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Un référent de parcours : pour qui, comment ?

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« Coordonner les interventions autour de l’usager : faut-il un référent de parcours ? » Tel était le titre de l’une des tables rondes du colloque anniversaire des ASH, le 12 novembre à Paris. Objectif : mettre en débat l’une des mesures phares du « plan d’action en faveur du travail social et du développement social » présenté par le gouvernement le 21 octobre, créer une fonction de référent de parcours pour favoriser la coordination des interventions sociales auprès des personnes, dans une perspective d’accompagnement global. Avant de décider d’éventuelles dispositions réglementaires en 2016, le ministère des Affaires sociales a, au vu des nombreux sujets à éclaircir – mode de désignation, missions, positionnement… –, prévu de lancer une expérimentation dans plusieurs départements.

Pas une fin en soi

En effet, y compris au sein du groupe de travail des « états généraux du travail social » sur la coordination des acteurs, qui a porté cette proposition, l’idée a fait débat, a rappelé Marion Leroux, directrice générale adjointe chargée de la solidarité au conseil départemental du Val-d’Oise, membre du groupe de travail. Un débat non pas sur le principe, qui fait consensus, mais sur les modalités de sa mise en œuvre. A qui appartiendrait le choix du référent ? Si le groupe de travail privilégie l’option d’une « délibération collective » pour tenir compte à la fois de la préférence éventuellement exprimée par la personne et de l’analyse de sa situation, pour Cédric Mametz, président de l’association « Nous aussi » (qui représente les personnes handicapées intellectuelles), la question ne fait pas de doute : le référent parcours, indispensable pour éviter les ruptures, notamment « lors du passage de l’enfance à l’âge adulte », doit être choisi par l’« usager » lui-même, qui devrait aussi « avoir la possibilité d’en changer » lorsqu’il le souhaite. S’ensuit une autre question polémique sur le statut du référent – professionnel de terrain, encadrant « ou, pourquoi pas, bénévole » –, suggère Marion Leroux, même si cette piste paraît moins probable. Au-delà, doit-il s’agir du premier professionnel rencontré s’assurant de la prise de relais et de la coordination des actions, ou d’un travailleur social chargé à la fois de l’accompagnement de la personne et de l’animation du réseau interinstitutionnel ? Si, selon le plan d’action, l’idée est de s’inspirer du modèle de « réseau intégré » mis en œuvre dans le cadre des MAIA (maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer),Marion Leroux estime qu’il ne faudrait pas créer un coordonnateur spécifiquement dédié à cette mission. « Il n’est pas sûr que le référent de parcours doive être un gestionnaire de cas », relève-t-elle.

Le référent de parcours doit-il, en outre, concerner toutes les personnes accompagnées ou seulement les prises en charge les plus complexes ? La notion de référent existe déjà dans le champ de la protection de l’enfance. Mais dans ce cas, « c’est un référent technique chargé du suivi éducatif, il est au plus près de l’enfant au quotidien et en lien avec sa famille », a précisé Fabienne Quiriau, directrice générale de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE). Le plan d’action introduit, à ses yeux, « un autre niveau » de référent, chargé, lui, d’assurer la continuité, la complémentarité et l’articulation des interventions. C’est celui qui devrait faire « vivre le projet pour l’enfant », dont la mise en œuvre reste aussi à améliorer. Et Fabienne Quiriau de rappeler que, si les réflexions ayant précédé la loi de 2007 sur la protection de l’enfance avaient fait ressortir la nécessité de coordonner l’ensemble des actions menées auprès de l’enfant protégé et de sa famille, le législateur n’avait pas retenu la notion de référent, le texte précisant seulement qu’il appartient au président du conseil départemental de garantir la cohérence et la continuité des parcours. Mais à côté de ce « niveau stratégique », un « référent institutionnel » devrait exister dans tous les cas, argumente Fabienne Quiriau, qui plaide pour une clarification des rôles, un référent de parcours se révélant nécessaire « sous réserve que les actions soient multiples ou que la protection de l’enfant s’inscrive dans la durée et soit susceptible de connaître des évolutions ». En clair, « le référent n’est pas une fin en soi, il ne doit pas répondre à une mode », mais à une exigence au nom de l’intérêt de l’enfant. « Il n’est utile que lorsqu’il y a matière à coordonner », estime la directrice générale de la CNAPE.

Le parcours avant le référent

Par exemple pour la prise en charge de jeunes « à difficultés multiples », sujet d’une formation-action lancée il y a deux ans par le réseau des CREAI (centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité) et l’OPCA Unifaf dans 19 régions, auprès de 850 professionnels travaillant en maisons d’enfants à caractère social, instituts médico-éducatifs, foyers éducatifs, centres éducatifs fermés, en action éducative en milieu ouvert… Dans ces situations, « la question du référent ne doit pas être abordée de manière isolée comme un métier spécifique, mais dans le cadre d’un mode d’organisation », soutient Jean-Yves Barreyre, directeur du CREAI Ile-de-France et du Cedias-Musée social. Autres enseignements de cette formation-action : la nécessité d’une « coresponsabilité » de l’ensemble des acteurs du territoire, d’« une autre manière de financer les postes » et « le besoin d’une cohérence politique qui applique ce qui existe dans les lois ».

Car, défend Jean-Yves Barreyre avec un brin d’ironie, « avant de mettre en place un référent, il faut mettre en place le parcours ». Autrement dit, « ne pas mettre la charrue avant les bœufs » en créant une fonction nouvelle, contre-productive tant qu’il n’existe pas une approche coordonnée des actions. Depuis la loi 2002-2, les textes législatifs ont peu à peu « introduit la notion de projet personnalisé et de parcours de soins », mais ce principe n’a pas irrigué la réglementation ni l’organisation de l’action sociale et médico-sociale, analyse Jean-Yves Barreyre. Résultat, depuis 15 ans, l’action sociale et médico-sociale est construite à partir « de plans et de schémas sectorisés », sans temporalité commune.

A la place d’appels à projets par types de structures, qui mettent plutôt les opérateurs en concurrence, Jean-Yves Barreyre préconise la réalisation d’« états des lieux partagés territoriaux », afin de lancer des appels à projets transversaux. Croisant les financements (conseils départementaux, assurance maladie), ils permettraient que « toutes les ressources du territoire se coordonnent » pour répondre aux besoins identifiés au sein des publics vulnérables. Une approche que le CREAI Ile-de-France a mise en place dès 2014 pour l’ARS Ile-de-France, dans le cadre du troisième plan « autisme », avec le centre régional de ressources autisme. Dans les huit départements franciliens, une « démarche d’évaluation et de concertation territoriale sur l’autisme en Ile-de-France » a été construite avec les institutions, les professionnels des secteurs sanitaire, médico-social et social et les familles, pour déboucher sur des conférences de consensus de diagnostic partagé et des feuilles de route communes. L’ensemble de la démarche doit être achevé en juin 2016.

Malgré tous les freins qui demeurent, « les choses bougent petit à petit », espère Jean-Yves Barreyre. La notion de réponse « intégrée » pour les personnes handicapées figure dans le programme visant à appliquer les préconisations du rapport « zéro sans solution » de Denis Piveteau, lancée le 10 novembre (voir ce numéro, page 8). Et le plan d’action pour le travail social prévoit que, « à terme, les départements pourraient regrouper l’ensemble des schémas au sein d’un seul “pacte des solidarités et du développement social” ». Une progression vers une stratégie globale d’intervention autour des personnes, qui concrétiserait enfin un « changement de paradigme » ?

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