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Divergence parlementaire autour de la réforme de l’aide médicale de l’Etat

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Déjà auteurs d’un rapport d’information sur l’aide médicale de l’Etat (AME), rendu public en juin 2011 par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale(1), les deux députés Claude Goasguen (LR, Paris) et Christophe Sirugue (SRC, Saône-et-Loire) récidivent avec un nouveau rapport d’information, publié le 3 novembre, qui fait le point sur les modifications apportées au dispositif et contient une série de recommandations(2). S’ils expriment des divergences de vues sur le champ des soins gratuits couverts par l’Etat dans le cadre de l’AME, les deux parlementaires s’entendent en revanche « sur la nécessité d’améliorer l’efficience du dispositif », en formulant des préconisations communes.

Hausse du nombre de bénéficiaires

Depuis la création en 2000 de l’aide médicale de l’Etat, le nombre de ses bénéficiaires et la dépense budgétaire corrélative ont progressé régulièrement, relèvent, comme d’autres avant eux, les deux députés. Selon les dernières données disponibles, 294 300 personnes étaient ainsi enregistrées à l’AME à la fin 2014 contre 282 400 à la fin 2013. En outre, « sous-évalué en projet de loi de finances depuis plusieurs années », le budget alloué par l’Etat au dispositif est, quant à lui, systématiquement dépassé. En 2014, alors que l’Etat avait initialement budgété 605 millions d’euros, les dépenses effectives se sont élevées à 831 millions d’euros, dont 760 millions engagés par l’Etat, le reste étant à la charge de l’assurance maladie au titre essentiellement des soins urgents(3). En 2013, ces dépenses s’étaient élevées à 846 millions d’euros. La baisse s’explique par des mesures de maîtrise budgétaire mises en œuvre récemment (réforme de la tarification hospitalière, suppression de la prise en charge à 100 % de certains soins et médicaments, fin de la valorisation des soins urgents hospitaliers). Ces mesures ont en effet conduit à une « réelle économie », toutefois « partiellement compensée par l’accroissement du nombre de patients pris en charge », souligne le rapport.

Réduction de la couverture gratuite…

Après un focus sur la Guyane et Mayotte, qui « ont un nombre de bénéficiaires important, avec un niveau de dépenses significatif », le rapport détaille les modalités en vigueur chez nos voisins, qui « conduisent à une dépense beaucoup plus contenue », constatent les auteurs, qui n’en tirent toutefois pas les mêmes conclusions.

Pour Claude Goasguen, l’exemple européen doit conduire la France à « réduire l’étendue de la couverture gratuite des soins », c’est-à-dire à « restreindre l’accès aux soins pris en charge par l’Etat et instaurer une affiliation contributive à l’assurance maladie », en établissant une liste de « soins à caractère vital et urgent » (maladie aiguë et douloureuse, soins aux femmes enceintes et aux enfants, lutte contre les infections) qui resteraient couverts par l’AME. Les autres types de soins seraient pris en charge par l’assurance maladie, « moyennant le paiement d’une cotisation dépendant du niveau des revenus ». Cette évolution « pourra s’accompagner de la suppression de la condition de résidence de trois mois, ce qui simplifiera et allégera beaucoup les formalités et les contrôles ».

… ou maintien de l’universalité ?

Pour Christophe Sirugue, au contraire, « la prise en charge sanitaire des étrangers en situation irrégulière ne peut pas reposer sur un dispositif contributif et doit continuer à être financée par l’Etat », au risque sinon de la voir supportée par d’autres acteurs. « Limiter l’AME aux soins urgents et prioritaires ne pourra pas se traduire par une diminution de la prise en charge sanitaire des étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire », estime l’élu bourguignon, et « une telle mesure se limitera à un transfert de la dépense de l’Etat vers les établissements médicaux les plus défavorisés, les associations caritatives et les collectivités territoriales ». En outre, « une contribution à la charge des bénéficiaires de l’AME a déjà été mise en œuvre à la fin de la précédente législature – à travers l’obligation, instituée en 2011, d’acquitter un droit de timbre de 30 € – et n’a pas fait les preuves de son efficacité », poursuit-il. Ce droit d’entrée a d’ailleurs été supprimé par la loi de finances rectificative pour 2012.

Propositions de simplification

Pour le reste, les deux hommes partagent un même constat : il faut « simplifier et harmoniser l’accès au dispositif », qui souffre de démarches administratives qui restent complexes et variables selon les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). Ils suggèrent en particulier d’unifier les règles de domiciliation des personnes éligibles à l’AME. Ils plaident en outre pour développer l’interprétariat dans les hôpitaux, en prévoyant un budget de 20 millions d’euros à cet effet.

Pour faciliter la gestion des établissements qui rencontrent des difficultés dans l’ouverture des droits, les deux rapporteurs recommandent de « créer un parcours de soins englobant un suivi médical, social et administratif pour la prise en charge après l’hospitalisation des patients AME en situation de précarité ». Plus généralement, pour faciliter l’accueil des populations précaires, Claude Goasguen et Christophe Sirugue proposent de mieux répartir les dotations aux établissements de santé, en augmentant « le montant de la “mission d’intérêt général” précarité pour les établissements dont la patientèle précaire représente une proportion supérieure à 20 % » et en prenant mieux en compte « la mission sociale des établissements situés dans des départements où sont domiciliées de très nombreuses personnes en situation de précarité ».

Une des dernières préconisations vise, enfin, à dissuader la fraude et à limiter le risque de facturations impayées, en permettant aux directeurs d’établissements hospitaliers ou de CPAM « d’accéder aux informations du logiciel Visa du ministère des Affaires étrangères, afin de connaître la date d’entrée sur le territoire des demandeurs d’AME pour lesquels existe une présomption de visa touristique ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2714 du 17-06-11, p. 14.

(2) Rapport disponible prochainement sur www.assemblee-nationale.fr.

(3) Pour les soins délivrés en urgence (sans contrôle du respect de la condition de résidence de trois mois), l’Etat verse une subvention annuelle à l’assurance maladie de 40 millions d’euros pour solde de tout compte.

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