« Le signe d’une non-prise en compte de l’importance de ces aides, mais aussi de l’impréparation de la réforme. » La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) s’insurge contre les conséquences de la date retenue pour le versement de la nouvelle allocation pour demandeur d’asile (ADA), qui remplace l’allocation temporaire d’attente (ATA) – pour les personnes non hébergées en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) – et l’allocation mensuelle de subsistance (AMS). Selon le décret paru le 23 octobre(1), cette nouvelle allocation créée par la réforme du droit d’asile est entrée en vigueur le 1er novembre. « L’ADA sera versée le 1er décembre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, à terme échu, pour couvrir les dépenses de novembre », explique Florent Gueguen, directeur général de la FNARS, alertée par plusieurs gestionnaires de CADA sur les risques de rupture de ressources pour les personnes hébergées. « Les structures qui, traditionnellement, versaient l’allocation en début de mois [pour les frais du mois courant] sont très en colère. Et le problème se pose encore plus pour celles qui ne proposent pas de restauration collective, dans lesquelles les familles doivent gérer elles-mêmes leurs repas », poursuit Florent Gueguen.
Dans une instruction adressée à la fin septembre aux préfectures, les services du ministère de l’Intérieur indiquent que, dans les établissements concernés par ce décalage de paiement, des avances pourront être versées par les structures aux allocataires, d’un montant équivalant à 15 jours de l’ancienne allocation. Ce montant devra être remboursé au gestionnaire, afin d’éviter un double versement. « Quid des 15 jours restants ?, s’interroge Florent Gueguen. Ce système est inacceptable, compte tenu de la situation des personnes qui ont de petits montants journaliers pour vivre. Cette question n’a pas été anticipée par les services de l’asile, qui la font reposer sur la trésorerie des associations ! »
Mais, à côté de ce problème de transition, a surgi une préoccupation de fond, sur les nouveaux montants alloués en fonction des barèmes introduits par la réforme. Si la FNARS a défendu la prise en compte du nombre d’enfants dans les familles, « il y a clairement des perdants », déplore Florent Gueguen. Sont principalement pénalisées les personnes hébergées dans le dispositif d’urgence, de l’asile ou généraliste(2). Selon les calculs de la fédération, en effet, « les personnes isolées et en couple sans enfant hébergées dans le dispositif d’urgence voient leur allocation divisée par deux », les premières devant percevoir 6,80 € par jour au lieu de 11,45 €. Et cette réduction concerne toutes les familles de une à cinq personnes.
Certes, des mesures transitoires sont prévues pour éviter que les actuels allocataires de l’allocation temporaire d’attente soient pénalisés. Mais les nouveaux bénéficiaires « accueillis dans les structures d’urgence, soit le plus grand nombre, [subissent] une double peine », puisque, non hébergés en CADA, ils sont accueillis dans un dispositif moins adapté à leurs besoins, s’exaspère Florent Gueguen. « Cela pose à la fois des problèmes d’équité et de ressources quotidiennes ». La FNARS et la Cimade pourraient décider de déposer un recours contre le décret relatif à l’ADA devant le Conseil d’Etat.
Cette logique de réduction des coûts, analyse en outre la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, se retrouve dans le projet de loi de finances, où « 137 millions d’euros seront consacrés à l’ADA en 2016 pour l’ensemble des demandeurs d’asile, alors que les crédits exécutés en 2014 pour la seule ATA, sans comptabiliser les bénéficiaires de l’AMS, étaient de 169 millions d’euros ». De même, le décret du 21 octobre relatif aux centre d’accueil pour demandeurs d’asile(3) réduit le taux d’encadrement dans ces structures. Il précise qu’un équivalent temps plein (ETP) pour 15 personnes constitue désormais « la norme applicable », contre un taux situé entre un ETP pour 10 et un pour 15 auparavant.
(2) L’impact est moindre pour les personnes hébergées en CADA et les personnes non hébergées, a calculé la FNARS.