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« Son nom est Bond. Social Impact Bond »

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Julien Damon : Professeur associé à Sciences Po.

Le Social Impact Bond (SIB) est une innovation sociale venue d’un autre monde. Celui de la finance privée. Il s’agit d’un nouvel instrument (on aime dire aujourd’hui un « véhicule ») financier, dédié aux politiques sociales. Depuis 2010, un peu partout dans le monde, les think tanks – et France Stratégie chez nous – s’intéressent à cette nouvelle perspective de financement de la protection et de l’action sociales.

Né au Royaume-Uni, cet outil s’insère dans le sillon de ce que le gouvernement, outre-Manche, entend soutenir : la Big Society. Plutôt que des politiques publiques seulement publiques, pourrait-on dire, l’ambition est de réformer l’action publique, dans le domaine social en particulier, afin de mieux associer les personnes directement concernées, le secteur public et les deux secteurs privés (lucratif et non lucratif).

Tout n’est pas totalement stabilisé en ce qui concerne ces SIB, à l’étranger non plus que dans le cas français, où ils commencent à être évoqués, avant peut-être d’être implantés. La langue française a du mal à les traduire. Doit-on parler de « titres à impact social », d’« investissements à impact social » ? Le nom se cherche encore.

Ces SIB et leurs promoteurs aspirent, en tout cas, à constituer une réponse à une question essentielle : comment rendre l’intervention sociale plus efficace et moins coûteuse ? Il ne s’agit pas d’une solution miracle, mais d’une option innovante fondée sur deux idées-forces. Tout d’abord, il est possible d’investir et de lever des fonds privés pour financer la prise en charge des sujets sociaux, même les plus compliqués (accueil des sans-abri, réinsertion des détenus, limitation de la récidive, prévention des grossesses adolescentes, lutte contre l’illettrisme, etc.). Ensuite, il est vraiment possible de mesurer l’efficacité de l’action entreprise. En un mot, la rentabilité d’une intervention sociale peut s’évaluer sur un double registre social et financier.

Concrètement, le secteur privé – ce peut être des investisseurs capitalistiques (Goldman Sachs fait partie des innovateurs en pointe) ou des fondations philanthropiques – est sollicité pour assumer un risque financier lié à la mise en œuvre d’un programme social. Si les objectifs assignés au préalable à ce programme ne sont pas atteints, l’investisseur perd sa mise. A l’inverse, si les visées attendues sont atteintes et dépassées, les pouvoirs publics remboursent l’investissement et paient même des intérêts qui font l’attrait d’une telle coopération. A la différence des partenariats public-privé (PPP), déjà largement présents dans ce secteur social (que l’on songe à la construction de nouveaux hôpitaux ou prisons), avec les SIB, les pouvoirs publics ne sont pas engagés dans un système locatif. S’ils ressemblent, dans leur philosophie à ces PPP, ils en diffèrent à plusieurs égards. Tout d’abord, ce n’est pas un couple, avec un commanditaire public et un opérateur privé. C’est plutôt un ménage à quatre, avec un opérateur (généralement associatif), un financeur, un donneur d’ordre (une autorité publique) et un évaluateur. Ensuite, si les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous, l’investisseur perd toute sa mise. Symétriquement, si les résultats sont bons, l’investisseur est rémunéré en fonction des économies qui ont pu être réalisées en passant par ce nouveau cadre contractuel, original pour les politiques sociales. Les PPP alimentent peut-être la performance publique, mais ils passent toujours par de la dépense publique. Les SIB, eux, veulent aussi nourrir l’efficacité et l’efficience en entraînant systématiquement une économie, soit par non-rémunération de l’investisseur qui n’aura pas réussi à faire atteindre les résultats, soit par des résultats qui autorisent précisément des économies par rapport aux autres formules, traditionnelles, de déploiement des programmes sociaux.

Les SIB – et, surtout, la logique qui les sous-tend – correspondent à de grands mouvements à l’œuvre en matière de protection sociale, avec l’introduction progressive, en France, des réflexions et stratégies dites d’investissement social. Ces SIB, qui peuvent soulever bien des débats – ils introduiraient, selon leurs détracteurs, le loup du privé dans la bergerie sociale –, se présentent comme de nouvelles possibilités pour améliorer les performances et la gouvernance du social. Pourquoi ne pas les expérimenter ?

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