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La réforme du droit d’asile

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Préparée avant l’aggravation de la crise migratoire, cette réforme a vu l’essentiel de ses dispositions entrer en application le 1er novembre. Ambition affichée : renforcer les droits des demandeurs d’une protection internationale tout en rendant le système d’asile français moins susceptible d’abus.

Préparée dans le cadre d’une concertation nationale menée, il y a 2 ans, par la sénatrice (UDI) Valérie Létard et le député (PS) Jean-Louis Touraine(1) afin de redonner vie à un système jugé à bout de souffle, la réforme de l’asile opérée par la loi du 29 juillet 2015 est, pour l’essentiel, entrée en vigueur le 1er novembre dernier après la parution de ses principaux textes d’application. Elle intervient dans un contexte de crise migratoire inédite, voyant les systèmes de l’asile européens soumis à une forte pression, et répond à la nécessité de transposer en droit français trois directives européennes : la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 – dite directive « procédures » – et la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 – dite directive « accueil »(2) –, qui impactent fortement à la fois les procédures juridiques et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, ainsi que la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 – dite directive « qualification » – qui pose des règles touchant à la reconnaissance et au contenu de la protection internationale(3).

Comme il l’explique dans l’exposé des motifs du projet de loi, le gouvernement a entendu « saisir cette occasion et utiliser à plein les facultés ouvertes »par ces directives pour réformer en profondeur le système français. Avec une ligne directrice : favoriser la diminution des délais à chaque stade de la procédure et dissuader les demandes abusives, sans remettre en cause la qualité de l’instruction et en préservant les droits des demandeurs d’asile.

L’objectif est de parvenir, à la fin de l’année 2016, à un délai moyen de 9 mois pour le traitement d’une demande d’asile alors qu’il s’établit aujourd’hui à près de 15 mois. Toute la chaîne de la demande d’asile est revue en ce sens, du premier accueil associatif jusqu’à l’issue de la procédure d’asile. Une nouvelle procédure accélérée – dans le cadre de laquelle la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) n’a que 5 semaines pour statuer à juge unique (contre 5 mois en procédure normale) – ainsi que de nouveaux outils pensés pour écarter plus facilement les demandes les moins fondées sont mis en place.

Parallèlement, la loi du 29 juillet 2015 accroît les droits des demandeurs. Elle leur permet notamment de bénéficier d’un conseil devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), systématise le recours suspensif devant la CNDA – même en procédure accélérée – et prévoit une meilleure prise en compte des vulnérabilités à tous les stades du parcours des intéressés.

Autre nouveauté de taille : le régime du droit au maintien sur le territoire est simplifié, rompant avec le dispositif précédent qui reposait sur une distinction entre les demandeurs d’asile provisoirement admis au séjour et ceux qui ne l’étaient pas. Ainsi, tous les demandeurs d’asile se voient dorénavant accorder un droit au maintien sur le territoire le temps de l’examen de leur demande d’asile. Un temps durant lequel ils bénéficient de conditions d’accueil conformes à ce qu’exige le droit de l’Union européenne (UE) (hébergement, allocation, droit au travail).

La nouvelle loi a également comblé des lacunes du droit français sur différents points comme la mise en œuvre du règlement européen dit « Dublin III » (procédure concernant les étrangers dont la demande d’asile dépend d’un autre Etat européen), la question du retrait de la protection (jusqu’alors réglée uniquement par la jurisprudence) ou bien encore le statut de l’apatridie.

Enfin, le texte a renforcé les droits des personnes auxquelles a été reconnue une protection internationale en matière d’accès aux droits, de réunification familiale et de documents de voyage.

I. l’Accès à la procédure et le droit au maintien sur le territoire

Un des objectifs de la réforme est de simplifier le parcours du demandeur d’asile et de lui permettre d’accéder le plus rapidement possible à la procédure. Pour ce faire, l’idée a été de créer un point unique d’enregistrement de sa demande et d’entrée dans la procédure d’asile, qu’il dispose ou non déjà d’un titre de séjour. La France se conforme ainsi aux nouvelles obligations européennes en matière d’enregistrement de la demande d’asile, à savoir l’enregistrement de la demande dans les 3 jours suivant sa présentation auprès de l’autorité administrative compétente. Dès cette étape, une demande d’asile peut être placée en procédure accélérée.

Parallèlement, la loi du 29 juillet 2015 simplifie le régime du droit au maintien sur le territoire. Conformément à la directive « procédures , elle confère à tous les demandeurs d’asile le droit au maintien sur le territoire le temps de déterminer si la France est bien responsable pour examiner sa demande d’asile et, si oui, de prendre une décision définitive. Ce droit est matérialisé par la remise à l’intéressé d’une attestation de demande d’asile, préalable obligatoire – le cas échéant – à la saisine de l’OFPRA.

Autre nouveauté, l’adaptation de la législation française au règlement européen dit « Dublin III », qui fixe les critères permettant de déterminer l’Etat responsable du traitement des demandeurs d’asile dans l’espace « Dublin »(4) et poursuit trois objectifs principaux : empêcher un demandeur d’asile de choisir son pays d’accueil, éviter des demandes d’asile multiples dans l’Union européenne, éviter de renvoyer un demandeur d’asile d’un pays à l’autre sans que sa demande ne soit jamais examinée.

Enfin, la loi met en conformité au droit européen les régimes juridiques applicables aux demandes d’asile présentées « à la frontière », d’une part, et à celles qui sont présentées en rétention, d’autre part.

A. L’enregistrement de la demande d’asile

Le législateur a réécrit un chapitre entier du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) pour décrire les modalités communes d’enregistrement des demandes d’asile à la préfecture, que la demande relève ou non de la compétence de la France et que les demandeurs aient été ou non admis au séjour à un autre titre que l’asile. L’idée étant de ne plus opérer de distinction selon le statut du demandeur, en séjour régulier ou non, de façon à créer un point d’entrée unique dans la procédure.

Jusqu’alors, en effet, les modalités d’enregistrement d’une demande d’asile en France dépendaient de la situation dans laquelle se trouvait l’étranger sollicitant le droit d’asile :

→ soit il était en situation régulière en France et souhaitait bénéficier de la reconnaissance de la qualité de réfugié. Dans ce cas, il n’avait pas à solliciter l’admission au séjour et devait seulement se présenter en préfecture pour y faire enregistrer sa demande d’asile ;

→ soit il se présentait en France pour solliciter l’asile, c’est-à-dire en étant démuni des documents normalement exigés pour pénétrer régulièrement sur le territoire. L’intéressé devait par conséquent demander à la préfecture une autorisation provisoire de séjour avant de pouvoir déposer une demande d’asile auprès de l’OFPRA.

