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Rapprochements associatifs : analyser la dimension RH pour mieux l’anticiper

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L’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale rend publics une étude et un guide méthodologique sur les enjeux des regroupements pour les ressources humaines. Et pointe la nécessité de renforcer le dialogue social sur le sujet.

C’est une tendance manifeste et durable de la transformation du secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif. En 2012, l’enquête emploi réalisée par l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale et Unifaf montrait déjà qu’au moins une association sur cinq était engagée dans un projet de regroupement – mutualisation de moyens, groupement de coopération sociale et médico-sociale, fusion-absorption… Qu’ils soient motivés par des impératifs de survie, de développement, ou impulsés par les pouvoirs publics, ces mouvements ne sont jamais indolores pour la vie des structures. Quelles sont leurs différentes incidences sur les ressources humaines ? L’observatoire de la branche s’est attaché à explorer ce sujet peu abordé – même s’il suscite beaucoup d’inquiétudes –, dans une étude dont les résultats doivent être rendus publics le 4 décembre, lors d’un débat. « Nous ne pouvions pas passer à côté de ce mouvement d’ampleur, qui s’est sans doute encore amplifié depuis 2012, sous l’injonction très forte des financeurs, explique Franck Monfort, président de l’observatoire (collège salariés, CGT). Si les aspects juridiques et financiers ont déjà bien été appréhendés, peu d’informations sont disponibles sur la partie “ressources humaines” des regroupements. Or la transparence sur le sujet peut éviter qu’ils soient menés dans la douleur. »

Un changement peu préparé

Constatant en effet que « les impacts des regroupements sur les ressources humaines sont peu anticipés » et le changement « peu préparé », l’instance paritaire a voulu assortir son analyse d’un « guide qui propose, au sein des associations concernées, des jalons dans l’élaboration d’un diagnostic et d’un plan d’actions concerté avec les partenaires sociaux, quels que soient la nature et le niveau d’avancement du projet de regroupement », explique le document en préambule. Le mouvement étant inéluctable, l’étude invite « à préparer un projet partagé pour éviter qu’il ne soit subi », argue Jean-Marie Poujol, président adjoint de l’observatoire au titre du collège employeurs (Association de préfiguration Fegapei-Syneas, Unifed), ajoutant que ces rapprochements, « qui ne doivent pas être guidés par la seule logique économique, doivent avoir une valeur ajoutée pour les salariés, les personnes accompagnées et les dépenses publiques ». Ils doivent avoir pour objectif de « mieux répondre aux besoins sur les territoires » et aux enjeux « de parcours des personnes et des salariés », souligne-t-il encore.

L’étude de dix regroupements associatifs a permis de dégager six axes de réflexion sur la dimension « ressources humaines » du phénomène : le statut collectif et les droits associés, l’évolution des emplois, la structuration des métiers et des compétences, l’organisation du travail et le management des équipes, le dialogue social et le climat social, le bien-être au travail et les risques professionnels, la stratégie et les politiques de ressources humaines. S’il est difficile de dessiner une typologie des situations étudiées, relève l’observatoire, plusieurs facteurs sont déterminants pour le processus et ses « impacts RH »: de fait, les conséquences ne sont pas les mêmes selon que le regroupement a été choisi ou subi, qu’il a été conclu dans l’urgence ou dans des délais permettant l’anticipation, qu’il a donné lieu ou non à une restructuration…

Il apparaît globalement que la question du statut des salariés – transfert des contrats de travail, dénonciation et renégociation des accords collectifs… – est « la mieux préparée », mais aussi « celle qui cristallise le plus de tensions » (en dehors des inquiétudes sur le maintien de l’emploi). Et la situation est encore plus critique lorsque les associations qui se rapprochent relèvent de conventions collectives différentes (essentiellement la CCN 66 et la CCN 51 dans les cas rencontrés). Les stratégies sont variables, pouvant déboucher sur une harmonisation qui engendre des pertes d’avantages, ou bien au contraire la recherche du maintien des droits, mais entraînant des différences de traitement entre les salariés issus des différentes associations. L’emploi « est généralement sauvegardé », assure l’étude, même si plusieurs cas de licenciements ont été répertoriés dans les dix situations étudiées. Et dans plusieurs cas, les regroupements sont liés à des « stratégies de développement et se traduisent donc par un solde positif d’emplois ».

