A la mort de Sarah, David refuse de laisser emporter son corps. « Elle est sale », lâche-t-il, les mâchoires serrées, claquant la porte de sa chambre au nez de ses proches, s’installant pour une dernière toilette. Et quand, le jour de l’enterrement, la nièce de Sarah l’approche pour lui demander des détails sur sa tante, David décline. Mélange de pudeur et de distance ; ce n’est pas à lui, l’aide-soignant qui a nourri, soigné, lavé, soutenu Sarah jour et nuit dans ses derniers instants, de rapiécer les relations familiales. D’ailleurs, dans quelques jours, il s’occupera d’un nouveau patient. Le temps de quitter Sarah, de la laisser partir, sortir de sa vie. Ce nouveau patient, ce sera John, un architecte cloué au lit par un accident vasculaire cérébral, jalousement surveillé par sa famille. Et dont les enfants verront d’un mauvais œil l’intimité qui se nouera avec le soignant, au fil des nuits que celui-ci va passer à veiller le patriarche devenu grabataire. Réaliste et dépouillé, Chronic, du cinéaste mexicain Michel Franco, ne mérite pas les sévères critiques publiées après sa projection à Cannes. Certes, sa froideur déroute. Mais c’est précisément cette distance qui donne corps à l’isolement de David – l’acteur britannique Tim Roth, omniprésent à l’écran et pourtant impeccable de discrétion. A travers ces relations de fin de vie, c’est, en fait, tout notre rapport à la mort que questionne le cinéaste : la frustration des proches face à l’intimité entre soignant et soigné, la gêne provoquée par la déchéance des corps, le malaise induit par les demandes d’aide à mourir… Le film, enfin, est un hommage aux professionnels du soin et de la relation, à leurs compétences si particulières et à leur engagement silencieux ; des professionnels sur lesquels la société tout entière se repose, fermant les yeux sur la douleur née de la fréquentation quotidienne de la mort et du deuil.
Chronic
Michel Franco – 1 h 33 – En salles