Comme l’an dernier, le gouvernement a décidé de ne pas attendre le collectif budgétaire de fin d’année pour ouvrir, via un « décret d’avance », les crédits nécessaires pour couvrir les besoins les plus pressants en matière d’hébergement d’urgence. Le texte prévoit ainsi, comme l’avait annoncé le Premier ministre en septembre dernier(1), l’ouverture de 130 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur le programme 177 « prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Egalité des territoires, logement, ville » du budget de l’Etat. Une ouverture « destinée à financer la création de nouvelles places d’hébergement d’urgence ainsi que des moyens supplémentaires à destination des dispositifs de veille sociale », explique le ministère des Finances dans le « rapport de motivation » qui accompagne le décret.
La démarche est loin d’être inédite. Déjà l’an dernier, deux rallonges avaient dû être accordées, en septembre puis en novembre(2). La conséquence d’une sous-estimation récurrente des crédits nécessaires en la matière dans le budget initial de l’Etat. Mais, cette année, en plus de cette sous-budgétisation, il y avait la nécessité de faire face à la très forte augmentation de la demande d’hébergement en particulier du fait de la crise migratoire européenne des huit derniers mois.
Dans le détail, les 130 millions débloqués permettront ainsi, notamment, de financer les mesures exceptionnelles décidées par le gouvernement cet été pour organiser l’accueil des flux supplémentaires de personnes déplacées et en transit(3). A savoir la création de 5 000 places de logement accompagné (6 millions d’euros) et de 1 500 places d’hébergement d’urgence(7 millions d’euros) dès 2015. « S’y ajoutent les moyens mobilisés sur la lande de Calais et les besoins nouveaux constatés dans de nombreuses régions, en particulier en Ile-de-France (62 millions d’euros) », précise le rapport.
Bercy souligne l’urgence de la situation. En effet, « les capacités de redéploiement internes[au programme 177] sont à ce jour épuisées », l’ensemble de la réserve de précaution (41 millions d’euros au 1er janvier 2015) ayant été dégelé. Dans ce contexte, les responsables des budgets opérationnels régionaux du programme « ont été exceptionnellement autorisés à redéployer de manière temporaire une partie des dotations versées aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui sont versées par douzième tous les mois, vers les dispositifs d’hébergement d’urgence et de veille sociale ». Les ouvertures du décret d’avance permettront ainsi également « de mettre fin à ce redéploiement temporaire et d’assurer le versement de 11 millions d’euros pour le logement adapté et de 44 millions d’euros pour payer les douzièmes de dotation des CHRS correspondant aux deux derniers mois de l’année ». A défaut de mise à disposition des crédits, conclut le ministère, « les CHRS feraient face à des ruptures de trésorerie qu’ils ne pourraient assumer alors que les arrêtés tarifaires annuels leur garantissent un versement sur douze mois ».
Comme de coutume, l’opération est neutre pour le budget de l’Etat puisque le décret annule des crédits d’un même montant mis dans la réserve de précaution en début d’année.