Depuis le 1er novembre, le parcours du demandeur d’asile se décompose comme suit, qu’il ait été ou non admis au séjour : il doit d’abord se présenter auprès d’une association de pré-accueil, chargée de l’accompagner dans ses démarches. Puis se faire enregistrer auprès du guichet unique d’accueil des demandeurs d’asile dont il dépend – où sont réunis des agents des préfectures et des agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) – ou de la préfecture compétente. Dans un premier temps, un agent de la préfecture valide l’ensemble des informations transmises au guichet unique par l’organisme de pré-accueil. Il relève également les empreintes de l’étranger et procède à un entretien individuel en vue de déterminer le pays responsable de l’examen de sa demande d’asile. Dans un second temps, un agent de l’OFII effectue l’évaluation de sa situation personnelle. Dès lors que l’intéressé remplit les conditions, une attestation de demande d’asile lui est remise, l’autorisant à se maintenir sur le territoire.

A l’issue de cette première étape, si la demande d’asile est susceptible de relever de la responsabilité d’un autre pays, la procédure dite « Dublin III » est mise en œuvre (voir page 52 et encadré page 51). Si, en revanche, la demande d’asile relève de la responsabilité de la France, c’est l’OFPRA qui est compétent pour l’examiner, en procédure normale ou accélérée.

1. Un enregistrement au plus tard dans les 3 jours

Avant le passage du demandeur d’asile devant l’autorité administrative compétente, un premier accueil est réalisé par un prestataire externe, sélectionné dans le cadre d’une procédure de marché public (marché national avec lots régionaux passé par l’OFII). Cette structure de pré-accueil est chargée de renseigner en ligne le formulaire électronique d’enregistrement de la demande d’asile, de vérifier la complétude du dossier, de fournir des photos, de prendre rendez-vous avec l’autorité administrative pour le demandeur d’asile et de lui remettre une convocation (circulaire du 13 juillet 2015).

La loi impose ensuite au demandeur d’asile de se présenter « en personne » devant l’autorité administrative compétente, à charge pour cette dernière, d’une part, d’enregistrer la demande et, d’autre part, de procéder à la détermination de l’Etat responsable en application du règlement « Dublin III » (Ceseda, art. L. 741-1 modifié). La démarche est obligatoire avant toute saisine de l’OFPRA, que l’étranger soit entré régulièrement ou irrégulièrement en France, qu’il soit titulaire ou non d’un titre de séjour en cours de validité. Fait notable, elle n’est plus subordonnée à une condition préalable de domiciliation (5).

Conformément aux exigences de la directive « procédures », l’enregistrement doit avoir lieu au plus tard dans les 3 jours ouvrés suivant la présentation de la demande. Toutefois, ce délai peut être porté à 10 jours ouvrés lorsqu’un nombre élevéd’étrangers demandent l’asile simultanément (Ceseda, art. L. 741-1 modifié). Le délai commence à courir à compter de la première présentation devant les structures chargées du premier accueil (circulaire du 2 novembre 2015).

L’autorité administrative compétente pour procéder à cet enregistrement est en principe le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police. Mais le législateur a ouvert la possibilité au ministre de l’Intérieur de donner compétence à un préfet de département – et, à Paris, au préfet de police – pour exercer cette mission dans plusieurs départements (Ceseda, art. R. 741-1 modifié). Ce qu’il a fait viaun arrêté du 20 octobre 2015, dans lequel il dresse la liste des préfets compétents pour enregistrer les demandes d’asile et déterminer l’Etat responsable de leur traitement. Parmi les 34 préfets listés, certains couvrent des territoires qui vont au-delà de leur propre département. A titre d’exemple, à Marseille, la préfecture des Bouches-du-Rhône est également compétente pour les demandeurs d’asile des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes Alpes, de Haute-Corse, de Corse du Sud et du Vaucluse. Autre exemple : à Lille, la préfecture du Nord couvre également le Pas-de-Calais, à l’exception de l’arrondissement de Calais, seul territoire couvert par la préfecture du Pas-de-Calais (située à Calais). D’autres préfectures ne couvrent que leur seul département. C’est le cas de toutes celles qui sont situées en Ile-de-France.

Selon le ministère de l’Intérieur, les préfets de ces 34 sites devront, « au plus tard le 31 décembre 2015 », s’être organisés en « guichet unique d’accueil des demandeurs d’asile », réunissant sur un même lieu géographique les personnels dédiés aux activités d’enregistrement des primo-demandeurs (agents de préfecture), d’orientation et de prise en charge (agents de l’OFII) (circulaire du 13 juillet 2015).

2. Les formalités d’enregistrement

L’étranger qui n’est pas déjà titulaire d’un titre de séjour doit produire, en vue de l’enregistrement de sa demande d’asile (Ceseda, art. R. 741-3 nouveau) :

→ les indications relatives à son état civil et, le cas échéant, à celui de son conjoint, de son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou de son concubin et de ses enfants à charge ;

→ les documents – mentionnés dans l’arrêté prévu par l’article R. 211-1 du Ceseda(6) – justifiant qu’il est entré régulièrement en Franceou, à défaut, toutes indications portant sur les conditions de son entrée en France et ses itinéraires de voyage à partir de son pays d’origine ;

→ quatre photographies de face, tête nue, de format 3,5 cm2 4,5 cm, « récentes et parfaitement ressemblantes » ;

→ s’il est hébergé par ses propres moyens, l’indication de l’adresse où il est possible de lui faire parvenir toute correspondance pendant la durée de validité de l’attestation de demande d’asile.

Si, en revanche, l’étranger est déjà titulaire d’un titre de séjour délivré par les autorités françaises et en cours de validité, il ne doit fournir qu’un justificatif de domicile et les photographiesnécessaires à l’édition de l’attestation de demande d’asile (Ceseda, art. R. 741-3 nouveau).

Si le demandeur d’asile est âgé de 14 ans au moins, il est procédé au relevé des empreintes digitales de tous ses doigts, qui sont transmises à la base de données centrales via la cellule « Eurodac » du service de l’asile. Il est alors délivré à l’intéressé la brochure commune d’information (partie A) élaborée par la Commission européenne intitulée « information générale sur la demande d’asile et le relevé d’empreintes (catégorie 1) » (circulaire du 2 novembre 2015).

