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« Une réponse accompagnée pour tous » : les premiers doutes

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Très attendue, la mise en place opérationnelle de la démarche, en particulier du dispositif d’orientation permanent dans 23 départements pionniers, suscite des inquiétudes, notamment sur les capacités des MDPH à faire face à leur nouvelle mission.

Deux ans après l’affaire « Amélie », le programme « une réponse accompagnée pour tous » a été lancé le 10 novembre, mettant en musique les propositions du rapport « Piveteau » unanimement saluées par les associations. Il se veut le premier pas d’un bouleversement de l’organisation des réponses proposées pour l’accueil des personnes handicapées (voir ce numéro, page 8). Aux côtés du secteur associatif et des 23 départements pionniers qui vont mettre en œuvre la démarche dès 2016, des représentants de l’Assemblée des départements de France, de l’Etat, d’agences régionales de santé (ARS), de rectorats et de maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) étaient réunis, au ministère des Affaires sociales à Paris, autour de quatre tables rondes – sur le dispositif d’orientation permanent, la construction d’une réponse territorialisée, l’accompagnement par les pairs et la conduite du changement. Parmi les représentants associatifs présents, Marie Aboussa, directrice des services aux adhérents de la Fegapei (Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles), salue les « échanges fructueux » tenus lors des débats et se félicite de constater « une forte mobilisation de l’ensemble des acteurs » pour construire le dispositif global piloté par Marie-Sophie Desaulle.

« Changement de posture »

Parmi les quatre axes de travail, le dispositif d’orientation permanent, inscrit dans le projet de loi relatif à la santé, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, est le plus avancé. S’il mécontente certaines associations(1), il est globalement bien reçu. En permettant à la MDPH, lorsqu’une personne n’a pas de solution d’accueil, de réunir autour d’une table l’ensemble des acteurs d’un territoire (établissements et services, Education nationale, ARS, conseils départementaux…) en vue de la construction d’un plan d’accompagnement global (PAG), il « installe un changement de posture des acteurs des champs médico-social et sanitaire qui vont devoir se mettre en situation de pouvoir répondre à la demande », explique Thierry Nouvel, directeur général de l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis). Alors qu’aujourd’hui, les structures peuvent refuser d’accueillir une personne, dans cette nouvelle organisation, elles devront indiquer à quelles conditions elles pourraient l’accueillir (déroger au taux d’occupation, embaucher un éducateur…). Si les acteurs associatifs sont convaincus qu’il revient à la MDPH de jouer ce rôle d’« assembleur » – selon les termes de Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat aux personnes handicapées –, des doutes s’expriment sur les moyens disponibles pour réaliser cette nouvelle mission. « Comment les MDPH vont-elles mettre en œuvre cette dynamique de concertation alors qu’aujourd’hui, elles n’arrivent pas à traiter l’ensemble des dossiers ? », s’interroge ainsi Christophe Douesneau, directeur du développement de l’offre de service de l’Association des paralysés de France. Par ailleurs, « auront-elles bien le pouvoir de convoquer tous les acteurs ? Y aura-t-il des mesures contraignantes ? », lance Marie Aboussa.

