Une belle maison dans une belle région. C’est là que Didier Rouault et son équipe accueillent depuis 2010, pour 15 jours de ressourcement, des personnes séropositives, dont près de la moitié a plus de 50 ans. Au-delà des problèmes dus au vieillissement ou à la précarité, celles-ci souffrent d’abord de solitude. « Souvent, elles ont perdu leurs proches, mais le VIH isole aussi. Les personnes se replient sur elles-mêmes ou subissent le rejet des autres. Cela entraîne des épisodes dépressifs », résume le directeur de La Maison de vie(1). Pour certaines, le sida est venu se greffer à des vies déjà cabossées : maltraitances dans l’enfance, violences sexuelles, fractures familiales… « Comme si ce vécu initial les avait exposées davantage au VIH, les avait incitées à se mettre en danger. A plus de 60 ans, elles portent encore cela comme un fardeau. »
Pour être admises, les personnes doivent être autonomes et ne pas souffrir de troubles « psy » non stabilisés, puis une évaluation est réalisée par téléphone. L’approche est globale. « On ne réduit pas la personne à sa maladie, on la prend dans l’intégralité de son histoire », précise Didier Rouault. La priorité est pour l’équipe d’établir la confiance et, à cette fin, la disponibilité est requise. L’accompagnement repose sur une écoute permanente et la recherche de points positifs sur lesquels s’appuyer pour stimuler la personne et lui permettre d’aller mieux. « Nous essayons d’ouvrir des possibles, de consolider les acquis afin d’aller vers une redynamisation ou une reconstruction », explique Didier Rouault. Une quinzaine d’ateliers est ainsi proposé par des intervenants spécialisés : activités physiques adaptées, yoga, relaxation, massages, acupuncture, socio-esthétique, nutrition, aromathérapie, expression artistique… Objectif : aider les résidents à reprendre conscience qu’ils ont un corps, à prendre soin d’eux, à gérer le stress, à améliorer leur estime de soi. Pour les soutenir, sur les 12 permanents, cinq sont éducateurs ou infirmiers. « Mais, précise aussitôt le directeur, je leur ai demandé d’oublier leur formation initiale ! En 2010, nous avons créé ensemble le poste d’“accompagnant” autour de la relation d’aide, du care, de l’empowerment. Une pratique qui s’élabore aussi au jour le jour. » Le recrutement s’est donc effectué autour de la capacité d’écoute des professionnels – de la femme de ménage au directeur, toute l’équipe y est formée –, de leur singularité, « de la couleur qu’ils allaient apporter de par leur histoire de vie, leur expérience », et de leur envie d’innover. Car « ce sont les résidents qui déterminent le champ de l’accompagnement ».
Lieu de rencontres et d’échanges, La Maison de vie est un espace où se partage le savoir entre pairs, chaque groupe comptant une douzaine de personnes. C’est aussi un endroit où l’on tisse des liens, qui souvent perdurent. Quant à la crainte de créer un nouveau ghetto en ne regroupant que des résidents séropositifs, le directeur l’évacue. « Ces personnes ne trouvaient pas de lieu où être elles-mêmes : partout elles sont regardées de travers. Si elles disent leur sérologie, on les met à l’écart ; si elles la taisent, elles s’enfoncent dans la culpabilité. L’intérêt, ici, c’est que le VIH va de soi. » L’expérience du rejet est notamment le lot des femmes qui viennent avec leurs enfants lors de séjours dits « famille ». « Beaucoup d’entre elles sont d’origine africaine et n’ont aucun autre espace pour parler de leurs difficultés », assure Didier Rouault. Si une participation financière est exigée, La Maison de vie la module selon les capacités de chacun. Ainsi n’est-elle que de 5 € par jour pour les plus démunis. Une possibilité offerte par Fight Aids Monaco, l’association fondée par Stéphanie de Monaco dont dépend la structure.
(1) Maison de vie : 450, chemin de La Peyrière – 84200 Carpentras – Tel. 04 90 30 47 09.