d’asile ou d’informations la concernant (Ceseda, art. L. 723-10 nouveau).

Toujours conformément à la directive (et plus précisément, cette fois, à son article 23), le législateur a ajouté une hypothèse de non-communicabilité de document administratif à celles qui sont déjà prévues à l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal. Ainsi, ne sont pas communicables par l’OFPRA les informations versées au dossier du demandeur ou relatives à leurs sources dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité des personnes physiques ou morales ayant fourni ces informations ou à celle des personnes auxquelles elles se rapportent, ou bien encore dont la divulgation serait préjudiciable à la collecte d’informations nécessaires à l’examen d’une demande d’asile (Ceseda, art. L. 723-10 nouveau).

4. Des outils nouveaux face à des situations spécifiques

La loi introduit dans le droit français des procédures nouvelles qui sont prévues par la directive « procédures » du 26 juin 2013 et concernent l’irrecevabilité, le retrait implicite d’une demande d’asile et le traitement des demandes de réexamen. Elles « permettront de traiter plus rapidement et plus efficacement certaines situations spécifiques qui ne justifient pas un examen au fond analogue à celui qui est diligenté de manière générale », explique le gouvernement dans l’étude d’impact du texte.

A Les demandes d’asile irrecevables

1) Les cas d’irrecevabilité

Conformément à l’article 33 de la directive « procédures », l’OFPRA peut prendre dorénavant une décision d’irrecevabilité écrite et motivée, « sans vérifier si les conditions d’octroi de l’asile sont réunies », dans trois hypothèses (Ceseda, art. L. 723-11 nouveau) :

→ si le demandeur bénéficie d’une protection effective au titre de l’asile dans un Etat membre de l’Union européenne ;

→ si le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d’une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible ;

→ en cas de demande de réexamen si, à l’issue d’un examen préliminaire effectué selon la nouvelle procédure définie à l’article L. 723-16 du Ceseda, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues par la loi (voir page 60).

Cette disposition « vise à un traitement rapide de demandes présumées abusives car présentées par des étrangers bénéficiant déjà d’une protection internationale »… tout en préservant les droits des personnes, explique l’exposé des motifs du projet de loi.

2) Le régime juridique applicable

Si l’OFPRA considère qu’une demande d’asile est irrecevable, il ne statue pas sur le fond de la demande.

Dans les deux premiers cas d’irrecevabilité prévus par la loi, le demandeur doit être, lors de son entretien personnel, « mis à même de présenter ses observations sur l’application du motif d’irrecevabilité à sa situation » (Ceseda, art. L. 723-11 nouveau). L’office statue dans un délai de 1 mois suivant l’introduction de la demande ou, si les motifs d’irrecevabilité sont révélés au cours de l’entretien, dans un délai de 1 mois suivant cet entretien (Ceseda, art. R. 723-11 nouveau).

En cas d’examen préliminaire de recevabilité d’une demande de réexamen, l’OFPRA statue dans un délai de 8 jours (Ceseda, art. R. 723-16 nouveau).

Les décisions d’irrecevabilité de l’office sont susceptibles d’un recours juridictionnel devant la CNDA, qui statue à juge unique sur ce recours dans un délai de 5 semaines (sans préjudice de la possibilité d’un renvoi en formation collégiale). Ce recours n’a pas un caractère suspensif (circulaire du 2 novembre 2015). La notification de la décision d’irrecevabilité au demandeur d’asile doit préciser les voies et délais de recours (Ceseda, art. L. 723-11 nouveau).

L’OFPRA conserve par ailleurs la faculté d’examiner la demande présentée par un étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection pour un autre motif (Ceseda, art. L. 723-11 nouveau).

(A noter) Dans l’hypothèse où l’OFPRA envisage de prendre une décision d’irrecevabilité parce qu’il subodore que le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d’une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible, il doit saisir le préfet compétent en lui communiquant tous les éléments nécessaires pour qu’il puisse vérifier que le demandeur est effectivement réadmissible dans cet Etat tiers. Cette saisine suspend le délai de 1 mois qu’il a pour statuer et, en l’absence de réponse dans un délai de 2 mois, l’office statue alors au fond (Ceseda, art. R. 723-12 nouveau).

B Le retrait ou la renonciation à une demande

Transposant deux dispositions de la directive « procédures », la loi relative à la réforme du droit d’asile introduit deux nouveaux articles dans le Ceseda relatifs aux cas de retraits explicites ou implicites d’une demande d’asile. Présenté, là encore, comme une « innovation en droit français », le mécanisme vise à « apporter une réponse rapide et efficace à l’égard de certains demandeurs d’asile qui, de manière caractérisée, manquent à leur devoir de coopération avec les autorités auprès desquelles ils revendiquent une protection et les mettent dans l’impossibilité de statuer de manière éclairée », explique l’exposé des motifs du projet de texte.

