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Du dessin au terrain

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Educatrice de jeunes enfants, Odile Chuberre a été diplômée en 1991 au Campus La Lande du Breil, à Rennes. Elle a ensuite travaillé comme éducatrice, puis directrice dans des haltes-garderies parentales.

A 20 ans, elle voulait être architecte. Le dessin, la conception, c’était son truc. Odile Chuberre, 51 ans, éducatrice de jeunes enfants (EJE) dans la région rennaise, se rappelle les trois années qu’elle a passées aux Beaux-Arts. « Je n’ai pas eu le diplôme, j’ai donc revu mon projet. Plutôt que viser le job idéal, je me suis tournée vers ce que j’aimais et ce que je savais faire. » Durant ses études, elle enchaîne les suppléances en centres de loisirs et en écoles maternelles. « Mes parents étaient très engagés bénévolement, à la JAC [Jeunesse agricole catholique] ou à l’ADMR [réseau de services à la personne]. Adolescente, j’ai rapidement été animatrice dans les centres de loisirs, l’été. » Les parents d’Odile Chuberre ont toujours été très sensibles à l’éducation. « Ils tenaient à prendre du temps pour leurs enfants, à faire des stages pour apprendre à éduquer et à accompagner. Ils croyaient beaucoup à l’échange entre parents pour mieux y arriver. » Cela marque durablement la jeune femme, qui réfléchit à un métier éducatif où elle n’aurait pas à évaluer les enfants. Après en avoir discuté avec une cousine elle-même EJE, elle tente le concours.

Un oral « un peu léger »

S’ensuit une première tentative en 1988, puis, l’année suivante, la Bretonne réussit les épreuves de sélection. A l’époque, l’écrit porte sur l’enfance. « Par la suite, il a plutôt concerné des thématiques sociales au sens large, avant de se recentrer à nouveau sur les enfants. » A l’oral, on la questionne beaucoup sur son parcours atypique : « Pourquoi n’avez-vous pas persévéré dans l’architecture ? » Elle a 25 ans quand elle commence sa formation – « mais sur notre promo de 20, seules deux ou trois personnes venaient directement du bac ». Il est désormais clair dans sa tête qu’elle aspire plus à un métier de relations aux autres que de solitude devant une planche à dessin.

L’examen oral comporte deux entretiens, l’un devant un formateur et un professionnel, l’autre devant un psychologue. « Aujourd’hui, il y a un oral de groupe, ce qui est plus pertinent pour juger des compétences du candidat à se situer dans un collectif et à travailler en équipe. » Devenue à son tour jurée pour des oraux au concours, l’éducatrice trouve a posteriori que le sien était « un peu léger ». « On n’évaluait pas vraiment ma capacité à suivre la formation et à exercer le métier. » Selon elle, le niveau d’exigence est aujourd’hui plus élevé. Ne serait-ce que parce qu’il y a une présélection des candidats sur dossier qui tient compte de leur expérience. « Cela évite de se retrouver à l’oral avec des gens qui se contentent de dire “j’aime les enfants” ou “je crois que cela ne me dérange pas de les changer”. »

Pendant deux ans, la formation dispensée au Campus La Lande du Breil (renommé depuis peu Groupe Antoine-de-Saint-Exupéry), à Rennes, lui prodigue différents enseignements : connaissance du tout-petit, psychologie, psychomotricité, droit, santé, littérature enfantine ou encore pédagogie Montessori, puisque les fondateurs de l’institut de formation sont issus de cette école. « On n’avait rien, en revanche, sur la dimension institutionnelle. On se familiarisait avec les différents types de structures par le biais de nos rapports de stage. » Chaque semaine, les étudiants ont des heures de « régulation » pour faire le point sur les stages et sur ce qui a bien fonctionné, ou pas, pendant leur semaine. « C’était important, car nous partagions des cours communs avec des moniteurs-éducateurs et des aides médico-psychologiques. C’était intéressant, car cela nous donnait une visibilité au-delà de notre métier. Mais les EJE étaient toujours la cinquième roue du carrosse. On reste une profession moins visible, plutôt mineure dans le travail social. C’est pourquoi je pense que nous pourrions perdre nos particularités dans une refonte des diplômes. Pourtant, sur le terrain, aucun autre métier n’accompagne comme on le fait la construction du jeune enfant et celle de ses parents. Dommage qu’on ait du mal, en tant qu’EJE, à montrer ce que l’on sait faire. »

Odile Chuberre a réalisé quatre stages durant sa scolarité. Dans une crèche de la ville, en crèche parentale, dans un service hospitalier de chirurgie infantile et dans le jardin d’enfants d’un centre de l’enfance. « Ces stages sont essentiels. Le concret se transmet sur le terrain, surtout dans un métier où l’on s’occupe de personnes. Non seulement j’ai beaucoup appris, mais je me suis beaucoup questionnée. C’est là que j’ai forgé mon positionnement professionnel, que j’ai compris que les enfants étaient des individus, et pas une entité que l’on aime ou pas. » Durant les stages s’affirme son goût pour le travail avec les parents, et donc avec la crèche parentale. « Ce serait dangereux de diminuer les stages et de faire de notre formation quelque chose de plus universitaire. En stage, on découvre comment travailler en équipe et sous le regard des autres. »

L’importance de l’observation

L’examen final, en 1991, se passe bien, tant les écrits que les oraux : présentation d’un dossier sur la place des femmes en milieu rural, oral sur l’aménagement des lieux d’accueil de jeunes enfants. « La crèche parentale où j’avais fait mon stage m’a ensuite recontactée pour un remplacement. Puis ma mère, bénévole à l’ADMR, m’a mise au courant de créations de haltes-garderies parentales. » Elle commence alors comme éducatrice de terrain, puis devient directrice d’une halte-garderie à Montauban-de-Bretagne.

La professionnelle estime aujourd’hui que sa formation l’a bien préparée au métier. « Mais je trouvais que deux ans, ce n’était pas suffisant. C’est bien que cela soit passé à trois. » Elle aurait aimé être formée sur la relation aux parents qui, à l’époque, ne faisait pas partie du cursus. Elle a néanmoins particulièrement apprécié les temps d’harmonisation entre théorie et pratique. « Les formatrices temporisaient, nous rassuraient. C’était très agaçant à l’époque, car on était dans l’urgence d’apprendre, mais leur accompagnement de proximité nous a donné confiance. » Un apprentissage qui lui a ouvert l’esprit. « J’ai compris combien l’accompagnement du jeune enfant et de sa famille pouvait être déterminant, et l’importance de l’observation professionnelle : comment être attentive, recueillir des éléments pour mieux comprendre une situation. » Avant de conclure : « Pendant cette formation, du fait de la responsabilisation et du contact humain, je me suis vraiment sentie professionnelle. Ce que je n’avais pas du tout éprouvé aux Beaux-Arts, où il ne s’agissait que de projections et d’idées. »

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