Les moyens d’accompagnement dans le logement d’insertion – résidences sociales, sous-location dans le parc locatif social, logements temporaires dans le parc privé… – sont d’autant plus nécessaires « dans une période où les SIAO [services intégrés d’accueil et d’orientation] et l’Etat orientent de plus en plus vers nos logements des personnes reconnues “prioritaires” ». C’est ce que constatent la FAPIL (Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l’insertion par le logement), la fédération Soliha et l’UNAFO (Union professionnelle du logement accompagné), qui, réunies depuis 2011 au sein des Acteurs du logement d’insertion, publient une étude intitulée « Logement d’insertion et accompagnement : la mobilisation de moyens souples et adéquats »(1). Conduite par le Cresge (Centre de recherches économiques, sociologiques et de gestion), avec le soutien de la DIHAL et de la DGCS(2), elle apporte un éclairage sur les conditions de mise en œuvre de l’accompagnement social proposé par les opérateurs qui construisent une offre destinée aux ménages ayant des difficultés d’accès et de maintien dans le logement. L’enjeu : renforcer leurs capacités d’action, notamment en améliorant l’articulation entre les professionnels de l’habitat et ceux de l’intervention sociale.
Pour aboutir à ce travail, le Cresge a enquêté auprès de neuf organismes – trois par fédération – « pratiquant de manière officielle de l’accompagnement social, sachant que ce vocable renvoie à des réalités différentes qu’il convient d’éclairer ». A partir des monographies ainsi réalisées, les auteurs ont mis en lumière la diversité des pratiques, mais aussi leurs caractéristiques communes. L’accompagnement, qui constitue « un axe fort du projet associatif » des organismes gestionnaires ou propriétaires, est ainsi presque toujours prescrit dans le cadre d’un dispositif – accompagnement social lié au logement (ASLL) financé par le Fonds de solidarité pour le logement (FSL), accompagnement vers et dans le logement (AVDL), sous-location… – et rendu obligatoire par le « partenaire prescripteur » (bailleur HLM, conseil départemental) lorsque l’association n’intervient pas dans un parc qu’elle gère directement. La notion de « proximité » qui caractérise en outre l’accompagnement social, « internalisé » à l’association, se traduit par différentes modalités d’intervention : la présence de travailleurs sociaux au sein des structures (en particulier lorsqu’elles sont collectives), des entretiens à domicile pour les associations intervenant dans un parc diffus, ou, dans un cas observé, « coréalisé » par un travailleur social et un binôme de bénévoles. « La sollicitation des mesures d’accompagnement portées (financées) par les partenaires est alors un moyen de financer les ressources (humaines) utiles à la résolution des difficultés des ménages, de ne pas ainsi faire peser cette contrainte sur [leur] budget – déjà limité – et, in fine, de maintenir la vocation temporaire du parc », précisent les auteurs.
Autre constat : l’individualisation de l’accompagnement passe par la désignation d’un « référent unique, dans un sens non administratif ». L’échantillon étudié a, par ailleurs, permis de repérer des cas d’accompagnement collectif, dont l’objectif est plutôt d’« apporter quelque chose de factuel, comme de l’information et de l’animation ». Par ce biais, « il y a une recherche de gain de temps et d’argent en évitant aux travailleurs sociaux de faire, chacun de son côté, les mêmes démarches pour initier des actions similaires ». Mais les interventions collectives ont un autre bénéfice : elles « renouvellent la pratique d’accompagnement et apportent un soutien professionnel à des travailleurs sociaux décrits comme “essoufflés” par la combinaison des contraintes financières accrues, des exigences plus poussées de la part des financeurs et des difficultés sociales en progression ».
