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Au moins deux centres pour jeunes « radicalisés » prévus pour 2016

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« Les financements sont prêts, le cadre juridique et le projet pédagogique en voie de finalisation », et le site devrait être choisi « d’ici la fin de l’année ». En défendant, au Parlement, le projet de loi qui prolonge de trois mois et renforce l’état d’urgence, définitivement adopté le 20 novembre, une semaine après les attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis, le Premier ministre a évoqué la création d’une structure destinée à accueillir des jeunes « radicalisés ».L’objectif,a-t-il indiqué, est de « sortir les individus de l’impasse mortifère dans laquelle ils se trouvent. Ce qui implique un suivi psycho-clinique, un travail individuel, avec nécessairement une grande vigilance quant à la motivation réelle du radicalisé ». Selon Manuel Valls, « cette première expérience, si elle réussit, pourra être généralisée à tout le territoire ».

Adhésion volontaire…

A qui ce dispositif sera-t-il destiné ? Ce projet était déjà sur les rails depuis plusieurs mois, Manuel Valls l’ayant déjà annoncé lors des rencontres internationales des magistrats antiterroristes, le 29 avril dernier, soit un an après le lancement du plan de lutte contre la radicalisation(1). Initialement, le projet proposé par le ministère de l’Intérieur visait « à prendre en charge, sur la base du volontariat, des jeunes de retour de zones de conflit et ne faisant pas l’objet de poursuites judiciaires », avait alors déclaré le Premier ministre. Presque abouti sur les plans juridique et pédagogique, le dispositif est cependant en train d’être réajusté au vu de la volonté du gouvernement de renforcer les actions de prévention et de lutte contre les filières djihadistes. Pas question que ce dispositif concerne les jeunes de retour de Syrie ou d’Irak, qui eux ont vocation à être incarcérés, a finalement affirmé le Premier ministre au Parlement.

« Aujourd’hui, nous ne sommes plus sur l’idée d’un, mais de plusieurs centres », indique le préfet Pierre N’Gahane, secrétaire général du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance (CIPD), chargé de piloter les actions de prévention de la radicalisation. Une première structure, « non fermée au sens administratif », qui pourrait accueillir les jeunes en internat par exemple, devrait en effet être consacrée aux personnes qui n’auraient pas encore quitté le territoire, tout en manifestant un comportement de radicalisation violente. Le ministère les appelle les « velléitaires ». Mais il n’est pas exclu qu’à terme, plusieurs établissements soient créés pour ces publics, pris en charge différemment selon qu’ils sont mineurs ou majeurs. Ces jeunes, ne relevant pas d’une mesure judiciaire, devront s’engager dans un suivi ayant pour objectif de les resocialiser, sur la base d’une adhésion volontaire. La prise en charge longue et intensive proposée dans ce type de centre reposerait, selon le secrétaire général du CIPD, sur « un suivi psychothérapeutique, un accompagnement à la citoyenneté, un accompagnement à la réinsertion sociale, dans l’objectif de ramener la personne dans la République »(2). De son côté, la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant) indique qu’elle fait partie des fédérations ayant planché sur un projet pédagogique, dans le cadre de la protection de l’enfance.

Pour identifier les profils correspondant à ce besoin de prise en charge, les services de l’Etat disposent déjà de plusieurs outils. En 2014, le ministère a mis en place un dispositif de signalement reposant sur une plateforme d’écoute et de conseil des familles (numéro vert 0 800 005 696), articulée avec des cellules départementales pilotées par les préfets, associant plusieurs partenaires selon les territoires (associations, collectivités locales, organismes d’insertion, maisons des adolescents, réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents…) et chargées du travail d’orientation et d’accompagnement. En appui intervient une « équipe mobile d’intervention » coordonnée par Dounia Bouzar, directrice du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam. Selon le ministère de l’Intérieur, à la fin octobre, 3 000 situations à risque ont été détectées par la plateforme, auxquelles s’ajoutent 4 000 autres cas repérés par les services de police. « On parle de 7 000 situations de radicalisation, avec des signaux plus ou moins forts », précise Pierre N’Gahane. Les cellules départementales prennent actuellement en charge 1 200 individus, et 630 famillessont suivies dans ce cadre(3).

… Ou injonction judiciaire

Reste un second type de structure désormais prévu par le gouvernement. Il devrait concerner les personnes ayant quitté le territoire sans être arrivées en zone de combat, pour lesquelles les faits reprochés, sans entraîner une incarcération, justifient une poursuite pénale. Sous injonction de la justice, elles seront placées dans un centre fermé. Pourront être notamment concernés « ceux qui sont partis et interceptés en Turquie, souligne Pierre N’Gahane, qui pourront être assignés à résidence ou placés dans ce centre, en alternative à l’incarcération ». Le parquet de Paris et les services de renseignement pourront permettre d’identifier ces profils. Il est prévu qu’un groupement d’intérêt public formé avec l’Etat et d’autres partenaires institutionnels porte le projet de ces structures. Elles pourraient s’appuyer sur des statuts d’établissement existants, mais « une évolution législative n’est pas exclue pour tenir compte de la spécificité des publics accueillis », ajoute Pierre N’Gahane.

L’ouverture des deux types d’établissements est prévue pour 2016, chacun devant accueillir environ 30 personnes. Côté financements, l’enveloppe initialement prévue « devrait être abondée » pour permettre l’émergence de ces projets.

Notes

(1) Voir ASH n° 2862 du 30-05-14, p. 39.

(2) « Le travail avec les familles », « le désengagement de la personne d’un processus de radicalisation », « la resocialisation et l’accompagnement », ainsi que « la coordination d’une approche globale de suivi des personnes radicalisées » étaient les quatre axes de travail d’une journée organisée le 12 novembre par le CIPD, réunissant associations, élus, institutions, services de l’Etat, et dont la restitution a été présentée aux ministres de la Justice, du Travail, de l’Education nationale, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, ainsi qu’à la secrétaire d’Etat chargée de la Famille.

(3) Un « Cahier pratique » réalisé par le Courrier des maires et des élus locaux, à l’initiative du CIPD et intitulé « Prévention de la radicalisation, des outils pour les maires », est disponible sur www.interieur.gouv.fr/SGCIPD/CIPD/.

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