Quelle mobilisation des associations intervenant dans le champ de l’action auprès des familles et des jeunes pour lutter contre la radicalisation ? Près de deux semaines après les attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis, la secrétaire d’Etat chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, Laurence Rossignol, a, le 27 novembre, réuni les représentants d’acteurs associatifs et institutionnels(1). « Cette première rencontre a permis de faire le point sur les actions mises en œuvre sur le terrain, d’identifier les leviers et les obstacles, de faire émerger les bonnes pratiques, de créer ou affermir les liens entre réseaux », explique-t-on au secrétariat d’Etat. « Les familles sont les premières vigies des phénomènes de radicalisation et le dernier rempart dans ces processus », ajoutent les services de Laurence Rossignol, soulignant que ces dernières ont fait « démonstration de leur détermination à s’impliquer et contribuer à la prévention de la radicalisation ». Le secrétariat d’Etat précise à ce titre soutenir un collectif de familles victimes de la radicalisation, dont l’action « s’appuie sur une démarche de prévention par les pairs », dans un contexte où une partie des familles concernées « hésite à se tourner vers des dispositifs institutionnels ou gouvernementaux ».
Lors de ce premier contact, qui devrait être renouvelé plusieurs fois dans l’année, les acteurs ont surtout échangé sur leurs constats et sur ce qu’ils ont déjà mis en œuvre – dont des actions de formation – depuis les attentats de janvier 2015. « Il y a une convergence de vues sur le fait que la radicalisation peut toucher tous les milieux sociaux et tous les territoires, relève notamment Xavier Lionet, délégué général adjoint de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France. C’est l’affaire de jeunes ou de jeunes adultes en rupture sociale, familiale, ou, plus encore, en situation de décrochage citoyen. » D’où l’intérêt de voir l’Etat affirmer une volonté d’agir en direction des familles – sur « la place et le rôle des parents, leur pouvoir d’agir, le développement des politiques en direction de la jeunesse, en particulier sur le rapport à la citoyenneté » –, ou encore reconnaître l’intérêt du développement social local.
Lors de cet échange, la prévention spécialisée était notamment représentée par deux associations – l’Addap 13 (Association départementale pour le développement des actions de prévention) dans les Bouches-du-Rhône et l’Agasef (Association de gestion de l’action sociale des ensembles familiaux) dans la Loire –, qui gèrent toutes les deux une cellule départementale d’écoute et de signalement, dans le cadre des dispositifs préfectoraux qui fonctionnent en lien avec le numéro d’appel national de conseil aux familles. « Cette action, rattachée à la direction générale des associations, n’est pas de la prévention spécialisée – les éducateurs vont voir directement les familles, sur prescription –, mais relève de la protection de l’enfance et de l’aide à la parentalité », souligne Eric Riederer, coordonnateur du Comité national des acteurs de la prévention spécialisée (CNLAPS). Ce type d’intervention « apporte quelque chose de nouveau dans le travail avec les familles », estime-t-il, soulignant que les parents, souvent coopérants, « peuvent aussi être dans le déni » ou considérer le fait de composer le numéro vert « comme un acte de dénonciation ». Il ressort aussi que ce numéro « est plus facilement sollicité par les classes moyennes et supérieures ».
La prévention de la radicalisation « doit faire partie des interventions de la prévention spécialisée, qui doit renforcer cette dimension sans non plus se concentrer sur elle, en cohérence avec la globalité de ses missions, estime Eric Riederer. On ne peut pas tout lui demander, elle doit savoir sur qui orienter et travailler en synergie avec les maisons des adolescents, les centres sociaux, les assistants sociaux du département… » Elle est en outre, dans beaucoup de territoires, victime de réductions de postes. Et « moins vous avez d’éducateurs, plus les trous du tamis sont gros », interpelle le coordonnateur du CNLAPS.
(1) L’AFEV, l’Association nationale des maisons des adolescents, l’Association nationale des points accueil-écoute jeunes, la CNAF, la CNAPE, le CNLAPS, la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France, la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs et l’UNAF.