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Centres éducatifs fermés : le plan d’action de la PJJ pour en améliorer le fonctionnement

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En raison de dysfonctionnements préoccupants et persistants, la chancellerie a demandé, en janvier 2015, aux inspections générales des services judiciaires (IGSJ) et des affaires sociales (IGAS) d’évaluer le dispositif des centres éducatifs fermés (CEF). Elles ont remis leurs conclusions en juillet dernier, lesquelles confortent celles de précédents rapports des inspections du ministère de la Justice et du contrôleur général des lieux de privation de liberté(1) – dites « autorités de contrôle ». Sur cette base, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) a élaboré un plan d’actions, d’ores et déjà mis œuvre par ses services.

Mieux contrôler et évaluer

Pour pallier les défaillances dans la chaîne du contrôle de l’activité des CEF préjudiciables au repérage des dysfonctionnements, la DPJJ diffusera bientôt une note sur la maîtrise des risques, accompagnée d’un guide à destination de ses services déconcentrés (fréquence des contrôles, rôle des différents échelons…), d’après son plan d’action. Si cette démarche « répond dans le principe à l’attente des autorités de contrôle », l’IGAS et l’IGSJ ont toutefois indiqué à la direction qu’elles auditionnaient que « toutes les garanties attendues dans l’exercice d’opérations de contrôle par la DPJJ ne sont pas présentes [dans le projet de note initial]. Les articulations avec les services d’inspection et la définition des champs de compétence respectifs [n’y] sont pas clairement posées ».

Du côté de l’évaluation du parcours des mineurs pendant le placement, pas mieux, selon la mission. Les inspections de la chancellerie avaient précédemment recommandé que le cahier des charges des CEF prévoie que les professionnels nourrissent à cet effet le logiciel G@ME – limité au secteur public – jusqu’à présent « mal renseigné et faiblement utilisé ». Lors de son audition devant la mission, la DPJJ a assuré que cette obligation figurerait dans la circulaire d’application de l’arrêté du 31 mars 2015 portant cahier des charges des CEF du secteur public(2). En outre, l’administration centrale a indiqué qu’« un décret portant création d’un traitement automatisé commun des mineurs et jeunes majeurs confiés aux opérateurs du secteur public et du secteur associatif habilité est en cours de rédaction  ». En tout cas, d’après son plan d’action, seront lancées en 2016 une enquête visant à « recueillir des données sur le parcours des mineurs et des éléments qualitatifs sur leur insertion, leur scolarité et leur projet de sortie » ainsi qu’une étude de cohorte afin d’« analyser les trajectoires des mineurs pris en charge par la PJJ, l’impact de ces prises en charge et la réitération des mineurs concernés ».

Améliorer la prévention et la gestion des violences

La DPJJ entend par ailleurs améliorer la prévention de crise et des dysfonctionnements dans les CEF ainsi que la prévention de toute violence physique. Sur ce dernier point, la mission a souhaité attirer son attention sur les pratiques de la contention, souvent « injustifiées, trop fréquentes et/ou excessives dans leur durée ou leur mode opératoire », d’après les autorités de contrôle. Sur la recommandation de l’IGAS et de l’IGSJ, la direction prépare donc une note sur la prévention et la gestion de la violence qui non seulement rappellera les notions de « contenance éducative » et de « bientraitance », mais exclura aussi toute forme de violence physique . En outre, les formations organisées sur la technique de contention seront interdites. Parallèlement, la DPJJ élaborera un plan d’action et de formation avec les fédérations sur la prévention, la détection et le traitement des comportements de violence et de maltraitance des jeunes hébergés en centre éducatif fermé.

Affiner le recrutement des équipes

Tous les rapports ont par ailleurs conclu à une « insuffisance de qualification et d’expériences d’une partie des cadres et des équipes éducatives, face à des adolescents cumulant des difficultés multiples ». Une insuffisance qui est préjudiciable à l’organisation des CEF et à la prise en charge des mineurs, a admis la DPJJ lors de son audition. Aussi a-t-elle programmé d’élaborer un « plan d’action en matière de ressources humaines avec les fédérations associatives afin, d’une part, de recruter exclusivement des personnels qualifiés et, d’autre part, de construire des formations communes [aux secteurs public et associatif habilité] ». Dans ce cadre, précise-t-elle dans son plan, « deux viviers nationaux pour les titulaires et les contractuels vont être constitués pour les cadres (directeurs et responsables d’unités éducatives) du secteur public, une commission nationale de recrutement va être mise en place, et une expérimentation va être conduite afin de recruter des contractuels à l’aide d’une agence de recrutement spécialisée dans le domaine du travail social en charge de constituer des viviers et de proposer des candidats sur les postes vacants ».

Sur l’insistance des autorités de contrôle, le plan d’action de la DPJJ prévoit aussi, pour le secteur public, qu’une expérimentation sur le profilage des postes d’éducateurs et de professeurs techniques sera menée sur les directions interrégionales Grand-Nord et Sud. Alors même qu’elle n’est pas convaincue par cette méthode qui « ne lui apparaît pas comme étant la solution la plus pertinente pour stabiliser les équipes et lutter contre le turn-over »,a-t-elle expliqué aux inspections lors de son audition. Au contraire, selon elle, « la faible attractivité des CEF rendrait cet exercice infructueux et risquerait de restreindre, voire d’assécher, un vivier déjà limité ».

