Sans Fatiha qui fait ses courses, Suzanne ne mangerait plus de fruits frais. Sans Johanna qui l’aide à se préparer pour la nuit, Lucienne dormirait sans doute toute habillée. Et que ferait Monique si Philippe ne venait pas, chaque matin, faire sa toilette ? Sans Halima qui prend le temps de s’asseoir boire un café avec elle, Arlette traverserait les jours sans parler à personne… En 2010, Véronique Châtel et Serge Verglas avaient déjà publié Je vous trouve si belles, un livre de photos sur le personnel des EHPAD(1). Partant cette fois du constat que la profession d’auxiliaire de vie sociale (AVS) est « mal identifiée, pas du tout valorisée », ils ont voulu lui redonner la place qu’elle méritait. Pari réussi avec Je veux vieillir chez moi. Tel un reportage au long cours – les auteurs ont passé trois ans aux côtés des professionnels d’associations d’aide à domicile –, cet ouvrage montre l’importance des AVS. Même s’il est un « travailleur invisible » qui exerce au « chez soi » des autres, quand il arrive chez les personnes âgées aidées, Bertrand est, dit-il, « accueilli comme le soleil ». Sur le cliché pris sur le vif à l’arrivée de Fabienne, on comprend comme elle est attendue avec impatience par Antonio, 93 ans. « C’est cette reconnaissance qui participe à rendre le métier d’auxiliaire de vie attractif », écrit Véronique Châtel, qui a recueilli des dizaines de témoignages. Bien sûr, il y a aussi des aînés qui sont vexés, le jour où l’assistante sociale décrète qu’ils ne peuvent plus s’occuper seuls de leur conjoint ou qu’ils ont besoin d’aide pour entretenir leur maison… Mais les AVS savent faire en sorte que les bénéficiaires ne se sentent pas dépossédés. Sur chaque photo, prise aussi bien au domicile de ceux-ci que sur le trajet qu’effectuent les AVS ou encore à l’association qui les emploie, des moments singuliers, des gestes doux, de l’empathie. Véronique Châtel rappelle qu’il existe des nouvelles technologies qui aident au maintien à domicile des personnes vulnérables, mais elles ne remplaceront jamais « le sourire de Hafida, le regard de Bertrand, la poigne chaleureuse de Sylvie » ! Car « que vaut la vie quand elle ne permet plus d’échanges de regards, de sons, de touchers ? »
Cet ouvrage, dense, est complété de points de vue de spécialistes du grand âge comme Anne Dusuet, sociologue, ou Jacques Gaucher, psychologue, qui militent pour une meilleure reconnaissance du travail effectué par les AVS et une revalorisation de cette profession via la formation.
Je veux vieillir chez moi.
Reportage sur les auxiliaires de vie
Véronique Châtel et Serge Verglas – Ed. Scrineo/Les Carnets de l’info – 29,90 €