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Identité : assistante sociale

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Cadre en protection de l’enfance à Paris, Lilas Zeggai a décroché en 2006 son diplôme d’assistante de service social à l’IRTS d’Ile-de-France. Elle a travaillé ensuite au SAMU social, puis dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale.

« J’ai vécu la formation comme une période très intense intérieurement, résume Lilas Zeggai, assistante de service social diplômée en 2006. Cela a été une transformation, une remise en question, et cette formation nous a tous bousculés, faisant même ressortir ce que nous pouvions avoir de moins reluisant en nous. » Lilas a pris la décision de devenir assistante de service social après un bac STT(1) et deux années de droit à l’université. C’est un stage à la Croix-Rouge française lors de son BEP secrétariat qui a éveillé son intérêt pour ce qu’elle évoque comme « un métier de l’humain ». « Durant toutes mes années de lycée et de droit, je suis intervenue comme bénévole à la Croix-Rouge et aux Restos du cœur, explique-t-elle. Puis j’ai réalisé que le droit ne m’intéressait pas vraiment et que la fac n’était pas mon truc. » Le social lui apparaît alors comme une évidence.

Après une année en classe préparatoire privée, au cours de laquelle un stage la conforte déjà dans son choix, la jeune femme se présente plutôt sereine aux épreuves de sélection de l’institut régional du travail social (IRTS) d’Ile-de-France, avenue Parmentier, à Paris. « Cet établissement était à la fois proche de chez moi et réputé, et j’ai rapidement apprécié la philosophie de l’enseignement », raconte-t-elle. Les témoignages de professionnels de terrain, les cours de psychopathologie et même la manière dont le droit est transmis la séduisent. La thématique « protection de l’enfance » la passionne, annonçant déjà la tournure que prendra sa carrière une dizaine d’années plus tard.

Un intérêt stimulé par la qualité des enseignants

Mais son intérêt est surtout stimulé par la qualité des enseignants rencontrés. « Ils m’ont marquée et beaucoup soutenue, alors que l’ambiance dans ma promotion n’était pas agréable, se souvient la jeune femme. J’étais arrivée dans cet univers en pensant que tous seraient animés par un humanisme absolu, et j’ai réalisé – évidemment – que si certains viennent ici par conviction, d’autres choisissent cette formation simplement pour avoir un métier ou, en formation continue, pour monter dans la hiérarchie de leur institution. Et surtout que nos vécus, nos histoires, nos vies laissent des traces qui font de nous ce que nous sommes, pas toujours des anges. »

Tout le cursus ne fait que confirmer le choix de carrière de l’étudiante et son intérêt pour l’aide et la défense de la personne par le droit. Les trois stages inclus dans le cursus la mèneront dans un centre d’hébergement d’urgence pour personnes toxicomanes, puis dans un service de polyvalence de secteur. « L’assistante sociale de secteur d’Aubervilliers auprès de qui je me suis formée m’a particulièrement subjuguée, se souvient Lilas Zeggai. Elle avait une vision de la relation à l’autre et une attention pour toujours replacer l’usager au centre de sa pratique, dans lesquelles je me suis retrouvée. » Ce stage est l’occasion des premiers accompagnements, des premières décisions : « Mon identité d’assistante sociale s’est vraiment affirmée à partir de ce moment. » L’implication de la professionnelle auprès des chibanis(2) fournira même à l’étudiante le sujet de son mémoire : « Chibanis entre ici et là-bas, ou la difficulté de vivre entre deux mondes ».

En dernière année, Lilas Zeggai intègre un foyer d’hébergement pour personnes âgées, même si la protection de l’enfance est clairement le secteur qui lui plaît le plus. « Je voulais découvrir un autre environnement, et je n’ai pas été déçue, se souvient-elle. On m’a fait travailler particulièrement auprès d’une vraie Tatie Danielle, avec qui personne n’arrivait à nouer le lien et qui mettait l’équipe en échec. Or cette femme m’a beaucoup appris. J’ai pu mesurer la réalité de la relation dominant-dominé, l’impact du lien de dépendance, et réajuster mon approche, trouver la juste distance. J’ai aussi découvert que, sous ses abords revêches, cette dame – qui ne s’était jamais remise du décès de son époux – était extrêmement sensible et dans la souffrance. »

Au retour des stages, les groupes d’analyse de la pratique influent également fortement sur l’étudiante. « Là, nos désaccords éclataient au grand jour. Sur le moment, c’était difficile pour moi de voir des étudiants se positionner dans le pouvoir ou le jugement. Mais avec du recul, cette expérience a été utile. Cela nous prépare précisément à ce qu’on retrouvera dans nos différents environnements de travail. On apprend la tolérance aussi avec des collègues qui n’ont pas nécessairement les mêmes valeurs que soi. » Un bémol, cependant : « On n’insiste pas assez en cours de formation sur la nécessité d’une analyse personnelle. Cette profession vient traverser chacun à des niveaux différents, et il faut en avoir conscience sur le terrain. » Un travail sur soi qui aide aussi à clarifier la question des publics avec lesquels on ne peut pas travailler – pour Lilas Zeggai, les personnes en fin de vie et les enfants malades.

Penser le positionnement par rapport à l’usager

Outre la soutenance du mémoire, le cursus s’achève par deux épreuves : la présentation d’une situation sociale qui permet d’étudier un cas pratique et de proposer des interventions, et une synthèse de documents sur les politiques publiques. « Ce que je redoutais le plus, c’était la situation sociale, se rappelle Lilas Zeggai. Mais l’important n’était pas de montrer qu’on connaît tous les dispositifs, plutôt d’élaborer un positionnement par rapport à l’usager sans créer aucune dépendance. L’épreuve allait vraiment au fond des choses en termes d’initiation de l’accompagnement et de capacité à élaborer le lien. »

Diplôme en poche, et après quelques mois de vacances, la nouvelle assistante sociale commence à travailler sur les maraudes du SAMU social. Puis elle intègre un poste dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui prend en charge de jeunes adultes en difficulté, où elle restera huit ans. « Là, j’ai tout appris. Car à l’école, on nous donne les clés, mais il faut se les approprier, les adapter aux situations réelles, et se tenir à la page régulièrement. Il faut toujours se former, apprendre et ajouter des outils à notre trousseau – voire retirer ceux qui sont usés. » Au contact des jeunes et de ses collègues, la jeune professionnelle acquiert les compétences éducatives nécessaires à l’exercice dans ce secteur, développe son écoute et sa pratique de la relation d’aide, ainsi qu’une capacité d’adaptation constante. « Moi qui avais beaucoup hésité en prépa entre le diplôme d’éducateur spécialisé et celui d’assistant de service social, je me suis finalement retrouvée assistante sociale dans une mission d’éduc », s’amuse-t-elle.

Notes

(1) Sciences et technologies tertiaires, désormais remplacé par le bac STG.

(2) Les chibanis sont des travailleurs migrants venus en France au cours des Trente Glorieuses, aujourd’hui âgés.

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