Dans un avis qui devait paraître au Journal officiel du 5 novembre, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté demande au gouvernement d’abroger purement et simplement le dispositif de rétention de sûreté créé par la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Une demande qui fait suite à la visite, en octobre 2014, d’Adeline Hazan au centre socio-médico-judiciaire de sûreté de Fresnes, un an après celle qui a été effectuée par son prédécesseur Jean-Marie Delarue(1). Rappelons que le dispositif de rétention de sûreté concerne les personnes condamnées pour des crimes très graves à une peine égale ou supérieure à 15 ans de réclusion criminelle et dont il est établi, au terme de leur peine, qu’elles demeurent dangereuses. Peuvent aussi y être orientées les personnes faisant l’objet d’une surveillance de sûreté – c’est-à-dire celles à l’encontre desquelles la rétention de sûreté n’a pas été prononcée mais qui présentent une particulière dangerosité – et qui n’ont pas respecté les obligations prononcées à leur encontre.
Au-delà des critiques émises de façon récurrente et qu’elle appuie (faible nombre, isolement et inactivité des personnes accueillies, absence de suivi médico-psychologique…), Adeline Hazan conteste aujourd’hui l’existence même du dispositif de rétention de sûreté qui avait suscité des « divergences d’analyse » au moment de sa création(2) et dont la garde des Sceaux avait d’ailleurs annoncé la suppression lors de son arrivée au gouvernement en 2012. Dans l’hypothèse où elle est prononcée ab initio(3) par la juridiction pénale, la rétention de sûreté vise des personnes qui, à la fin de l’exécution de leur peine, présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité, rappelle la contrôleure générale, soulignant qu’il s’agit là d’« une conception nouvelle du droit de la peine, qui supprime le lien objectif entre culpabilité et responsabilité, entre infraction et sanction, au profit de la notion de dangerosité ». « Outre son caractère subjectif, insiste-t-elle, le concept de dangerosité potentielle doit être considéré comme contraire aux principes fondamentaux du droit pénal français, en particulier de légalité des délits et des peines, et de proportionnalité de la réponse pénale. » C’est pourquoi Adeline Hazan demande l’abrogation du dispositif.
(2) En juillet 2008, le Comité des droits de l’Homme des Nations unies s’est dit préoccupé par une telle initiative de la France. La Cour européenne des droits de l’Homme, elle, dans un arrêt du 17 décembre 2009, a considéré ce type de mesure comme une véritable peine.
(3) C’est-à-dire décidée dès le prononcé de la peine.