Dans l’hypothèse où le traitement de la demande d’asile est susceptible de relever de la responsabilité d’un autre Etat membre de l’UE, la préfecture procède à l’entretien du demandeur en vue de déterminer les conditions de son arrivée en France, l’itinéraire suivi depuis son pays d’origine et la possession éventuelle de liens familiaux dans un autre Etat membre afin, le cas échéant, de mettre en œuvre la procédure « Dublin » de transfert vers l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile (voir page 52 et encadré page 51). Lors de cet entretien, il est remis à l’intéressé la brochure d’information (partie B) « information pour les demandeurs d’asile sur la procédure Dublin » (circulaire du 2 novembre 2015).

Lors de ce premier contact avec le guichet unique, la personne se voit attribuer un numéro d’étranger et est enregistrée sur le fichier national des étrangers (circulaire du 2 novembre 2015).

(A noter) Si l’étranger n’a pas fourni l’ensemble des éléments requis ou lorsque ses empreintes relevées sont inexploitables, le préfet compétent doit enregistrer la demande sur la base des éléments dont il dispose et convoquer l’intéressé à une date ultérieure pour compléter l’enregistrement de sa demande ou pour procéder à un nouveau relevé de ses empreintes. L’attestation ne sera remise à l’intéressé qu’une fois l’ensemble des conditions réunies (Ceseda, art. R. 741-5 nouveau).

3. La délivrance de l’attestation de demande d’asile

Après qu’il a satisfait aux conditions d’enregistrement de la demande d’asile, l’intéressé se voit délivrer une première attestation de demande d’asile, d’une validité de 1 mois, qui sera ensuite renouvelée pour une durée variable selon les procédures (Ceseda, art. L. 741-1 modifié ; arrêté du 9 octobre 2015).

A Si l’examen de la demande relève de la France

Le nouvel article L. 743-1 du Ceseda prévoit que le demandeur d’asile dont l’examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l’OFPRA bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu’à la notification de la décision de l’office ou, si un recours a été formé, jusqu’à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile. Pour le rapporteur (LR) de la loi au Sénat, François-Noël Buffet, « cette généralisation du caractère suspensif du recours devant la CNDA consacre la déconnexion entre droit au séjour et procédure d’examen de la demande d’asile » (Rap. Sén. n° 425, Buffet, mai 2015, page 162).

Ce droit au maintien sur le territoire français est ainsi matérialisé par l’attestation de demande d’asile délivrée à l’étranger dès lors que sa demande d’asile a été introduite auprès de l’OFPRA. Cette attestation, insiste le législateur, « vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu’à ce que l’office et, le cas échéant, la cour statuent » (Ceseda, art. L. 743-1 nouveau).

1) L’attestation, préalable obligatoire à la saisine de l’OFPRA

L’attestation de demande d’asile donne à l’intéressé le droit de se maintenir sur le territoire, mais pas de circuler librement dans les autres Etats membres de l’Union européenne (Ceseda, art. R. 741-4 nouveau). Lorsqu’une demande est déposée au nom d’un mineur, isolé ou accompagné, une attestation est éditée au nom de ce dernier (Ceseda, art. R. 741-3 nouveau).

L’OFPRA ne peut être saisi d’une demande d’asile que si celle-ci a été préalablement enregistrée et si l’attestation de demande d’asile a été remise à l’intéressée (Ceseda, art. L. 741-2 modifié).

Concrètement, l’étranger doit être mis en mesure d’introduire sa demande auprès de l’office. La préfecture doit donc immédiatement informer l’OFPRA de l’enregistrement de la demande et de la remise de l’attestation de demande d’asile (Ceseda, art. L. 741-2 modifié).

En plus de l’attestation et de l’imprimé que le demandeur d’asile doit remplir pour introduire sa demande auprès de l’office (voir ci-dessous), il lui est également remis un document d’information sur la procédure de demande d’asile, sur ses droits et sur les obligations qu’il doit respecter au cours de la procédure, sur les conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et sur les moyens dont il dispose pour l’aider à introduire sa demande auprès de l’OFPRA. Ce document l’informe aussi sur ses droits et sur les obligations au regard des conditions d’accueil, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance aux demandeurs d’asile. Cette information doit se faire dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend (Ceseda, art. R. 741-4 nouveau).

2) Les cas de refus d’attestation

La délivrance de l’attestation ne peut être refusée au motif que l’étranger est démuni des documents et visas requis pour entrer régulièrement sur le territoire français (ce qui est le cas de la très grande majorité des demandeurs d’asile) (Ceseda, art. L. 741-1 modifié). L’attestation ne peut être refusée dès le début de la procédure que dans deux cas (Ceseda, art. L. 741-1 modifié) :

→ si l’étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d’une première demande de réexamen ;

→ si l’étranger fait l’objet d’une décision définitive d’extradition vers un Etat autre que son pays d’origine ou d’une décision de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen ou d’une demande de remise par une cour pénale internationale.

Le cas échéant, la décision de refus de délivrance de l’attestation est susceptible d’un recours devant la juridiction administrative, dans les conditions du droit commun. Dans ces deux hypothèses, malgré l’absence d’attestation, l’intéressé peut quand même se voir remettre le formulaire de demande d’asile auprès de l’OFPRA (lequel est informé de la décision de refus de délivrance de l’attestation), mais l’introduction de la demande auprès de l’office « n’empêche en aucune manière » le prononcé d’une obligation de quitter le territoire français dans les conditions habituelles, après qu’il a été vérifié que l’éloignement de l’étranger ne contrevient ni à l’article 33 de la convention de Genève, ni à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (circulaire du 2 novembre 2015).

(A noter) L’attestation de demande d’asile n’est pas délivrée aux étrangers qui demandent l’asile à la frontière ou en rétention, dont la situation est régie par d’autres règles (voir page 52) (Ceseda, art. L. 741-1 modifié).

3) 21 jours pour déposer une demande d’asile complète

A compter de la remise de l’attestation de demande d’asile, l’étranger dispose d’un délai de 21 jours pour introduire sa demande d’asile complète auprès de l’OFPRA (Ceseda, art. R. 723-1, modifié). La demande doit être rédigée en français sur un imprimé établi par l’office. L’imprimé doit être signé et accompagné de deux photographies d’identité récentes, de la copie de l’attestation de demande d’asile et, le cas échéant, du document de voyage et de la copie du titre de séjour en cours de validité (Ceseda, art. R. 723-1, modifié).

Si la demande complète est introduite dans les temps, l’office accuse réception de la demande « sans délai » et informe par lettre le demandeur du caractère complet du dossier. Il en informe également le préfet compétent et le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ceseda, art. R. 723-1, modifié).