Dégâts collatéraux

Reste que, compte tenu du contexte financier, cette relative stabilité est fragile, tempère Jean-Marie Poujol, selon qui, « à budget constant, il est de la responsabilité des employeurs de maintenir le niveau de qualification et des emplois des salariés en proximité avec les personnes, avec en contrepartie des économies d’échelle sur les fonctions support ». Comme le constate par ailleurs l’étude, les redéploiements d’effectifs et les mutualisations de fonctions peuvent entraîner des dégâts collatéraux. « La pression sur l’emploi est réelle, relève Franck Monfort. Les départs non remplacés entraînent une augmentation de la charge de travail. Les doublons sur les fonctions support peuvent perdurer seulement pour quelques mois, le temps d’un tuilage, jusqu’à ce qu’un responsable des ressources humaines, par exemple, “s’oriente vers un nouveau projet de carrière”. »

Sur un plan qualitatif, l’observatoire a identifié des effets sur la structuration des métiers et des compétences. Apparaissent ainsi, par exemple, des fonctions de coordination, « qui répondent aux besoins émergents de transversalité et d’interdisciplinarité autour du parcours de l’usager », fonctions qui ne sont toutefois « pas toujours clairement identifiées et reconnues dans les associations où elles apparaissent ». Les fonctions support se développent et « les sièges se structurent », avec l’apparition de nouvelles missions (qualité, hygiène-sécurité…), ce qui a logiquement des incidences sur les missions correspondantes dans les établissements. Des fonctions sont internalisées quand d’autres sont externalisées.

Dans ce contexte, les mobilités internes sont « parfois subies, mais néanmoins accompagnées par la formation », pointe l’observatoire, qui relate néanmoins des cas d’évolution de poste. D’un point de vue plus positif, il arrive que « les rôles et les fonctions se clarifient là où, par exemple, moniteurs-éducateurs, éducateurs spécialisés ou aides médico-psychologiques exerçaient les mêmes activités ». Lorsqu’elles atteignent une taille importante, « les structures jouent plus facilement le jeu de la mobilité en cas d’inaptitude physique », illustre en outre Franck Monfort. Du fait de la structuration des activités, le repositionnement des cadres peut se révéler complexe. Quand les lignes hiérarchiques se multiplient, les salariés ont à déplorer « l’éloignement des cadres, le rallongement des circuits de décision, une gestion administrative prégnante… »

Pas étonnant, au vu de ces bouleversements, que, dans un premier temps du moins, le climat social se dégrade, indique l’observatoire. Les regroupements ont, par ailleurs, plus de conséquences sur la santé au travail en cas de restructuration, quand les mobilités sont subies, la surcharge de travail forte et quand « le mélange des équipes ne va pas de soi », selon l’étude, qui promeut la « construction d’une culture commune et d’une identité partagée ». Quant à la politique des ressources humaines, elle « reste très inégalement investie, et le passage à une stratégie RH et à une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences n’est pas observé partout ».

Diagnostic partagé

Loin de proposer une « méthode type » pour accompagner ces mouvements, l’observatoire de la branche propose au final un « guide méthodologique qui invite au questionnement, une véritable boîte à outils destinée à poser un diagnostic partagé des ressources humaines et à anticiper les effets des regroupements pour mieux les accompagner ». Les auteurs tiennent à préciser que ces outils « intègrent le dialogue social comme fondement méthodologique ». Avec ce guide, « salariés et employeurs pourront avoir une grille de lecture commune, les questions pourront être posées sans être éludées, considère Franck Monfort. Aujourd’hui, elles ne sont pas abordées avec les représentants du personnel, par crainte de générer de l’anxiété ou une grève. Or l’étude montre que plus les salariés sont informés, plus le dialogue social est utilisé, plus les choses se passent de la bonne manière. » Le rapprochement « doit être un projet politique et ne pas partir des questions techniques et financières », résume quant à lui Jean-Marie-Poujol. Points de vigilance à retenir, insiste-t-il : la dimension politique et culturelle du projet associatif et d’établissement, son inscription dans le territoire, le calendrier – « la démarche ne doit pas être conduite à marche forcée » – et la participation de tous les acteurs.

Si elles n’anticipent pas cette évolution, « beaucoup de petites associations pourraient se retrouver le couteau sous la gorge », souligne Jean-Marie Poujol, selon qui ces dernières ne sont pas vouées à disparaître, mais à s’« inscrire dans des projets de coopération dans les territoires ». L’enquête emploi de 2017 devrait affiner les données recueillies sur le sujet. En attendant, l’observatoire de la branche souhaite proposer à Unifaf de mettre en œuvre une « action prioritaire nationale de formation » sur cette thématique, destinée aux petites associations et réunissant leurs dirigeants, administrateurs et représentants du personnel.

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