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Entre colère et culpabilité

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« Je suis maladroite. » Combien de fois les institutrices, le médecin scolaire, les gendarmes, le pédiatre hospitalier et l’assistante sociale de l’aide sociale à l’enfance ont-ils entendu Diana évoquer sa maladresse comme cause de ses multiples blessures ? Une explication toute trouvée, souvent crédible. Cette douleur au pouce ? Un accident de vélo. Cette bosse derrière la tête ? Une bagarre avec son frère aîné. Ces traces rouges sur la cuisse ? Une chute dans les graviers du jardin. Des histoires toujours confirmées par ses parents, un couple affable, courtois, remerciant chacun de sa sollicitude envers la fillette. Jusqu’au trou noir. La prétendue disparition de Diana, les aveux du père devant un policier, et la découverte de son petit corps meurtri, dissimulé dans un bloc de béton. Professeur de littérature à l’université d’Angers, Alexandre Seurat raconte s’être senti « happé », en juin 2012, par l’ouverture du procès aux assises d’Eric Sabatier et Virginie Darras, parents de Marina, décédée à 8 ans des sévices infligés depuis sa naissance(1). Sous la forme d’un roman choral, La maladroite, fiction appuyée sur les comptes rendus d’audience, retrace les vaines tentatives des acteurs de l’affaire pour faire dévier l’inexorable cours du destin de Diana, cette enfant non désirée, « pathétique, qui quêtait l’attention, souriait tout le temps, toujours volontaire, et toujours appliquée – mais toujours trop ». Chacun se retranchant derrière « la procédure », et contraint de vivre pour toujours avec un « sentiment de gâchis » et la « culpabilité lancinante » de n’avoir pas pu, ou pas su, protéger la fillette de ses tortionnaires. Particulièrement marqué par le témoignage au procès du frère aîné de Marina, témoin des violences et impliqué par ses parents dans les mensonges quotidiens destinés à couvrir leurs agissements, Alexandre Seurat a choisi de laisser les derniers mots à son homologue de fiction, rongé pour toujours par la colère et la culpabilité. « Je voudrais me rappeler Diana, mieux que je ne peux en vrai, conclut l’adolescent. Je voudrais me rappeler tout ce que Diana et moi n’avons jamais fait ensemble, comme si nous l’avions fait. Parfois j’écoute des musiques de notre enfance, et je voudrais que la musique me la rappelle, mais la musique ne me rappelle rien. Parce que nous n’étions pas ensemble, nous n’avons pas vécu la même enfance. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2767 du 6-07-12, p. 21.

La maladroite

Alexandre Seurat – Ed. du Rouergue, coll. « La Brune » – 13,80 €

Culture

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