En discutant avec les CAF – qui sont chargées d’agréer les centres sociaux –, nous nous sommes aperçus que, bien qu’ayant le souci d’accompagner les centres, nous avions peu de données sur ce qu’ils faisaient concrètement. Tout ce qui s’invente au sein de ces équipements de proximité généralistes est invisible au plan national. Combien employaient-ils de salariés ? Quels types d’actions avaient-ils mis en place ? Avec quels objectifs ? Pour répondre à ces questions, et en nous appuyant sur le modèle existant en Rhône-Alpes où un observatoire commun entre les CAF et l’Union Rhône-Alpes des centres sociaux existait depuis près de 10 ans, nous avons créé, dès 2011, ce système d’échanges national des centres sociaux(1).
C’est d’abord une enquête en ligne à laquelle les responsables de centres sociaux sont invités à répondre. L’analyse de ces données permet de produire, depuis 2013, une étude nationale et un éclairage par région ayant participé. Sur le plan local, des comités de pilotage réunissant CAF et représentation fédérale locale des centres sociaux se réunissent pour coproduire les analyses. D’ici à 2017, tout le territoire sera concerné. Senacs – site Internet ouvert à tout le monde – rassemble aussi des fiches sur les actions menées par les centres sociaux. Un accès est réservé aux professionnels des centres et aux conseillers techniques des CAF, dans lequel ils trouvent des informations sur leur territoire. Cet espace vise à susciter l’échange et la rencontre entre acteurs de centres sociaux.
Pour les données 2013, 1 400 centres ont répondu – sur 2 100 –, dont ceux des grandes régions comme l’Ile-de-France ou le Nord-Pas-de-Calais, ce qui donne une photographie très parlante de la réalité des centres sociaux et permet d’en dresser le portrait type. Situés, à 82 %, en zone urbaine et pour les trois quarts sur un territoire concerné par la politique de la ville, leurs actions sont multiples : lutte contre l’exclusion (84 %), accès à la culture (93 %), actions d’intégration – 62 % proposent des actions d’apprentissage du français. Alors qu’ils sont peu reconnus comme des acteurs de la petite enfance, 82 % des centres gèrent des services d’accueil de jeunes enfants. Ils mènent tous des actions à destination des familles et 74 % perçoivent des financements au titre de l’accompagnement à la parentalité. Plus de 42 000 salariés travaillent dans ces centres, ce qui correspond à 20 000 ETP, car il y a de nombreux temps partiels. A leurs côtés, 65 000 bénévoles participent aux activités. En termes de développement local, tous revendiquent des partenariats avec les collectivités, les départements, les écoles. 14 000 associations y sont accueillies, soit en moyenne 11 par structure. La participation des habitants est réelle, puisque 91 % des centres ont une ou plusieurs instances les associant au pilotage de leurs projets.
Nous avons gagné en visibilité et en reconnaissance. Avec 780 actions répertoriées, nous prouvons que ces structures sont un vivier d’innovation sociale ! D’ailleurs, depuis que nous avons ces chiffres, les pouvoirs publics nous portent une attention différente. Quand on explique au ministère de la Ville que 600 centres sont implantés sur des territoires qui relèvent de la politique de la ville, ça change notre niveau de dialogue. Sur le plan local, l’analyse des chiffres permet d’identifier les besoins, les faiblesses, les nouvelles thématiques abordées par les centres. Après les événements de janvier, certains ont mené des actions visant à rassembler les habitants et à leur permettre d’échanger autour des valeurs comme l’égalité, le refus des discriminations, la bienveillance… Des initiatives vont probablement émerger après les attentats du 13 novembre. Nous sommes engagés, par le biais de notre projet fédéral 2014-2022, à développer toujours plus d’espaces de dialogue. Je pense personnellement au dialogue interreligieux : pourquoi ne pas, par exemple, accueillir des associations qui œuvrent pour l’échange entre les jeunes de différentes confessions ?
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