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Troisième protocole de la CIDE : des craintes sur une application restrictive

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Le Parlement a définitivement adopté le 5 novembre, en procédure accélérée, le projet de loi autorisant la ratification du troisième protocole facultatif à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), établissant une procédure de recours devant le Comité des droits de l’enfant de l’ONU en cas de violation des droits par un Etat (voir ce numéro, page 39). Une bonne nouvelle pour ceux qui œuvrent pour la promotion et le respect de la convention, à un détail près. L’étude d’impact qui a accompagné le projet de loi indique que « la France prévoit d’assortir sa ratification de déclarations interprétatives » portant sur certains points. Ces déclarations, non mentionnées dans la loi adoptée, pourraient-elles amoindrir la portée du protocole que la France a signé il y a un an(1) ?

C’est la crainte du président de DEI (Défense des enfants International), le Belge Benoît Van Keirsbilck, qui avait adressé une lettre ouverte au gouvernement et au Parlement, faisant part de sa « plus grande inquiétude au sujet des conditions mises à la ratification » du protocole. Les déclarations envisagées, « à première analyse, vident en grande partie le protocole de son effectivité », s’est alarmé le président de DEI. Ainsi, selon l’étude d’impact, la France considère que le comité de l’ONU peut recevoir et examiner des communications résultant de faits ou décisions « postérieurs à la date d’entrée en vigueur » du protocole. Par ailleurs, l’Etat français interprète la notion d’« épuisement des voies de recours internes », critère pour engager une réclamation devant le comité onusien, au sens de l’épuisement des procédures dans lesquelles « l’enfant a été entendu ou représenté pour assurer la défense de son intérêt », ce qui exclurait un certain nombre de procédures. Ces conditions « limitent indûment les possibilités de saisir le Comité des droits de l’enfant », a souligné le président de Défense des enfants International.

Mais l’ONG est, bien plus encore, préoccupée par la « portée reconnue aux décisions du comité ». Selon l’étude d’impact toujours, le protocole « ne peut être interprété comme impliquant une obligation pour l’Etat partie intéressé d’accéder à la demande du Comité tendant à ce qu’il prenne des mesures provisoires », avant l’examen au fond de la plainte. DEI rappelle pourtant que « les recommandations, observations ou décisions du Comité doivent être considérées comme ayant force obligatoire pour les Etats parties » et estime que la position française « semble trahir une approche frileuse et particulièrement peu ambitieuse pour sa jeunesse ». DEI-France a expressément demandé aux sénateurs de déposer des amendements au projet de loi, afin de préciser que la ratification est autorisée « sans aucune déclaration ni réserve ». Toute interprétation restrictive du protocole aurait « immanquablement un effet désastreux et notre pays, après avoir traîné trois ans pour se décider à ratifier, se discréditerait gravement aux yeux de la communauté internationale », a alerté l’association.

De tels amendements n’étaient pas envisageables en raison de l’examen simplifié du projet de loi, explique-t-on au secrétariat d’Etat chargé de la famille et de l’enfance. Une forme accélérée propre aux textes autorisant la ratification de protocoles internationaux, « au-delà du fait que le ministère voulait aller vite pour engager la France dans cette nouvelle voie de recours ». Mais sur le fond, ajoute-t-on, la possibilité d’émettre ces déclarations, « qui ne sont pas des réserves » au sens où elles n’empêcheront pas la France d’appliquer le protocole, traduit « une prudence au regard d’une procédure totalement nouvelle » et « la crainte de fragiliser » des décisions judiciaires. La déclaration qui vise à limiter la prise en compte de faits ayant entraîné une violation de droits à ceux qui sont survenus après la ratification du protocole aurait, selon le ministère, peu de portée, car « on ne voit pas comment les plaintes ne seraient pas reçues si la situation perdure ». En revanche, les interprétations sur l’épuisement des recours internes et l’obligation par l’Etat de prendre des mesures provisoires demandées par le comité apparaissent clairement plus restrictives.

En publiant sa lettre ouverte, Défense des enfants International a « attiré l’attention du comité sur une question sur laquelle le gouvernement sera interpellé » lors de son audition devant le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, le 27 janvier, reconnaissent les services du ministère. Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée de la famille et de l’enfance, représentera alors la France, qui a répondu en octobre dernier au questionnaire du comité, préalablement destinataire des rapports associatifs et institutionnels sur la situation des droits de l’enfant en France. Avant cette date, « il reste une autre étape, celle de la ratification formelle du protocole. A ce moment va se jouer une autre fenêtre de tir sur la nature et la forme des déclarations que la France pourra émettre », fait-on valoir à son cabinet.

Notes

(1) Voir ASH n° 2884 du 21-11-14, p. 8.

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