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Migrants de Calais : la contrôleure des prisons dénonce l’usage détourné des placements en rétention

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Confirmant les cris d’alarme poussés par de nombreuses associations de défense des droits des étrangers(1), la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) condamne, dans un avis rendu public le 2 décembre, l’utilisation – détournée, selon elle – par les pouvoirs publics du placement en rétention administrative à l’égard des migrants de la « jungle » de Calais(2). Depuis octobre, accuse Adeline Hazan, cette procédure est utilisée non pas pour organiser leur retour dans leurs pays d’origine mais dans le seul but de « désengorger Calais », entraînant des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes concernées.

Ce n’est pas la première fois que la CGLPL se saisit d’un tel dossier. Déjà en août, elle avait fait part au ministre de l’Intérieur de ses interrogations sur le bien-fondé d’une pratique de transferts groupés de personnes vers divers centres de rétention administrative (CRA) du territoire national, observée à l’occasion du contrôle du CRA de Coquelles (Pas-de-Calais)(3). Un courrier resté sans réponses. Informée en octobre de l’existence d’un dispositif similaire mais de plus grande ampleur à Calais – s’effectuant de Calais vers sept centres de rétention administrative –, elle a décidé d’analyser la situation avec plus de précision en procédant avec ses services à des vérifications sur place, à l’hôtel de police de Coquelles, mais aussi en suivant intégralement le transfert de 46 personnes jusqu’au CRA de Nîmes et en assistant à l’arrivée de 35 autres personnes au CRA de Paris-Vincennes. Ses conclusions sont sans appel.

Des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes

Elle dénonce ainsi, exemples à l’appui, des atteintes au droit au maintien des liens familiaux en raison de la distance géographique imposée par les délocalisations. « Plusieurs personnes rencontrées […] se sont plaintes d’avoir été séparées de membres de leur famille, principalement de leurs frères ou cousins mineurs laissés libres à la suite de l’interpellation ou après passage à l’hôtel de police », explique-t-elle notamment. Adeline Hazan dénonce également « un accès insuffisant aux droits et à l’information ». Les notifications des droits effectuées à l’arrivée à Nîmes étaient par exemple « collectives et bruyantes ». « Des personnes ignoraient la nature du lieu dans lequel elles se trouvaient et ne comprenaient pas pourquoi elles avaient été déplacées. » A Vincennes, d’après les constats effectués par les contrôleurs, « l’organisation de l’accueil simultané d’un grand nombre de personnes déplacées a privilégié l’impératif de rapidité sur celui de compréhension de l’information ». La CGLPL fait encore état d’actes stéréotypés et de procédures non individualisées, « sources d’imprécisions et d’irrégularités »,évoquant des documents « manifestement préparés à l’avance » qui témoignent d’une « absence d’examen de la situation individuelle de chaque personne ». Adeline Hazan pointe aussi « des conditions indignes » pour les personnes déplacées. Elle décrit notamment des migrants entassés « parfois jusqu’à quatre par cellule » de 7,40 m2 et 13 par cellule collective de 11,40 m2 ou bien encore soumis à la disponibilité des policiers pour boire ou se rendre aux toilettes à l’abri des regards. Conditions indignes également pour les personnels rencontrés par la contrôleure, « impliqués mais épuisés par la charge de travail » à laquelle ils doivent faire face depuis octobre.

Des placements en rétention dans le seul but de « désengorger Calais »

Enfin, souhaitant avoir une vision globale des suites données aux décisions de placement en rétention des personnes déplacées dans différents CRA du pays, la CGLPL a analysé la situation des 779 personnes déplacées depuis le 21 octobre. Un placement en rétention a en effet pour finalité de permettre à l’administration d’organiser l’éloignement de la personne visée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF)(4). Or « le nombre très important de personnes remises en liberté sans demande de prolongation de la rétention administrative par la préfecture ni diligence effectuée pour organiser la reconduite aux frontières démontre, à l’évidence, une absence de volonté de mise à exécution des OQTF émises ». Les placements en rétention durant une période de cinq jours dans les conditions décrites constituent ainsi un usage détourné de cette procédure, estime la contrôleure. Une procédure non motivée ici par la volonté d’exécuter un éloignement du territoire français, mais plus par celle de désengorger Calais, accuse-t-elle, recommandant au gouvernement de mettre fin à cette situation.

Dans une réponse publiée au Journal officiel, le ministre de l’Intérieur a contesté ces mises en cause, parlant de « dispositif temporaire »dans un contexte « de pression migratoire d’une ampleur inédite », et assurant que les placements en centre de rétention sont réalisés « dans le strict respect des garanties juridiques » et que « tous les étrangers [retenus] ont vocation à être éloignés ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2932 du 6-11-15, p. 19 – L’Observatoire de l’enfermement des étrangers a également dénoncé, le 1er décembre, dans une lettre ouverte au Premier ministre, la « vaste opération de déplacement forcé d’une partie des personnes de nationalité étrangère […] regroupées dans la région de Calais » et demandé à Manuel Valls de « faire cesser immédiatement les violations des droits » de ces personnes.

(2) Recommandations parues au J.O. du 2-12-15.

(3) Ces déplacements s’effectuaient à destination d’autres CRA du territoire national, alors même que le CRA de Coquelles n’était pas complet.

(4) Toutes les personnes concernées par le dispositif sont visées par une obligation de quitter le territoire français, qu’elles aient été à l’origine placées en garde à vue après une interpellation – par exemple sur le site d’Eurotunnel – ou retenues à des fins de vérification de leur droit de circulation et de séjour à la suite d’un contrôle d’identité.

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