En revanche, si la demande n’est pas complète, l’OFPRA demande à l’intéressé de la compléter. Le demandeur dispose à cette fin d’un délai supplémentaire de 8 jours (Ceseda, art. R. 723-1, modifié).

4) Le renouvellement de l’attestation

La durée initiale de la première attestation d’asile remise à l’intéressé est de 1 mois. Elle est renouvelée pendant toute la durée de l’instruction de la demande jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA ou, en cas de recours devant la CNDA, jusqu’à la notification de sa décision (Ceseda, art. L. 741-1 modifié ; arrêté du 9 octobre 2015).

Les conditions du premier renouvellement

Le renouvellement de l’attestation délivrée lors du premier passage en guichet unique s’effectue auprès de la préfecture du lieu de résidence ou de domiciliation du demandeur (arrêté du 20 octobre 2015).

Ce dernier doit présenter à l’appui de sa demande de renouvellement :

→ la lettre par laquelle l’OFPRA, à la suite de l’introduction de sa demande d’asile, a informé l’intéressé du caractère complet de son dossier (Ceseda, art. R. 743-1 modifié) ;

→ « deux photographies de face, tête nue, de format 3,5 cm × 4,5 cm, récentes et parfaitement ressemblantes » (Ceseda, art. R. 743-2 modifié) ;

→ « la justification du lieu où il a sa résidence » ou s’il ne dispose ni d’un hébergement, ni d’un domicile stable, l’indication de l’adresse de la personne morale conventionnée auprès de laquelle il a élu domicile (Ceseda, art. R. 743-2 modifié).

Si l’examen de la demande d’asile est placé en procédure normale, l’attestation est renouvelée pour une durée de 9 mois. S’il est placé en procédure accélérée, le document est renouvelé pour une durée de 6 mois (arrêté du 9 octobre 2015).

Les conditions des renouvellements ultérieurs

A chaque renouvellement d’attestation, le demandeur doit présenter la justification de son lieu de résidence (circulaire du 2 novembre 2015).

La préfecture doit vérifier l’état d’avancement de la procédure d’examen de la demande. Elle doit, en particulier, s’assurer qu’elle est toujours en cours d’instruction devant l’OFPRA ou, en cas de recours, devant la CNDA (circulaire du 2 novembre 2015).

Si la demande a été rejetée par l’OFPRA, l’attestation est renouvelée sur présentation de l’avis de réception du recours devant la CNDA (Ceseda, art. R. 743-1 modifié). Toutefois, si la décision de rejet de l’OFPRA a été notifiée mais que le demandeur se trouve toujours dans le délai de recours d’un mois, l’attestation est renouvelée (circulaire du 2 novembre 2015).

Si l’examen de la demande d’asile est effectué en procédure normale, l’attestation est renouvelée par périodes de 6 mois jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA ou, en cas de recours, de la CNDA. S’il est effectué en procédure accélérée, l’attestation est renouvelée par périodes de 3 mois jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA ou, en cas de recours, de la CNDA (arrêté du 9 octobre 2015).

Les cas de retrait ou de refus de renouvellement en cours de procédure

Dans certains cas et après un examen individuel, l’attestation peut être retirée ou ne pas être renouvelée lorsque (Ceseda, art. L. 743-2 nouveau) :

→ l’OFPRA a pris une décision d’irrecevabilité de la demande d’asile ;

→ le demandeur a retiré sa demande d’asile ou celle-ci a fait l’objet d’une décision de clôture de l’OFPRA, étant précisé que si l’étranger obtient par la suite la réouverture de son dossier, il bénéficiera à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ;

→ l’étranger n’a introduit une première demande de réexamen – déclarée irrecevable par l’office – qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement ;

→ l’intéressé a présenté une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d’une première demande de réexamen ;

→ l’étranger fait l’objet d’une décision définitive d’extradition vers un Etat autre que son pays d’origine ou d’une décision de remise sur le fondement d’un mandat européen ou d’une demande de remise par une cour pénale internationale.

Dans toutes ces situations, le droit au maintien sur le territoire cesse et une décision de refus d’attestation peut être prise, éventuellement assortie d’une obligation de quitter le territoire français. Le cas échéant, l’intéressé disposera d’un recours – suspensif – devant le tribunal administratif contre la mesure d’éloignement elle-même (circulaire du 2 novembre 2015).

A l’issue de la procédure d’examen de la demande d’asile

L’attestation est retirée ou n’est plus renouvelée lorsqu’une décision définitive de rejet de la demande d’asile est prise par l’OFPRA ou, en cas de recours, par la CNDA, et que cette décision est notifiée à l’intéressé. Dans ce cas, et sauf si au terme d’un examen individuel l’intéressé peut être autorisé à se maintenir en France à un autre titre ou s’il rentre dans les catégories visées à l’article L . 511-4 du Ceseda(7), il fera l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (Ceseda, art. L. 743-3 nouveau). Le ministère de l’Intérieur demande aux préfets de veiller, le cas échéant, à ce que cette décision, qui abroge l’attestation préalablement délivrée, soit prise dans les plus brefs délais après la décision définitive de l’OFPRA et de la CNDA, et sans attendre la date d’échéance de l’attestation de demande d’asile (circulaire du 2 novembre 2015).

(A noter) La notification de la décision de l’OFPRA et, le cas échéant, de la CNDA qui figure dans le système d’information de l’office et est communiquée au préfet fait foi jusqu’à preuve du contraire (Ceseda, art. R. 723-19 nouveau). Les préfets peuvent donc se fonder sur cette notification électronique pour prendre une mesure d’éloignement.

Dans l’hypothèse où l’étranger faisait déjà l’objet d’une mesure d’éloignement avant la présentation de sa demande, cette mesure n’est pas abrogée par la délivrance d’une attestation de demande d’asile. Son exécution est simplement suspendue. La mesure peut produire à nouveau ses effets et donc être mise à exécution dès la notification de la décision de rejet définitive, d’irrecevabilité ou de clôture de l’OFPRA, ou bien encore, en cas de recours contre la décision de rejet, jusqu’à notification de la décision de la CNDA (Ceseda, art. L. 743-4 nouveau). Il n’est donc pas utile pour le préfet, dans un tel contexte, de reprendre une décision d’éloignement, l’obligation de quitter le territoire français déjà prononcée pouvant être mise à exécution (circulaire du 2 novembre 2015).

Autre hypothèse envisagée par le législateur : si l’intéressé a déposé une demande de titre de séjour après le rejet définitif de sa demande d’asile – demande de titre à un autre titre que l’asile, donc –, celle-ci doit être traitée dans le délai d’un mois (Ceseda, art. R. 743-5 nouveau). Pour le ministère de l’Intérieur, « il est essentiel que ce délai soit respecté et qu’une mesure d’éloignement soit rapidement prise en cas de refus d’admission au séjour » (circulaire du 2 novembre 2015).

