Alors que 498 décès de personnes sans domicile ont été signalés en 2014 aux Morts de la rue, leur nombre s’élève plus probablement à 2 908, estime le collectif dans son rapport annuel « Dénombrer et décrire »(1). Cette évaluation est corroborée par une étude « Etat de santé et conditions de vie des populations sans domicile » publiée, le 17 novembre, dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut de veille sanitaire. Elle fait état de quelque 6 730 décès de personnes sans domicile en France entre 2008 et 2010, soit plus de 2 200 par an, en croisant les données des Morts de la rue et du centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Inserm(2).
Alors qu’il s’attache ainsi à rendre visible la surmortalité des personnes sans domicile, le collectif souligne, cette année encore, les limites de ce recensement qui « n’est pas exhaustif » et dont les données (démographiques ou relatives au contexte social, au logement, à la santé, etc.) ne sont pas renseignées pour l’ensemble des personnes concernées. Parmi ses recommandations, l’association ouvre d’ailleurs des pistes pour améliorer ce recueil. Sa dernière étude met cependant en lumière « de nouvelles informations sur les causes de rupture, notamment la maladie, ainsi que sur les personnes migrantes », dont le nombre croissant a attiré l’attention des auteurs. Elle confirme en outre les tendances constatées les années précédentes : la population concernée est toujours majoritairement masculine (à 88 %), avec un âge moyen de décès de 49 ans pour les hommes en moyenne (contre 79 ans dans la population générale), à l’issue d’un « long parcours de rue » (près de dix ans en moyenne). Les femmes représentent environ 12 % des décès, avec 68 personnes signalées.
Les causes de la mort sont souvent externes pour les plus jeunes (agression, accident ou suicide, dans 26 % des cas) et liées à l’état de santé pour les plus âgés (cancer, maladie cardio-vasculaire…). « Ils sont morts à l’hôpital (35 %) mais aussi sur la voie publique (24 %) ou dans un abri de fortune (11 %) ainsi que dans une structure d’hébergement (12 %) et dans un logement (11 %) », détaille le collectif. Parmi les plus vulnérables, les mineurs ont vu leur part divisée par trois par rapport à 2013, où elle avait atteint le niveau préoccupant de 15 décès, en lien « avec l’augmentation du nombre de familles hébergées par le 115 ou vivant dans des bidonvilles en périphérie des agglomérations », notait alors l’association.
La mort de six habitants de bidonvilles ou de squats est encore à déplorer en 2014, tandis que les personnes âgées de plus de 65 ans représentent près d’un quart des victimes de la rue avec 130 décès (23 %) et que le nombre de migrants comptabilisés s’élève à 35 (dont 12 sont morts dans un accident de la circulation dans le Nord-Pas-de-Calais). « La part élevée de décès de cause violente parmi les migrants, et notamment les personnes décédées à Calais, met en lumière la dangerosité de leur quotidien », commentent les Morts de la rue.
Les recommandations formulées l’an dernier restent valables cette année, conclut l’association, qui souligne ainsi « la nécessité d’accompagner les personnes SDF après la perte d’un proche, à l’arrivée dans un hébergement stable ou un logement, et de réfléchir sur la prise en charge de ces personnes après l’urgence médicale ». De même, si « les problématiques de 2013, à savoir les enfants et les Rroms, n’ont pas la même ampleur en 2014 », les préconisations qui les concernaient restent d’actualité, à savoir améliorer leurs conditions de vie et le suivi médical, notamment des grossesses et des maladies infantiles. Autre catégorie à devoir faire l’objet d’une attention particulière : les personnes ayant effectué un séjour en détention au cours de leur vie, qui sont au nombre de 15 parmi les morts de la rue en 2014, après s’être « retrouvées à la rue à leur libération ».
Dernière remarque, enfin, « l’augmentation des décès des personnes sans domicile au cours de l’été 2014 pose la question de la pérennité de l’accès aux structures d’accueil et d’hébergement, ainsi que [de] l’accompagnement des démarches au cours des mois de congés traditionnels ».
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(2) Disponible sur