« En 2014, la situation des ménages ne s’est toujours pas améliorée, et si le “filet social” leur permet de ne pas “sombrer” complètement, les difficultés du quotidien restent très présentes », relève le Secours catholique dans son rapport statistique annuel, une « photographie de la pauvreté » tirée de l’analyse du public rencontré dans ses lieux d’accueil(1). Parmi les évolutions constatées, le rapport relève que, pour la première fois, la part des mères seules est en légère baisse (28 % en 2014, contre 30 % en 2013). De même, la part des couples avec enfants, en progression constante ces dernières années, recule en 2014. Celles des pères seuls et des ménages sans enfant continuent d’augmenter.
Les trois quarts des ménages rencontrés subissent une « extrême pauvreté »et vivent avec moins de 667 € par mois. Les personnes qui ne perçoivent aucune ressource sont plus nombreuses qu’en 2010 (18 %, soit 3,3 points de plus). Il s’agit souvent d’étrangers sans statut, de personnes en attente d’un revenu (salaire ou prestations sociales), ou qui ont renoncé à faire valoir leurs droits. Pour l’ensemble des ménages rencontrés, le niveau de vie médian n’a augmenté que de 35 € en quatre ans. Plus de 58 % déclarent avoir des impayés essentiellement liés aux dépenses de logement et d’énergie. Le Secours catholique a comparé les budgets de ce public avec les budgets de référence de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES), qui correspondent aux besoins estimés pour avoir un niveau de vie décent(2). Résultat : l’association constate peu de différences de montants dans le budget consacré au logement, mais des écarts importants sur les autres postes budgétaires. Ainsi, un couple avec deux enfants accueilli au Secours catholique dépense 767 € pour l’ensemble des frais hors logement (transport, scolarité, alimentation, habillement, vie sociale, santé…) quand l’ONPES estime ces mêmes dépenses à 2 557 €.
La population accueillie accède toujours difficilement à l’emploi. Si la part des personnes ayant un travail est stable (18 %), celle des personnes proches de l’emploi – en formation professionnelle ou au chômage indemnisé – est en baisse (13 % en 2014, contre 14 % en 2013). Néanmoins, l’association note une amélioration du niveau de formation des personnes rencontrées : leur niveau d’études supérieures augmente ainsi de trois points entre 2010 et 2014. En outre, la part du public au chômage sans indemnité augmente de plus de trois points entre 2010 et 2014. Pour faciliter l’accès et le retour à l’emploi, le Secours catholique insiste sur la nécessité d’abonder « de manière bien plus significative le compte personnel de formation des chômeurs de longue durée (100 heures aujourd’hui) »(3) et d’orienter des fonds pour la formation vers les structures d’insertion, en particulier les ateliers et chantiers d’insertion.
A l’approche des élections régionales, les 6 et 13 décembre, l’association a souhaité mettre en avant les freins à la mobilité des personnes en situation de précarité, alors que la compétence des transports revient intégralement aux régions depuis l’adoption de la loi du 7 août dernier portant nouvelle organisation de la République. Plus de 4 300 personnes – accueillies au Secours catholique, mais également bénévoles et salariés – ont répondu à un questionnaire. Pour comprendre les contraintes vécues, deux groupes de répondants ont été constitués : le premier représente « les personnes de référence », qui ne sont pas précaires et servent de groupe témoin pour mettre en évidence les difficultés rencontrées par les personnes qui vivent dans la précarité, ces dernières formant le second groupe. Les conséquences du manque de mobilité sont de différents ordres : isolement, difficultés d’accès à l’emploi, aux loisirs et à la culture, problèmes pour effectuer des démarches administratives… Des difficultés qui « accélèrent la désinsertion » sociale, déplore l’association.
Avec un coût compris entre 1 600 et 3 000 €, le permis de conduire est « inaccessible pour beaucoup », alors qu’il est souvent nécessaire pour accéder à un emploi. Le prix d’une voiture est prohibitif pour les plus précaires, pointe également le Secours catholique, qui rappelle que l’ONPES évalue le budget « voiture » à 295 € par mois. Les personnes précaires sont d’autant plus pénalisées qu’elles doivent souvent être encore plus mobiles que d’autres, du fait d’emplois beaucoup plus changeants, d’horaires atypiques, de démarches administratives plus nombreuses et complexes. Plus du tiers des actifs en situation de précarité travaillant en CDI à temps plein ont des horaires décalés ou atypiques (travail le week-end).
Le Secours catholique formule plusieurs préconisations pour permettre aux personnes précaires d’exercer leur droit à la mobilité. Il suggère de créer des plateformes de mobilité structurées comme des pôles territoriaux de coopération économique dans lesquels des acteurs privés, publics et associatifs chercheraient ensemble des solutions « innovantes et solidaires à la mobilité de publics non solvables ». L’association invite aussi à créer des maisons des droits ou des maisons de services au public (intégrant EDF, CPAM, CAF, poste ou banque…) dans les zones peu peuplées où la mobilité est difficile. Elle suggère aussi de créer des espaces de « co-working » et d’y associer des modes de garde pour les enfants.
(1) Disponible sur
(3) Le Premier ministre, dans son discours de clôture de la conférence sociale du 19 octobre, a indiqué vouloir abonder davantage le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi de longue durée. Cette proposition ne figure toutefois pas dans la feuille de route – Voir ASH n° 2930 du 23-10-15, p. 7.