B Si l’examen de la demande relève d’un autre pays européen

1) Une attestation renouvelable tous les 4 mois

Si la préfecture estime que l’examen d’une demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat – compétence qu’elle entend requérir –, elle doit remettre à l’intéressé une attestation de demande d’asile mentionnant la procédure dont il fait l’objet. La durée initiale de cette attestation est de 1 mois. Elle est renouvelable tous les 4 mois jusqu’au transfert de l’intéressé vers l’Etat membre responsable de sa demande d’asile (Ceseda, art. L. 742-1 modifié ; arrêté du 9 octobre 2015).

Le renouvellement de l’attestation se fait sur présentation de l’intéressé au guichet de sa préfecture de résidence. « La non-présentation du demandeur doit être un indice de fuite dans le cadre de la procédure de détermination de l’Etat membre responsable » (circulaire du 2 novembre 2015).

L’attestation peut être retirée ou ne pas être renouvelée si l’étranger « se soustrait de manière intentionnelle et systématique aux convocations ou contrôles de l’autorité administrative en vue de faire échec à l’exécution d’une décision de transfert » (Ceseda, art. R. 742-3 modifié).

Précision importante : la France conserve la possibilité d’accorder l’asile à toute personne qui relève de la responsabilité d’un autre Etat au titre de la clause de souveraineté prévue par le règlement « Dublin III » (Ceseda, art. L. 742-1 modifié).

2) La possibilité d’assigner à résidence le demandeur

La loi du 29 juillet 2015 permet l’assignation à résidence du demandeur d’asile « aux fins de mise en œuvre de la procédure de détermination de l’Etat responsable ». Une telle décision doit toutefois être motivée. De plus, elle ne peut être prise que pour une durée maximale de 6 mois et renouvelée une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée (Ceseda, art. L. 742-2 modifié).

Il s’ensuit que la préfecture est tenue de déterminer l’Etat membre potentiellement responsable de la demande d’asile dans un délai inférieur à 12 mois. Le demandeur assigné à résidence doit se présenter aux convocations de la préfecture, répondre aux demandes d’informations et se rendre aux entretiens prévus dans le cadre de la détermination de l’Etat responsable de sa demande d’asile. L’autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l’étranger assigné à résidence est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu’il fixe dans la limite d’une présentation par jour, en précisant si cette obligation s’applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (Ceseda, art. R. 742-4 nouveau).

La préfecture peut également prescrire à l’étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité (Ceseda, art. L. 742-2 modifié).

B. Les procédures d’asile particulières

Les régimes juridiques applicables aux demandes d’asile présentées à la frontière ainsi que celles qui sont présentées en rétention sont consolidées dans la loi du 29 juillet 2015, pour être mises en pleine conformité avec les directives européennes « accueil » et « procédures » du 26 juin 2013 et les exigences découlant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et de la Cour de justice de l’Union européenne. Ces nouveautés s’appliquent aux demandes d’asile présentées à compter du 1er novembre 2015.

1. Les demandes d’asile à la frontière

La loi du 29 juillet 2015 a consolidé, au sein du Ceseda, le régime de l’asile à la frontière, cette procédure particulière qui a pour objet d’autoriser ou non à pénétrer sur le territoire français les étrangers qui se présentent aux frontières aéroportuaire, ferroviaire ou maritime démunis des documents requis et sollicitent d’y être admis au titre de l’asile. Tout en maintenant la spécificité de cette procédure, le législateur a procédé à des ajustements. Il a consacré en particulier la place de l’OFPRA dans la procédure et précisé les motifs de refus d’entrée sur le territoire. Il a également entendu mieux prendre en compte la vulnérabilité du demandeur.

A Le maintien d’une procédure spécifique d’asile à la frontière

Créée en 1982, la procédure de l’asile à la frontière donne compétence au ministre chargé de l’immigration pour décider ou non d’admettre sur le territoire l’étranger qui sollicite l’asile à la frontière, après consultation de l’OFPRA qui procède à l’audition de l’étranger.

La loi du 29 juillet 2015 a consacré la place de l’office dans la procédure en indiquant que, « sauf dans le cas où l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat, la décision de refus d’entrée ne peut être prise qu’après consultation de l’OFPRA » (Ceseda, art. L. 213-8-1 nouveau).

L’étranger est entendu par l’office dans le cadre d’un entretien personnel (Ceseda, art. R. 213-4 nouveau), comme tout demandeur d’asile(8). Cet entretien susceptible de faire l’objet d’un enregistrement sonore, auquel il pourra demander à accéder, le cas échéant, après la notification d’une décision de refus d’entrée(9). Toutefois, en cas de besoin et à titre dérogatoire, l’entretien peut ne pas faire l’objet d’un enregistrement. Sa transcription fait alors l’objet d’un recueil de commentaires. Le refus de l’étranger de confirmer que le contenu de la transcription reflète correctement l’entretien personnel n’empêche pas l’OFPRA de rendre son avis sur la demande d’asile, avis qui doit alors consigner les motifs du refus (Ceseda, art. R. 213-4 nouveau).

La loi impose à l’office de tenir compte, dans son avis, de la vulnérabilité du demandeur d’asile. Il autorise par ailleurs l’avocat ou le représentant associatif – qui peut dorénavant épauler les demandeurs d’asile lors de leur entretien personnel –, désigné par l’étranger, à pénétrer dans la zone d’attente pour l’accompagner à son entretien (Ceseda, art. L. 213-8-1 nouveau).

En tout état de cause, l’OFPRA transmet son avis au ministre chargé de l’immigration dans le délai de 2 jours ouvrés à compter de la demande à bénéficier de l’asile consignée par procès-verbal (Ceseda, art. R. 213-5 nouveau).

La compétence du ministre chargé de l’immigration est maintenue mais elle est, dorénavant, liée en cas d’avis favorable de l’office (Ceseda, art. L. 213-8-1 nouveau). Autrement dit, si l’avis est favorable, le ministre doit admettre l’étranger sur le territoire. Une seule exception : le ministre peut passer outre cet avis si l’accès de l’étranger au territoire français constitue une menace « grave » pour l’ordre public (Ceseda, art. L. 213-8-1 nouveau). Selon les informations recueillies par le rapporteur du projet de loi au Sénat, il ne s’agit que de la codification de la pratique actuelle. Cette disposition est par ailleurs conforme à l’article 4 § 2, b de la directive européenne « procédures », qui autorise les Etats membres à confier à une autorité différente de celle en charge de la détermination de l’asile la décision d’admission sur le territoire à condition qu’elle se fonde sur « l’avis motivé de l’autorité responsable de la détermination ».

