Souvent associée au secteur sanitaire, l’éducation thérapeutique peut aussi être proposée aux personnes polyhandicapées accompagnées dans les établissements et services médico-sociaux (ESMS) et promue auprès des professionnels et des proches qui les accompagnent. Telle est la conclusion d’une recherche-action menée par le Groupe polyhandicap France, qui s’appuie sur une enquête réalisée auprès de plus de 40 structures et de 75 familles des personnes concernées(1). Si l’éducation thérapeutique – qui consiste à aider la personne malade ou handicapée à acquérir des compétences pour gérer au mieux sa vie et ses soins – ne figure pas « expressément dans le lexique professionnel ni dans les conditions d’évaluation externe des établissements et services », dans la pratique, les équipes sont « de plus en plus soucieuses de la meilleure compréhension et participation [aux soins] des enfants et adultes polyhandicapés et de leurs aidants », expliquent les auteurs. Ces derniers notent aussi qu’en dépit d’une déficience intellectuelle constante chez la personne polyhandicapée, l’expérience des acteurs (professionnels et aidants) montre que la personne est souvent sensible « à une forme (même limitée) de participation et de compréhension des actes techniques et des pratiques éducatives et de communication qui lui sont adressés, gage d’une meilleure évolution globale ».
Premier enseignement de l’enquête : la majorité (66 %) des équipes des structures interrogées connaît le concept d’éducation thérapeutique, ce qui est « une relative bonne surprise » et permet d’envisager que « l’éducation thérapeutique traverse la frontière sanitaire et se développe à court terme plus largement dans les ESMS ». De leur côté, 76 % des familles ayant répondu à l’enquête déclarent ne pas connaître le concept d’éducation thérapeutique et seulement 27 % indiquent que leur proche en bénéficie. Les soins qui font l’objet d’éducation thérapeutique sont divers : installations et confort de la personne, communication et relation, aide à la fonction digestive et respiratoire…
Dans les structures, cette démarche n’est formalisée dans le projet d’établissement que dans 22 % des cas. Si tous les métiers sont impliqués, les éducateurs et les aides médico-psychologiques « sont moins mobilisés que leurs homologues médicaux et paramédicaux alors qu’ils sont plus durablement au contact quotidien des personnes polyhandicapées », pointent les auteurs. Seulement 27 % des professionnels ayant répondu indiquent avoir été formés à l’éducation thérapeutique (7 % pour les familles), le plus souvent de façon globale et non spécifique au polyhandicap. Une large majorité des équipes (74 %) déclare y associer la personne polyhandicapée. « Concrètement, cette participation est obtenue par une adaptation très personnalisée en termes de relation, de communication, de rituels, de démarche énoncée » et la mise en œuvre de l’éducation thérapeutique « est nécessairement empirique, considérant les grandes variétés [des relations] interindividuelles des personnes polyhandicapées », précisent les auteurs. En revanche, parmi les familles dont le proche bénéficie d’une démarche d’éducation thérapeutique, seules 30 % affirment que la personne polyhandicapée y est associée. Cela se traduit par la communication verbale ou non verbale (notamment avec l’aide de pictogrammes), par la sensorialité (sons, intonation, odeurs, toucher) et par la présence systématique de la personne lors des explications apportées par les professionnels.
L’analyse qualitative de l’enquête met l’accent sur l’importance de la mise en place d’une « alliance thérapeutique […] au bénéfice du projet de soins de la personne ». Parmi les points positifs, les auteurs soulignent aussi « la responsabilisation » des familles et de la personne, ainsi que le développement de son autonomie, en dépit de la dépendance fonctionnelle. Les limites évoquées par les répondants sont liées à celles de « la compréhension, la communication, la capacité d’appropriation par la personne polyhandicapée et à ses incapacités motrices et fonctionnelles ».
L’ensemble de ces données confirme l’intérêt de l’éducation thérapeutique appliquée aux personnes polyhandicapées et les auteurs formulent une série de préconisations pour lever les obstacles à sa généralisation. Ils souhaitent « un cadre légal et réglementaire opposable à la formalisation de l’éducation thérapeutique dans les établissements et services et des moyens dédiés pour assurer cette mission ». Ils invitent aussi à inclure ce concept dans les programmes de formation professionnelle des personnels des établissements et recommandent de l’inscrire au cœur des projets associatifs et d’établissements et services. L’éducation thérapeutique doit également être intégrée « dans la dynamique d’évaluation et de mesure de la qualité », estiment-ils, préconisant également la rédaction de protocoles formalisés dans lesquels devraient être prévus la présence d’un référent et le rôle propre à chaque acteur institutionnel. Les auteurs insistent également sur la nécessité d’accorder le temps nécessaire à l’appropriation de la démarche par les familles et les aidants et de dédier à cette dernière des « temps institutionnels », afin de lever les « peurs » qui peuvent y être attachées (face à la réalisation de gestes techniques par exemple).
(1) L’étude « L’éducation thérapeutique appliquée aux personnes polyhandicapées et à leurs aidants » peut être commandée auprès du Groupe polyhandicap France -18,70 € –