Croisade pour une place

« Vous êtes atteint d’un handicap, indifférence-égoïsme-méchanceté, qui ne vous autorise pas à vous garer sur cet emplacement réservé », c’est l’une des nombreuses pancartes que la narratrice d’Emplacement réservé appose rageusement sur le pare-brise des malotrus qui stationnent sur la place « handicapé » que la municipalité a attribuée à sa fille. D’une plume alerte, l’auteure, Corine Jamar, nous plonge dans les aventures d’une mère qui se bat au quotidien pour que son enfant, polyhandicapée à la suite d’un problème à la naissance, vive le mieux possible. Avec un sens aigu de la formule, ce roman décrit l’existence d’Emma et de sa famille, les petites joies et les grandes galères. Infirme moteur cérébral, un peu autiste, limite caractérielle, cette jolie petite fille à la longue chevelure blonde et aux grands yeux bleus foncés ne correspond pas à l’image d’une personne handicapée – « pas ou très peu de bave », ose l’auteure, un brin provocatrice. L’ouvrage questionne le regard porté par la société sur les parents de ces enfants pas comme les autres, entre compassion condescendante et fausse admiration pour leur « courage » – « le courage, c’est quand on a le choix ! » s’emporte la narratrice.

Emplacement réservé raconte la vie au jour le jour de cette mère qui tente d’obtenir réparation devant la justice pour l’erreur médicale qui a rendu sa fille handicapée. Protéger la place « handicapé » de son enfant devient, pour elle, une obsession qui confine au ridicule, et cette croisade offre quelques moments tendrement absurdes, comme celui où l’héroïne envoie à la fourrière un corbillard dans lequel un mort, auparavant handicapé, attend d’être enterré !