Si l’étranger, au final, est autorisé à entrer en France au titre de l’asile, il est alors muni sans délai d’un visa de régularisation de 8 jours. A charge pour la préfecture – s’il le lui demande – de lui délivrer, dans ce délai, une attestation de demande d’asile lui permettant d’introduire sa demande auprès de l’office (Ceseda, art. L. 213-8-1 nouveau).

B L’élargissement des conditions de refus d’entrée sur le territoire

Le législateur a maintenu le principe, tiré de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon lequel une demande d’entrée au titre de l’asile de la part d’un étranger se présentant à la frontière ne peut être refusée que si elle est manifestement infondée. La nouveauté, c’est qu’il donne, pour la première fois, une définition de cette notion. Est ainsi manifestement infondée « une demande qui, au regard des déclarations faites par l’étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d’octroi de l’asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d’atteintes graves » (Ceseda, art. L. 213-8-1 nouveau).

La demande d’admission au titre de l’asile peut également être refusée pour trois autres motifs :

→ sans changement, si la présence de l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public ou s’il fait l’objet soit d’une peine d’interdiction judiciaire du territoire, soit d’un arrêté d’expulsion, soit d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de 3 ans auparavant, soit d’une interdiction de retour sur le territoire français, soit d’une interdiction administrative du territoire (Ceseda, art. L. 213-1 inchangé) ;

→ si la demande d’asile est irrecevable (Ceseda, art. L. 213-8-1 nouveau) ;

dans le cas d’application du règlement « Dublin III », c’est-à-dire si l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat (Ceseda, art. L. 213-8-1 nouveau). Dans ce cas, l’autorité administrative compétente pour procéder à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile et prendre la décision de transfert vers cet Etat est le ministre chargé de l’immigration. Et la décision de refuser l’entrée en France au titre de l’asile n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision de transfert (Ceseda, art. R. 213-8, nouveau).

Autre nouvelle règle introduite dans le Ceseda : l’étranger doit être informé dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend, du caractère positif ou négatif de la décision prise par le ministre chargé de l’immigration. De plus, lorsque ce dernier prend une décision de refus d’entrée au titre de l’asile, l’OFPRA doit transmettre sous pli fermé à l’étranger une copie de la transcription de son entretien personnel. « Cette transmission est faite au plus tard en même temps que la notification de la décision du ministre » (Ceseda, art. R. 213-6, nouveau).

C L’accroissement des garanties offertes en zone d’attente

Le législateur a réécrit l’article L. 221-1 du Ceseda pour distinguer deux catégories d’étrangers arrivés à la frontière et pouvant être maintenus en zone d’attente (Ceseda, art. L. 221-1 modifié) :

→ d’une part, l’étranger arrivé en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et auquel l’entrée sur le territoire a été refusée, et qui, indique la loi, « peut être maintenu dans une zone d’attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international[10], dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ » ; d’autre part, l’étranger qui demande à entrer en France au titre de l’asile, placé en zone d’attente « le temps strictement nécessaire pour vérifier si l’examen de sa demande relève de la compétence d’un autre Etat […], si sa demande n’est pas irrecevable ou si elle n’est pas manifestement infondée ».

Cela étant posé, la loi du 29 juillet 2015 a introduit de nouvelles garanties au bénéfice des demandeurs d’asile en situation de vulnérabilité. Elle prévoit ainsi qu’il est mis fin au maintien d’un demandeur d’asile en zone d’attente si l’OFPRA, dans le cadre de l’examen tendant à déterminer si la demande d’asile n’est pas irrecevable ou manifestement infondée, considère que l’intéressé, notamment en raison de sa minoritéou du fait qu’il a été victime de torture, de viol ou d’une autre forme grave de violence psychologique, physique ou sexuelle, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec le maintien en zone d’attente.

Un décret a précisé les modalités de prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile « à la frontière ». Il prévoit ainsi que toute personne intervenant en zone d’attente peut signaler au responsable de la zone ou à son représentant la situation de vulnérabilité d’un demandeur d’asile qu’elle aurait constatée, ou dont le demandeur d’asile aurait fait état. Il revient alors audit responsable de déterminer, le cas échéant, les modalités particulières de maintien en zone d’attente tenant compte de la situation de vulnérabilité du demandeur. Les informations attestant d’une situation particulière de vulnérabilité sont parallèlement communiquées oralement ou par écrit, après accord du demandeur d’asile, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ceseda, art. R. 213-3 modifié).

Lorsque, à la suite de l’entretien personnel avec le demandeur, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides considère que l’étranger nécessite effectivement des garanties procédurales particulières incompatibles avec le maintien en zone d’attente, il doit alors transmettre, sans délai, sa décision à l’autorité qui a procédé au maintien en zone d’attente ainsi qu’au ministre chargé de l’immigration. Il est alors mis fin à ce maintien. Et un visa de régularisation de 8 jours est alors remis à l’étranger par le responsable de la zone d’attente ou son représentant (Ceseda, art. L. 221-1 modifié et R. 213-7 nouveau).

Autre nouveauté : un mineur non accompagné ne peut être maintenu en zone d’attente que de manière exceptionnelle et seulement dans l’une des hypothèses suivantes (Ceseda, art. L. 221-1 modifié) :

→ s’il provient d’un pays d’origine sûr ;

→ s’il a déposé une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable ;

→ s’il a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;

→ ou si sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat.

D Un recours effectif contre les décisions de transfert vers un autre Etat membre

La loi du 29 juillet 2015 a institué, conformément au règlement « Dublin III », un recours effectif contre les décisions de transfert vers un autre Etat membre prises à la frontière par le ministre chargé de l’immigration devant le juge administratif de droit commun (Ceseda, art. L. 213-9 modifié).

A l’instar de tout étranger ayant fait l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile, l’étranger qui a fait l’objet d’une décision de transfert vers un autre Etat membre peut désormais, dans les 48 heures suivant la notification de la décision, en demander l’annulation au président du tribunal administratif. Ce délai n’est susceptible d’aucune prorogation (code de justice administrative [CJA], art. R. 777-1-1 nouveau). Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision (Ceseda, art. L. 213-9 modifié).

