« Près de 225 000 personnes décèdent chaque année en France dans des conditions requérant des soins palliatifs, mais toutes n’y ont pas eu accès avant leur mort » et « l’accès aux soins palliatifs reste extrêmement disparate sur le territoire ». Tel est le constat qu’a dressé la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, en présentant, le 3 décembre, le plan 2016-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie(1). Doté de 190 millions d’euros, ce plan, décliné en 14 mesures et 40 actions, s’articule autour des quatre axes suivants :
→ « informer le patient, lui permettre d’être au centre des décisions qui le concernent » ;
→ « former les professionnels, soutenir la recherche et diffuser les connaissances sur les soins palliatifs » ;
→ « développer les prises en charge de proximité : favoriser les soins palliatifs à domicile y compris pour les résidents en établissements sociaux et médico-sociaux » ;
→ « garantir l’accès aux soins palliatifs pour tous ».
Un comité de pilotage doit se réunir très prochainement pour mettre en œuvre le plan, sous la présidence du Dr Vincent Morel, responsable de l’équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs du CHU de Rennes et ancien président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.
Afin d’améliorer l’information des patients, un centre national dédié aux soins palliatifs et à la fin de vie doit être créé à partir de la fusion du Centre national de ressources en soins palliatifs et de l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV). Il aura notamment « pour mission de mettre en place, d’ici à un an, une grande campagne nationale de communication » sur la question.
Par ailleurs, pour soutenir les proches aidants de patients en fin de vie, des solutions de répit doivent être favorisées en facilitant l’accès à l’allocation journalière pour l’accompagnement d’un proche en fin de vie et en développant « les différentes formes de bénévolat, d’accompagnement et de service ainsi que les nouvelles formes de solidarité », indique le plan.
Pour pallier les disparités territoriales d’accès aux soins palliatifs, le ministère de la Santé prévoit que chaque région dispose « d’au moins un lit de soins palliatifs pour 100 000 habitants d’ici à 2018 », avec la création, dès 2016, d’« au moins six nouvelles unités de soins palliatifs » dans les territoires qui en sont dépourvus. Chaque agence régionale de santé (ARS) doit en outre réaliser un « schéma de repérage précoce » des besoins en la matière.
Selon le plan, le développement des prises en charge à domicile, y compris pour les résidents en établissements sociaux et médico-sociaux – en particulier en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) –, passera par la création, dès l’année prochaine, de « 30 nouvelles équipes mobiles de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire ». Ce meilleur maillage permettra notamment, selon Marisol Touraine, « d’éviter les hospitalisations inutiles ».
Plusieurs mesures du plan concernent spécifiquement le développement des soins palliatifs dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS). S’appuyant sur le rapport 2013 de l’ONFV sur la fin de vie des personnes âgées (2), le ministère de la Santé souhaite, tout d’abord, que les EHPAD assurent, si possible, « une présence infirmière la nuit […] sur la base des expérimentations en cours, afin d’éviter si possible les hospitalisations en fin de vie » . Le plan prévoit d’ailleurs de réaliser « un recensement des dispositifs actuellement mis en œuvre et une évaluation nationale de ces expérimentations », avant qu’un groupe de travail se réunisse pour en tirer les enseignements « et faire des propositions sur l’organisation d’une telle prise en charge en EHPAD ». Un budget de six millions d’euros sera consacré à cette action sur la durée du plan.
Autre axe retenu pour les ESSMS : améliorer, avec l’aide des ARS, le partenariat avec les équipes mobiles de soins palliatifs et les réseaux de santé ayant une compétence dans ce domaine. Le gouvernement veut aussi intégrer les besoins en soins palliatifs dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, en particulier dans les EHPAD, ainsi que la prise en charge des personnes en fin de vie dans l’évaluation externe.
La formation continue des professionnels salariés des services médico-sociaux au contact des personnes en fin de vie va en outre être renforcée, en soutenant le financement « retour et maintien à domicile » du Fonds national d’action sanitaire et sociale de la caisse nationale de l’assurance maladie et le financement de la formation des aides à domicile avec l’aide de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, indique encore le plan.
Enfin, l’Etat entend faciliter les coopérations des différents professionnels « au bénéfice des parcours de santé ». Il souhaite notamment améliorer l’articulation entre, d’une part, l’hospitalisation à domicile (HAD) et, d’autre part, les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), afin d’éviter les ruptures dans les parcours de soins des patients en fin de vie. A cette fin, « un modèle de convention entre les établissements d’HAD et les SSIAD/Spasad ainsi que des outils de coopération seront proposés au niveau national et les ARS seront invitées à mettre en place une politique régionale de coopération ».
Le plan demande également « à chaque établissement de santé disposant d’un service d’urgence de mettre en place un protocole avec les services d’HAD ou de soins infirmiers à domicile », afin que le régulateur des urgences puisse « mieux gérer les appels téléphoniques des familles en situation de détresse et ainsi éviter un recours aux urgences qui n’est pas nécessaire » si la personne est déjà suivie par un service.
Un financement spécifique d’environ neuf millions d’euros sur trois ans est par ailleurs annoncé pour soutenir « des projets territoriaux innovants structurés autour des professionnels de ville ». Il s’agira notamment de mettre en place des plateformes territoriales d’appui censées« accompagner les patients et leurs proches, les professionnels de premier recours, en particulier le médecin généraliste, mais aussi les infirmières ou les aidants, [qui] peuvent avoir besoin d’une expertise en matière de soins palliatifs (gestion de la douleur, hydratation, décisions concertées, questions éthiques…) et/ou d’un appui pour organiser et coordonner l’intervention d’autres professionnels autour du patient et de ses aidants naturels ».
Tandis que la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a dévoilé le nouveau plan pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie (voir ci-dessus), l’Observatoire national de la fin de vie (ONFV) a récemment diffusé les chiffres clés des soins palliatifs sur son site Internet (
Ainsi, après la fin du programme national « soins palliatifs » 2008-2012, des progrès en termes d’offre ont encore été enregistrés en 2013. L’ONFV dénombre en effet 130 unités de soins palliatifs (contre 122 en 2012) et 431 équipes mobiles de soins palliatifs (contre 418). En revanche, il décompte 4 663 lits identifiés en soins palliatifs alors que le précédent bilan en recensait 5 057 en 2012. Il identifie par ailleurs 77 réseaux de santé en soins palliatifs en 2013, 309 établissements d’hospitalisation à domicile (qui interviennent notamment auprès de personnes en fin de vie) en 2014 et 21 équipes ressources régionales en soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP) en 2015.
Notons que le nouveau plan prévoit notamment de continuer à développer les ressources en soins palliatifs (unités, lits et équipes mobiles) et qu’une « attention particulière » pourra également être portée sur les éventuels besoins de renforcement des ERRSPP, en lien avec les travaux de l’Observatoire – en cours – sur « la fin de vie en début de vie ».
Lydia Laga
(1) Plan disponible sur