Seize. C’est le nombre de portes, de grilles, de sas que doit traverser Françoise Leclerc du Sablon pour accéder à sa salle de classe. A chaque fois, c’est comme un parcours initiatique. Celui qui, depuis son pavillon, aboutit entre les quatre murs de la classe, avec des fenêtres qui donnent sur une cour de promenade, une armoire métallique bourrée de livres et une porte qui n’ouvre et ne ferme que de l’extérieur. Une classe de maison d’arrêt, dans laquelle Françoise Leclerc du Sablon a enseigné pendant douze ans, principalement auprès de femmes détenues, et dont elle raconte le quotidien sous la forme d’une petite collection de souvenirs. Dans cette « vraie école », à double tour Derrière la seizième porte, chacune sent qu’elle va « pouvoir réussir ce qu’elle a raté il y a bien longtemps »: apprendre à lire, à compter, s’autoriser à penser et à créer aussi. Car ce qui frappe, dans ce récit, c’est l’immense dénuement de ces élèves, comme si l’enchevêtrement de leurs préoccupations les privait du droit à la pensée. « Pour elles, quelle est la plus difficile des prisons ?, s’interroge d’ailleurs l’enseignante. Celle qui a des barreaux aux fenêtres ? Ou bien celle où l’on n’a pas de mots pour se dire ? » A la fin de chaque journée de classe, Françoise Leclerc du Sablon se sent « comme sortant d’un match, d’un round ». Touchée par les progrès de ses élèves, essorée par ces trois heures « dans la bulle classe » et les efforts nécessaires pour comprendre la machine carcérale. Mais toujours prête à revenir, pour partager avec les détenus « le désir d’apprendre », étape essentielle dans la quête de « l’estime de soi retrouvée ».
Derrière la seizième porte. Une classe pour s’évader dans la prison
Françoise Leclerc du Sablon – Ed. L’Harmattan, coll. « Rue des écoles » – 14,50 €