Reste que les problèmes rencontrés tiennent aussi « au contexte d’action dans lequel s’exerce l’activité ». Ainsi, pointent les auteurs, l’un des freins majeurs à une meilleure reconnaissance de l’approche globale de l’accompagnement – pourtant ancrée dans les pratiques à travers des partenariats avec des acteurs d’autres champs d’intervention, comme la santé ou la parentalité – « se trouve dans la logique de dispositifs qui domine au sein des politiques publiques et dans les pilotages de celles-ci ». Conscient des besoins de pluridisciplinarité, un conseil départemental a « élargi et formalisé, dans son règlement FSL, les champs d’intervention attendus dans le cadre des mesures ASLL ». Mais sans revalorisation du financement de ces mesures…
Les auteurs veulent aussi défendre les « marges d’initiative » des associations, afin de favoriser les innovations et de protéger la « vertu » du caractère temporaire de l’accompagnement social. « Nous avons pu observer que, face aux difficultés de sortie vers le logement autonome et, par conséquent, face au manque de fluidité au sein de leur parc, des associations réfléchissent à des évolutions pour leur offre de logements : le changement de statut du logement par la revente du logement occupé par le ménage ou la production d’une offre de logements pérennes à destination des ménages logés dans leur parc temporaire », illustre l’étude.
Alors que la contractualisation est souvent rendue obligatoire par le dispositif dans lequel s’inscrit l’accompagnement, les auteurs alertent sur le risque « de voir l’accompagnement social de plus en plus assigné à produire des résultats concrets, “tangibles” et mesurables dans des délais de plus en plus contraints », ce qui peut nuire au respect du projet de la personne et de sa « liberté de choix » dans la construction progressive de son parcours, soulignent les auteurs. L’étude identifie aussi, à l’intention des pouvoirs publics, les « risques » juridiques et financiers liés à l’accompagnement des personnes fragiles. « Par exemple, on sait que le système du bail glissant est utile pour les ménages, mais qu’il représente une telle prise de risque pour les associations que certaines refusent de le faire. » Une réflexion sur ce sujet semble d’autant plus urgente aux auteurs que « l’accentuation des contraintes budgétaires réduit les occasions de rééquilibrage par coups de rallonges accordées par les financeurs ». Il en résulte que « les opérateurs se retrouvent de plus en plus seuls face à la difficulté de leur mission ».
Dans trois publications – qui viennent d’être rendues publiques par la Fédération nationale d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS)(1) –, l’Union sociale pour l’habitat (USH) analyse les actions menées dans le cadre de l’appel à projets lancé par le mouvement HLM, à la suite du pacte signé en juillet 2013 avec l’Etat, par lequel il s’engageait notamment à mettre en place, en trois ans, 10 000 logements accompagnés.
Il s’agit de développer des « formules, éventuellement expérimentales, associant un logement social ordinaire, une gestion locative adaptée, ainsi qu’un accompagnement », permettant de « promouvoir un accès durable au logement de droit commun et une stabilisation des parcours résidentiels et de rompre avec la logique de prise en charge temporaire ». Plus de 90 projets ont été retenus pour quelque 4 500 ménages concernés, et sont présentés sous forme de fiches synthétiques. Neuf de ces démarches, reflétant la diversité des contextes, font l’objet, d’une part, de monographies détaillées et, d’autre part, d’un bilan tirant les premiers enseignements des opérations. Pour l’USH, « il ne s’agit pas tant de proposer un modèle clé en main qui pourrait être uniformément décliné sur le territoire, mais de mettre en exergue les principales conditions de réussite des projets, ainsi que les écueils à éviter ». De nombreux exemples émaillent ce descriptif qui aborde plusieurs sujets, notamment les publics bénéficiaires, l’approche des locataires, la mobilisation de logements sociaux ordinaires, leur accessibilité financière, les logements « passerelles », la diversification des missions sociales, la montée en compétences des équipes de proximité ou encore les indispensables partenariats à nouer avec les associations spécialisées.
A. S.
(1) Disponible sur
(2) Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement et direction générale de la cohésion sociale.
(1) Disponible sur