A ces interrogations, les réponses d’Igor Dupin, président de l’Association des directeurs de MDPH, ne sont guère rassurantes. Il se dit « extrêmement inquiet » de ce nouveau dispositif, et en particulier du risque « très important d’une explosion du nombre de demandes de PAG », émanant notamment de personnes qui pourraient juger que la solution proposée n’est pas adaptée. Le dispositif pourrait donc entraîner une multiplication des procédures et « une ingénierie de gestion extrêmement lourde » qui conduirait les MDPH « à l’embolie », craint Igor Dupin. Alors que l’activité de ces dernières augmente de plus de 6 % chaque année, pas sûr que les quatre millions d’euros annoncés par Ségolène Neuville suffisent à couvrir ces nouveaux besoins. « Quand l’Etat a voulu créer les MAIA, il a mis sur la table une enveloppe financière très conséquente. Dans mon département des Ardennes, 280 000 € ont été débloqués pour permettre l’embauche d’un responsable et de trois gestionnaires de cas en charge de 120 situations. Aujourd’hui, on nous donne de nouvelles missions et aucun moyen », s’alarme-t-il. Il souligne aussi des incertitudes juridiques en termes de responsabilité : « La mesure ne supprime pas le contentieux sur l’absence de places mais elle ouvre un nouveau front, celui de la “qualité” du PAG. A partir de quel moment doit-on arrêter de rechercher l’accord de la famille ? Que se passe-t-il si un des partenaires ne respecte pas ses engagements ? » Enfin, l’association alerte sur les enjeux financiers : par exemple, si, faute de place en maison d’accueil spécialisée – financée par l’assurance maladie –, une personne est orientée vers un accompagnement à domicile qui relève du conseil départemental, « y aura-t-il un transfert de charges de l’assurance maladie vers le conseil départemental ? Le texte de loi ne le dit pas ».

En outre, l’outillage des MDPH reste à construire. Actuellement, elles connaissent mal les ressources disponibles sur un territoire. « Certaines sont très peu en relation avec les établissements et leur liste n’est pas à jour. Elles ne connaissent pas les taux d’occupation ni les types de handicap qui sont pris en charge par telle ou telle structure », déplore Thierry Nouvel. Pour Marie Aboussa, l’enjeu se situe dans la construction d’un « outil interopérable » entre les différents acteurs, qui permette de disposer d’un état des lieux en temps réel. C’est le chantier auquel s’attelle la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui doit accompagner les MDPH dans cette démarche.

Les autres dimensions de ce programme, qui visent à faire évoluer l’offre pour construire une réponse territorialisée, sont sources d’espoir pour l’ensemble des associations. Au cours de cette journée, « nous avons senti la nécessité d’oser réinventer l’offre qui existe en essayant de créer des dispositifs intégrés », se réjouit Lisa Lopes, directrice des priorités de santé à la Fegapei. Chaque association a d’ailleurs pu exposer des transformations d’offres de services menées dans sont réseau et qui pourraient devenir des bonnes pratiques. L’enjeu, pour Christophe Douesneau, est de « sortir de l’approche par établissements pour proposer des réponses plus souples à l’image du dispositif ITEP », ce qui passe par la signature de contrats d’objectifs et de moyens avec les financeurs. Pour Roselyne Touroude, vice-présidente de l’Unafam (Union nationale des amis et familles de personnes malades et/ou handicapées psychiques), « le fait d’engager cette démarche va inciter à réaliser des diagnostics territoriaux partagés entre les acteurs qui permettent de mettre en évidence l’offre disponible et les carences à combler », en particulier pour les personnes handicapées psychiques, « public particulièrement concerné par l’absence de solution ».

LA CROIX-ROUGE FRANÇAISE S’ENGAGE À TRAVERS 13 PRIORITÉS

Dans le cadre de la mission « Desaulle », la Croix-Rouge française vient de définir 13 priorités pour accompagner les personnes handicapées. Forte de son approche « multifilières » – composée de structures sanitaires et médico-sociales ainsi que de nombreux bénévoles –, elle s’engage à organiser ses établissements et services en « plateformes de services intégrés et territorialisés offrant une palette de prestations diversifiées et adaptées à chacune des situations individuelles des personnes ». Elle souhaite faire évoluer l’offre existante – foyer d’hébergement, MAS, FAM –, afin de répondre aux besoins évolutifs des personnes handicapées ou encore étudier, dans chaque région, la mise en place d’un gestionnaire de cas complexes « assurant une coordination et un ajustement de l’offre existante ». Parmi les autres priorités figurent l’accès à des services de pairémulateur auprès des personnes accompagnées ou encore le développement, dans ses établissements de formation, des actions de formations interfilières dans le cursus initial et continu.

Notes

(1) Voir ASH n° 2933 du 13-11-15, p. 14

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