Des professionnels dessinent un EHPAD « lieu de vie »

Et si l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de demain était d’abord un lieu citoyen ? Tel est le sens des propositions rédigées par un collectif de directeurs des Alpes-Maritimes, conviés en 2010 à réfléchir à « l’EHPAD du futur »(1). L’initiative, lancée par l’Espace partagé de santé publique (EPSP) du CHU de Nice, un think tank réunissant professionnels de la santé et du médico-social et représentants des pouvoirs publics, « avait pour objectif la production de recommandations pour une évolution des établissements, sans concession, mais à coût et réglementation quasi constants », précise Christian Pradier, chef du département de santé publique du CHU de Nice et coordinateur de l’EPSP.

Ce cadrage explique que bon nombre des 30 recommandations pourraient déjà être mises en œuvre. « Beaucoup d’idées formulées ne sont pas nouvelles, observe Christian Pradier, à condition toutefois de réduire l’écart existant entre les discours et la réalité de la pratique en établissement. »

Pour les directeurs, considérer, par exemple, l’EHPAD comme un « lieu d’habitation », leitmotiv de la profession, suppose qu’il soit intégré comme tel dans le plan d’occupation du territoire et que le résident soit assimilé « à un habitant de la cité à part entière ». Si cette idée était mise en œuvre, estiment-ils, elle obligerait à considérer que « le principe d’habitation prime sur le principe du risque zéro », et que la recherche de l’équilibre entre liberté et risque, notamment pour les malades Alzheimer, passe par l’aménagement du quartier…

En outre, l’EHPAD « lieu de vie », autre drapeau de la gérontologie, ne prend son sens que dans une ouverture réelle sur le quartier. Une perméabilité à la vie extérieure, aux associations, aux commerçants reste à organiser. De même, les familles doivent aller et venir librement. Une réflexion architecturale est donc à conduire, « avec un bâtiment aéré, ouvert et accueillant, qui laisse voir ce qui se passe à l’intérieur ». En interne, les chambres ne peuvent être le seul lieu proposé au résident. « Celui-ci doit avoir accès à des espaces d’accueil, de rencontre semi-privatifs, de promenade, de déambulation…, flexibles selon ses souhaits et ses habitudes. » Il doit aussi être invité à participer aux tâches quotidiennes de l’établissement, selon ses envies et compétences évaluées.

Enfin, « la place importante donnée au soin est à revoir », martèlent les directeurs, en dénonçant l’omniprésence des blouses blanches. D’où la nécessité d’« un compromis architectural équitable entre unités de soins et habitabilité de la structure ». Mais cela oblige également à repenser l’organisation de l’acte soignant, « pourquoi pas en adossant l’EHPAD “lieu de vie” à des services hospitaliers “lieux de soin”, dans une logique de coordination autour d’un dossier médical partagé ».

Pur angélisme ? « Cette culture existe potentiellement, réfute Christian Pradier. Mais les établissements, en plus de la pression financière, sont contraints par le principe de précaution. On voit donc les portes se fermer et fleurir les caméras et les détecteurs. Si on relâchait la pression, ils iraient tout de suite vers ces recommandations. »

Les 30 propositions des professionnels des Alpes-Maritimes « pour un EHPAD du futur » ont été diffusées localement. Dans la foulée, un référentiel de formation « pour une prise en charge respectueuse des personnes âgées dans le département des Alpes-Maritimes » a été élaboré par l’EPSP(2). Objectif : cerner et promouvoir « les compétences essentielles », techniques comme humaines, pour permettre à des personnes fragilisées par la vieillesse d’aller au bout de leur trajectoire de vie.