Si l’intéressé est maintenu dans une zone d’attente en dehors de la région d’Ile-de-France, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve cette zone d’attente (CJA, art. R. 777-1-2 nouveau). Le juge administratif statue dans un délai de 72 heures à compter de sa saisine (CJA, art. R. 777-1-5 nouveau). Une fois la décision rendue, le délai d’appel est de 15 jours à compter de la notification du jugement (CJA, art. R. 777-1-6 nouveau).

(A noter) Sur le plan procédural, le législateur a supprimé l’exigence de « requête motivée » et, en conséquence, la possibilité pour le juge de rejeter par ordonnance une requête « manifestement mal fondée ». « Ce faisant, il met fin aux difficultés rencontrées par des requérants placés en zone d’attente, donc privés de liberté, parfois non francophones ou illettrés, voire analphabètes, de rédiger un recours non seulement dans un délai extrêmement bref, mais au surplus motivé », a expliqué la rapporteure (PS) du projet de loi à l’Assemblée nationale, Sandrine Mazetier (Rap. A.N. n° 2883, Mazetier, juin 2015, page 61). Le juge peut, en revanche, rejeter les recours « entachés d’une irrecevabilité manifeste non susceptible d’être couverte en cours d’instance » (Ceseda, art. L. 213-9 modifié).

2. Les demandes d’asile en rétention

A Un examen possible au-delà de 5 jours

Sans changement, l’étranger placé en rétention reçoit, à son arrivée au centre de rétention, notification des droits qu’il est susceptible d’exercer en matière de demande d’asile. A cette fin, prévoit la loi du 29 juillet 2015, il peut dorénavant « bénéficier d’une assistance juridique et linguistique » (Ceseda, art. L. 551-3 modifié).

L’assistance juridique est apportée par les personnes morales présentes en centre de rétention ayant pour mission d’aider les étrangers à exercer leurs droits (Ceseda, art. R. 556-5 nouveau).

S’agissant de l’assistance linguistique, l’administration doit mettre un interprète à la disposition des étrangers maintenus en centre ou en local de rétention administrative qui ne comprennent pas le français dans le seul cadre des procédures de non-admission ou d’éloignement dont ils font l’objet et des demandes d’asile. Dans les autres cas, la rétribution du prestataire est à la charge de l’étranger (Ceseda, art. R. 553-11 nouveau). Lorsque l’assistance d’un interprète se fait par téléphone ou par un autre moyen de télécommunication, le nom et les coordonnées de l’interprète, ainsi que la langue utilisée, sont mentionnés par procès-verbal, dont une copie est remise à l’étranger (Ceseda, art. R. 553-11 nouveau).

Une demande d’asile formulée plus de 5 jours après cette notification reste considérée comme irrecevable. La nouvelle loi n’a sur ce point rien changé. En effet, « cette disposition est essentielle pour éviter des demandes d’asile tardives présentées en cours ou en fin de rétention pour faire échec à une mesure d’éloignement », explique le gouvernement dans l’étude d’impact du texte. Il est toutefois dorénavant inscrit noir sur blanc que cette irrecevabilité n’est pas opposable à l’étranger qui invoque, au soutien de sa demande, des faits survenus après l’expiration du délai de 5 jours (Ceseda, art. L. 551-3 modifié).

Ces nouveautés ont été introduites pour tenir compte des réserves d’interprétation du Conseil d’Etat à propos de la conformité de l’article L. 551-3 du Ceseda à la directive « procédures ». Celle-ci prévoit en effet que « les Etats membres veillent à ce que l’examen d’une demande de protection internationale ne soit ni refusé ni exclu au seul motif que la demande n’a pas été présentée dans les plus brefs délais », le seul effet d’une demande tardive devant être l’examen de la demande en procédure accélérée. Saisi de la conformité de l’article L. 551-3 à la directive, le Conseil d’Etat avait estimé que, « compte tenu de la gravité particulière des effets qui s’attachent, pour des étrangers retenus, au refus d’enregistrement de leur demande d’asile et afin de garantir le respect des exigences découlant […] de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales », une demande peut être considérée comme recevable au-delà du délai de 5 jours dans certains cas particuliers(11). Et les sages de citer deux hypothèses :

→ celle d’une personne placée en rétention invoquant, au soutien de sa demande, des faits survenus postérieurement à l’expiration du délai de 5 jours ;

→ celle de l’étranger retenu ne pouvant être regardé comme ayant utilement présenté une demande d’asile faute d’avoir bénéficié d’une assistance juridique et linguistique effective.

Dans sa circulaire du 2 novembre 2015, le ministère de l’Intérieur insiste auprès des préfets pour qu’ils veillent à ce que l’étranger soit informé dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend, dès son arrivée au centre de rétention, de son droit à demander l’asile et du délai de 5 jours durant lequel cette demande doit être formulée. « A défaut d’une telle information […], le délai de cinq jours ne saurait courir. » Cette information doit en outre être « précise et complète ».

Si l’étranger exprime le souhait de demander l’asile, il doit lui être remis sans délai le formulaire de demande d’asile ainsi qu’une information sur la procédure de demande d’asile, les moyens dont il dispose pour l’aider à présenter sa demande, ses droits et obligations ainsi que les conséquences que pourrait avoir le non-respect de ces obligations ou le refus de coopérer avec les autorités (Ceseda, art. R. 556-1 nouveau).

La préfecture doit notamment lui rappeler que la formulation de la demande d’asile s’entend de la remise effective du formulaire de demande d’asile à l’OFPRA – rempli par l’intéressé et accompagné de deux photographies d’identité récentes ainsi que, le cas échéant, du document de voyage –, sous pli fermé au chef de centre (ou responsable du local de rétention) ou à son adjoint ou bien encore au responsable de la gestion des dossiers administratifs (Ceseda, art. R. 556-2 nouveau).

Dès cette remise, la date et l’heure de celle-ci sont mentionnées sur le registre de rétention et l’autorité dépositaire de la demande en informe sans délai le préfet qui a ordonné le placement en rétention afin que celui-ci statue sur le maintien en rétention (Ceseda, art. R. 556-5 nouveau).

B L’éloignement suspendu le temps de la procédure

La mesure d’éloignement affectant le demandeur d’asile en rétention ne peut en principe être mise à exécution avant que l’OFPRA ait rendu sa décision sur la demande d’asile ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ait statué. Deux exceptions sont toutefois prévues (Ceseda, art. L. 556-1 modifié) :

→ si la demande présentée par l’étranger constitue une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d’une première demande de réexamen ;

→ si l’étranger n’a introduit une première demande de réexamen – jugé irrecevable par l’OFPRA – qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement.