Au regard de son plan d’action, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse entend aussi proposer des formations d’adaptation à l’emploi à tout nouveau personnel affecté en CEF, y compris les cadres. « L’accompagnement des équipes de direction par des directeurs ou des seniors expérimentés viendra renforcer ces mesures », ajoute-t-elle.

Renforcer les moyens humains

Le précédent rapport des inspections du ministère de la Justice avait préconisé de fixer, pour le secteur public, un effectif cible, par équipe, de 27 équivalents temps plein (ETP), incluant trois cadres de direction, un ETP de psychologue et 1,40 ETP de professionnels de santé. Depuis janvier 2015, la DPJJ constitue ses équipes sur la base de 25 ETP (contre 24 avant), auxquels s’ajoutent 1,5 ETP de professionnel de santé (hors psychologue) et un enseignant. Une décision qui ne satisfait toujours pas la mission qui insiste pour l’adoption d’une cible à 27 ETP, hors professionnels de santé. Ce, d’autant plus que « l’augmentation de la capacité d’accueil des CEF à 12 places, conjuguée avec celle de l’objectif du taux d’occupation [à 85 %], est de nature à fragiliser ces structures et à porter atteinte à leur finalité éducative si les effectifs ne sont pas corrélés ». Elle a donc invité la DPJJ à revoir le calibrage des effectifs des CEF « à la faveur, soit d’un environnement budgétaire desserré, soit dans le cadre de réflexions globales sur le dimensionnement des établissements et services de la PJJ qui pourraient favoriser l’émergence de marges de manœuvre en termes d’ETP ». Dans le cadre de son plan d’action, la DPJJ a accepté d’expérimenter l’affectation « à moyen constant » d’un troisième cadre dans trois CEF. Une évaluation est prévue en 2016.

Optimiser l’action éducative

A plusieurs reprises, les autorités de contrôle ont souligné le déficit d’activités d’éducatives proposées aux mineurs, l’insuffisante structuration de leurs emplois du temps ou du volume d’enseignement scolaire. Certes, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a multiplié les efforts pour améliorer la qualité des prises en charge. S’agissant par exemple de l’enseignement scolaire, ses actions seront renforcées grâce à un partenariat formalisé avec les services de l’Education nationale par une circulaire du 3 juillet dernier(3). Du côté de l’insertion des jeunes, l’IGAS et l’IGSJ ont relevé que l’administration centrale « a pour projet de formaliser un conventionnement avec la direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle, le Conseil national des missions locales et l’Union nationale des missions locales et de conforter les partenariats locaux déjà existants ». Dans ce cadre, « des postes de “conseiller justice” dédiés au sein des missions locales pourront être financés en fonction des besoins repérés, notamment par le biais des crédits du secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance ». Mais cela n’est pas suffisant pour les inspections. D’après son plan d’action, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse accordera donc une « vigilance particulière » aux trois points suivants :

→ une meilleure prise en compte des problématiques de santé des mineurs devront être mieux dans l’élaboration des projets individuels. Elle entend, entre autres, « mieux organiser l’accompagnement au sevrage des addictions, sensibiliser sur la consommation du tabac et assurer la continuité des traitements et des suivis médicaux à la sortie de l’établissement » ;

→ le renforcement de la préparation et de l’accompagnement à la sortie du dispositif de prise en charge en CEF. Pour ce faire, la direction a récemment diffusé une note relative à l’action éducative en milieu ouvert dans laquelle elle pointe des mesures concrètes à développer(4). En tous les cas, les inspections insistent pour qu’un accompagnement renforcé soit systématiquement organisé autour des mineurs sortant d’un établissement pénitentiaire ou d’une structure contraignante, tel un CEF ou un centre éducatif renforcé ;

→ la mise en œuvre, dans les unités éducatives, d’un planning d’activités diversifié s’appuyant sur l’enseignement, les ressources internes et des actions partenariales. Au-delà du développement de son partenariat avec l’Education nationale, la DPJJ entend poursuivre sa réflexion sur la réorganisation du volume d’heures d’enseignement dispensé et sur la faisabilité d’un rattachement systématique des mineurs à un établissement scolaire.

Par ailleurs, afin de garantir la continuité des parcours des mineurs, la DPJJ affirme dans son plan porter « une volonté forte d’harmonisation des pratiques sur l’ensemble du dispositif CEF. En ce sens, le pilotage des établissements, les obligations relatives au mode de fonctionnement, à l’organisation et aux méthodes de prise en charge en CEF seront explicités dans une circulaire commune aux CEF [des secteurs public et associatif habilité] ».

Notes

(1) Voir respectivement ASH n° 2833 du 15-11-13, p. 5 et n° 2902 du 20-03-15, p. 5.

(2) Voir ASH n° 2909 du 8-05-15, p. 36.

(3) Voir ASH n° 2924 du 11-09-15, p. 44.

(4) Voir ASH n° 2935 du 27-11-15, p. 46.

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