Interdire le port du voile dans un établissement public n’est pas contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et en particulier à son article 9 qui consacre le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. C’est ce que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) vient d’affirmer par un arrêt du 9 novembre dans une affaire qui concernait le non-renouvellement du contrat de travail d’une assistante sociale dans un établissement public hospitalier en raison de son refus de s’abstenir de porter le voile.
L’intéressée – une ressortissante française née en 1951 – avait été recrutée en contrat à durée déterminée (CDD) en qualité d’agent de la fonction publique hospitalière comme assistante sociale au service de psychiatrie du Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, un établissement public de la Ville de Paris. A la fin de son CDD, le directeur des ressources humaines l’avait informée que son contrat ne serait pas renouvelé. Une décision motivée par le refus de l’agent d’enlever la coiffe qu’elle portait, ce qui avait provoqué des plaintes de la part de certains patients. Pourtant, le directeur des ressources humaines avait rappelé à l’intéressée l’avis du Conseil d’Etat du 3 mai 2000 en vertu duquel le principe de laïcité de l’Etat fait obstacle à ce que les agents publics disposent, dans l’exercice de leurs fonctions, du droit de manifester leurs croyances religieuses, et donc au port d’un signe destiné à marquer une appartenance à une religion. Après les rejets successifs de sa demande d’annulation du non-renouvellement de son contrat de travail par le tribunal administratif, la cour administrative d’appel et le Conseil d’Etat, l’assistante sociale s’est alors tournée vers la CEDH.
Dans son arrêt, rendu à l’unanimité des juges, si la cour de Strasbourg reconnaît que l’interdiction du port du voile constitue une ingérence dans le droit de l’intéressée à la liberté de manifester sa religion, elle estime toutefois que cette ingérence poursuit un but légitime – c’est-à-dire le respect de la liberté de religion de tous – et considère que l’obligation de neutralité des agents publics peut être justifiée dans son principe. Dès lors, explique la cour, « l’Etat qui emploie la requérante au sein d’un hôpital public peut juger nécessaire qu’elle ne fasse pas état de ses croyances religieuses dans l’exercice de ses fonctions pour garantir l’égalité de traitement des malades ».
La CEDH estime par ailleurs que les autorités nationales n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation en décidant de faire primer l’exigence de neutralité et d’impartialité de l’Etat. « Le fait que les juridictions nationales ont accordé plus de poids au principe de laïcité-neutralité et à l’intérêt de l’Etat qu’à l’intérêt de [la requérante] de ne pas limiter l’expression de ses croyances religieuses ne pose pas de problème au regard de la Convention. »