C La suppression du caractère automatique du maintien en rétention

La nouvelle loi supprime le caractère automatique du maintien en rétention du demandeur d’asile et du classement en procédure accélérée de l’examen de sa demande, qui ont été condamnés par la Cour de justice de l’Union européenne et par la Cour européenne des droits de l’Homme. Ainsi, un demandeur d’asile ne peut plus être maintenu en rétention et sa demande d’asile placée en procédure accélérée que si l’autorité administrative estime, « sur le fondement de critères objectifs », que cette requête a été présentée « dans le seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement » (Ceseda, art. L. 556-1 modifié).

1) Examen par le préfet de la nécessité du maintien en rétention

L’autorité préfectorale doit dans les meilleurs délais procéder à un examen individuel de situation pour apprécier de manière objective si la demande d’asile peut être ou non considérée comme dilatoire, explique le ministère de l’Intérieur. « Il s’agira en particulier de déterminer si le demandeur d’asile a été mis en mesure, préalablement à son placement en rétention, de déposer une demande d’asile. En aucune manière, il ne pourra être tenu compte des motifs intrinsèques de la demande dont l’appréciation relève exclusivement de l’OFPRA » (circulaire du 2 novembre 2015).

Les préfets peuvent se fonder, par exemple, sur les éléments suivants (circulaire du 2 novembre 2015) :

→ la date d’entrée en France de l’étranger, la durée et les conditions de son séjour sur le territoire ainsi que l’absence de démarches de l’intéressé en matière d’asile avant toute mesure d’éloignement et de rétention ;

→ les démarches éventuelles de l’intéressé en vue de son admission au séjour autre qu’au titre de l’asile (motif médical, vie privée et familiale, régularisation au titre du travail…) ;

→ les déclarations de l’intéressé lors de son audition à la suite de son interpellation (dans le cadre d’une garde à vue ou d’une retenue pour vérification du droit au séjour) quant à l’absence de menaces graves dans le cas d’un retour dans son pays d’origine ;

→ la circonstance que l’étranger a déjà fait l’objet d’une ou de plusieurs mesures d’éloignement auxquelles il n’a pas déféré ;

→ pour les personnes détenues, puis placées en centre de rétention administrative à l’issue de leur sortie de prison, la circonstance qu’elles n’ont effectué aucune démarche tendant à solliciter l’asile au cours de sa détention ;

→ le fait qu’il s’agisse d’une demande de réexamen présentée en rétention alors que l’étranger a déjà vu sa demande d’asile initiale rejetée de manière définitive.

S’agissant d’une demande d’asile présentée postérieurement au délai de 5 jours, le ministère indique aux préfets qu’ils peuvent la considérer comme ayant un caractère dilatoire « sauf exceptions, notamment s’il apparaît que l’étranger n’a pas été pleinement informé de ses droits en matière d’asile ou mis en mesure de les exercer » (circulaire du 2 novembre 2015).

Autre consigne donnée aux préfets : s’ils considèrent qu’une demande d’asile revêt un caractère dilatoire, ils doivent également apprécier la nécessité du maintien en rétention au regard des garanties de représentation de l’intéressé ou des risques de fuite. Au final, si ce maintien leur apparaît justifié, ils doivent notifier dans les plus brefs délais à l’intéressé une décision de maintien motivée « en droit et en fait » (en mentionnant les éléments qui ont fondé leur appréciation). Cette décision doit également mentionner les voies et délais de recours (circulaire du 2 novembre 2015).

Si le préfet décide du maintien de l’étranger en rétention, ce dernier peut demander l’annulation de cette décision au président du tribunal administratif dans les 48 heures suivant sa notification (Ceseda, art. L. 556-1 modifié). Ce délai n’est susceptible d’aucune prorogation (CJA, art. R. 777-2-1 nouveau).

Si, en revanche, à la suite de l’examen individuel de situation, le préfet considère que la demande d’asile n’a pas pour objet de faire échec à l’exécution d’une mesure d’éloignement, il est immédiatement mis fin à la rétention et l’étranger doit être invité à se rendre à la préfecture pour y accomplir les formalités et se voir délivrer l’attestation de demande d’asile lui permettant de saisir l’OFPRA (Ceseda, art. L. 556-1 modifié).

2) Les conséquences du maintien en rétention

Si le demandeur est maintenu en rétention, sa demande d’asile est examinée selon la nouvelle procédure accélérée prévue par la loi du 29 juillet 2015(12).

L’OFPRA doit alors statuer sur la demande d’asile dans un délai de 96 heures à compter de la réception de celle-ci et la mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution avant qu’il se soit prononcé (voir ci-dessus). Au cours de cet examen, il doit tenir compte de la vulnérabilité du demandeurselon les mêmes modalités que pour le demandeur d’asile en zone d’attente (Ceseda, art. L. 556-1 modifié).

Ainsi, toute personne intervenant en rétention peut signaler au chef du centre ou à son représentant, ou au responsable du local de rétention, la situation de vulnérabilité d’un demandeur d’asile qu’elle aurait constatée, ou dont le demandeur d’asile aurait fait état (Ceseda, art. R. 556-12 nouveau). Il revient alors audit responsable de déterminer, le cas échéant, les modalités particulières de maintien en rétention tenant compte de cette situation de vulnérabilité (Ceseda, art. R. 556-12 nouveau). Les informations attestant d’une situation particulière de vulnérabilité sont parallèlement communiquées oralement ou par écrit, après accord du demandeur d’asile, à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ceseda, art. R. 556-12 nouveau).

Au final, si l’office considère qu’il ne peut examiner la demande d’asile selon la procédure accélérée ou s’il reconnaît à l’étranger la qualité de réfugié ou lui accorde le bénéfice de la protection subsidiaire, il transmet sa décision au responsable du lieu de rétention ainsi qu’au préfet qui a pris la décision de maintien, lequel doit mettre immédiatement fin à la rétention et en informer le responsable du lieu de rétention et l’OFPRA (Ceseda, art. R. 556-9 nouveau). L’intéressé est alors invité à se rendre en préfecture pour y accomplir les formalités de demande d’asile et se voir délivrer une attestation de demande d’asile. Dans le cas où un recours juridictionnel contre la décision de maintien en rétention a été formé par l’étranger, la préfecture doit informer sans délai le président du tribunal administratif de la décision de l’OFPRA, dans la mesure où elle rend sans objet ce recours (CJA, art. R. 777-2-2 nouveau).

Si en revanche l’OFPRA prend une décision de rejet de la demande d’asile, les conséquences seront différentes selon que l’étranger avait ou non formé un recours devant le tribunal administratif contre la dé

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