1) Les cas de clôture

La loi distingue les cas de clôture selon qu’ils résultent d’un retrait explicite ou implicite de la demande.

Lorsque le demandeur l’informe, au cours de l’entretien ou par courrier, du retrait de sa demande d’asile – retrait explicite, donc –, l’OFPRA peut ainsi clôturer l’examen de cette demande. Cette clôture est consignée dans le dossier de l’intéressé (Ceseda, art. L. 723-12 et R. 723-13 nouveaux).

L’OFPRA est aussi autorisé à prendre une décision de clôture d’examen dans trois séries d’hypothèses, strictement définies, couvrant le cas d’un retrait implicite de la demande d’asile (Ceseda, art. L. 723-13 nouveau) :

→ le demandeur n’a pas introduit sa demande à l’office dans les délais impartis et courant à compter de la remise de son attestation de demande d’asile, ou ne s’est pas présenté à l’entretien à l’office ;

→ le demandeur refuse, « de manière délibérée et caractérisée », de fournir des informations essentielles à l’examen de sa demande ;

→ le demandeur n’a pas informé l’office, dans un délai raisonnable, de son lieu de résidence ou de son adresse et ne peut être contacté aux fins d’examen de sa demande d’asile.

En tout état de cause, la décision de clôturer une demande relève de la seule appréciation de l’OFPRA, sur la base d’un examen individuel de situation (circulaire du 2 novembre 2015). L’office doit notifier par écrit sa décision motivée en fait et en droit au demandeur d’asile. Cette notification précise les voies et délais de recours (Ceseda, art. L. 723-13 nouveau).

2) Le régime juridique des décisions de clôture

Si, dans un délai inférieur à 9 mois à compter de la décision de clôture, le demandeur sollicite la réouverture de son dossier ou présente une nouvelle demande, la démarche doit être précédée d’un nouvel enregistrement auprès du préfet compétent. Le délai d’introduction de cette demande en réouverture auprès de l’office est de 8 jours à compter de l’enregistrement. Informé par le préfet, l’OFPRA réouvre le dossier et reprend l’examen de la demande au stade auquel il avait été interrompu. Le dossier d’un demandeur ne peut être rouvert qu’une seule fois dans ce cadre (Ceseda, art. L. 723-14 et R. 723-14 nouveaux).

Au passage, le législateur précise que le dépôt par le demandeur d’une demande de réouverture de son dossier est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours devant les juridictions administratives de droit commun, à peine d’irrecevabilité de ce recours (Ceseda, art. L. 723-14 nouveau). Le recours s’exerce alors contre la décision de refus de l’OFPRA de rouvrir le dossier.

Passé le délai de 9 mois, la décision de clôture est définitive et la nouvelle demande est considérée comme une demande de réexamen (Ceseda, art. L. 723-14 nouveau).

C. L’examen de la demande d’asile par la CNDA

1. Les délais d’examen des recours

La loi du 29 juillet 2015 a fixé des délais d’examen des recours devant la Cour nationale du droit d’asile (sans toutefois prévoir de sanction en cas de dépassement). La CNDA doit ainsi, de manière générale, statuer en formation collégiale dans un délai de 5 mois à compter de sa saisine sur les recours formés contre les décisions de l’OFPRA. A peine d’irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai de 1 mois à compter de la notification de la décision de l’office (Ceseda, art. L. 731-2 modifié).

Dans des cas limitativement énumérés par la loi, la CNDA doit toutefois statuer « à juge unique » dans un délai de 5 semaines à compter de sa saisine. Il s’agit plus précisément des cas où la demande a fait l’objet d’un examen accéléré ou d’une décision d’irrecevabilité. C’est le président de la CNDA ou le président de la formation de jugement désigné à cette fin (voir ci-dessous) qui statue. De sa propre initiative ou à la demande du requérant, le magistrat peut, à tout moment de la procédure, renvoyer à la formation collégiale la demande s’il estime que le placement en procédure accélérée ou le classement en demande irrecevable n’est pas justifié ou bien encore s’il estime qu’elle soulève une difficulté sérieuse (Ceseda, art. L. 731-2 modifié).

(A noter) Sans changement, les réfugiés visés par l’une des mesures prévues par les articles 31, 32 et 33 de la convention de Genève(4) doivent, s’ils souhaitent contester une décision devant la CNDA, exercer leur droit de recours auprès de la cour dans le délai de 1 semaine. La nouvelle loi a toutefois renvoyé à un décret le soin d’en fixer les conditions (Ceseda, art. L. 731-3 modifié).

2. Un juge de plein contentieux

La qualité de « juge de plein contentieux » de la CNDA est consacrée par la loi du 29 juillet 2015. Précisant que, saisie d’un recours contre une décision du directeur général de l’OFPRA, la cour statue en cette qualité sur

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