Contrairement aux précédentes éditions, la quatrième conférence sociale du quinquennat de François Hollande s’est tenue sur une seule journée, le 19 octobre. Au programme de ce rendez-vous « pour l’emploi », boycotté par la CGT et Solidaires : une séance plénière sur le thème des « mutations du travail sous l’effet de la révolution numérique », le discours d’ouverture du président de la République – plaidoyer en faveur du dialogue social –, puis trois tables rondes thématiques avec les partenaires sociaux sur le compte personnel d’activité, la transition énergétique et la transformation numérique, chacune présidée par un ministre appuyé par un « facilitateur ». A l’issue de ces échanges, Manuel Valls a présenté une feuille de route qui formalise le calendrier débattu lors de la conférence et comporte les principaux axes d’action du gouvernement pour l’année à venir (sur les réactions assocatives, voir ce numéro page 19).
A noter : une table ronde avec les partenaires sociaux, les associations représentatives du handicap et les acteurs de la politique de l’emploi sera organisée au début 2016, a indiqué le gouvernement.
Afin de « ne laisser sans solution aucun jeune sortant du système scolaire sans diplôme », le gouvernement souhaite « donner corps au droit à la nouvelle chance » en mobilisant dès l’an prochain les leviers suivants :
→ la garantie jeunes, expérimentée depuis 2013 dans 72 départements, sera étendue à tous les territoires volontaires afin d’atteindre plus de 100 000 jeunes d’ici à la fin 2016 ;
→ le nombre de jeunes revenant en formation initiale sera « significativement augmenté d’ici à 2017 », notamment grâce au protocole Etat-régions du 13 août dernier(1) ;
→ les textes permettant aux jeunes qui interrompent leur cursus en cours de route de conserver le bénéfice des compétences déjà acquises seront adoptés dans le courant de l’année 2016 ;
→ les universités s’engageront à développer une offre de formation continue qualifiante, certifiante et adaptée aux besoins des personnes revenant en formation après avoir quitté le système de formation initiale ou souhaitant retrouver un emploi, changer d’orientation professionnelle ou élever leur niveau de qualification ;
l’Etat, à travers les GRETA – groupement d’établissements publics locaux d’enseignement qui mutualisent leurs compétences et leurs moyens pour proposer des formations continues pour adultes –, s’engagera également à développer son offre de formation continue ;
→ le parrainage vers l’emploi, qui permet à un jeune de bénéficier de l’appui d’un parrain pour accéder à un réseau de professionnels et d’être accompagné dans son intégration dans l’entreprise, sera développé afin de doubler le nombre de jeunes concernés d’ici à 2017. L’an dernier, 15 000 jeunes accompagnés par les missions locales avaient été parrainés. Une plateforme du parrainage sera mise en ligne au début 2016, indique la feuille de route.
En outre, les jeunes sortis sans qualification devraient bénéficier d’un abondement de droit de leur compte personnel d’activitéà hauteur du nombre d’heures nécessaires à l’acquisition d’un premier niveau de qualification (CAP, baccalauréat professionnel ou niveau équivalent).
Par ailleurs, le gouvernement indique que le plan de relance de l’apprentissage, mis en œuvre en septembre 2014(2) et qui, selon lui, « commence à porter ses fruits », montera en charge en 2016. Dans ce cadre, un programme de travail relatif à la rénovation des diplômes dont le contenu « n’est plus en phase avec l’évolution des métiers » sera défini d’ici à janvier 2016. Il devrait porter sur l’identification des diplômes dont la réforme est prioritaire, la méthode de rénovation et son calendrier. Ce travail associera les ministères de l’Education nationale et du Travail, ainsi que les branches professionnelles et les régions.
Enfin, au vu des orientations retenues dans le cadre du « droit à la nouvelle chance » pour les jeunes, les missions locales devraient voir leur rôle s’accroître. En conséquence, la feuille de route retient qu’« un renforcement de leur animation et de leur pilotage est nécessaire ». Un conseil représentatif des missions locales sera créé et se substituera aux instances existantes. Il rassemblera tous les acteurs et les décideurs, afin de mieux coordonner le pilotage des missions locales.
Les mesures en faveur du retour à l’emploi des demandeurs d’emploi de longue durée doivent se poursuivre en 2016, estime le gouvernement. Pour cela :
→ une évaluation de la mise en œuvre du plan d’action pour lutter contre le chômage de longue durée, lancé en février dernier(3), sera réalisée à la fin 2015 ;
→ le financement des mesures entreprises courant 2015 (contrats de professionnalisation, accompagnement intensif par Pôle emploi…) sera maintenu, afin qu’elles produisent tous leurs effets en année pleine en 2016. Des discussions seront engagées à cette fin avec le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ;
→ la prestation « suivi dans l’emploi » prévue dans le plan de lutte contre le chômage de longue durée débutera le 1er novembre 2015 et sera pérennisée. Elle permettra de sécuriser le recrutement des personnes éloignées de l’emploi en les accompagnant dans les trois mois suivant leur embauche ;
→ des solutions dédiées à la garde d’enfants seront mises en place à compter de début 2016 ;
→ à partir du 1er janvier prochain, Action Logement financera une nouvelle garantie de loyers qui bénéficiera notamment aux jeunes de moins de 30 ans et aux salariés en situation de précarité(4). Ainsi, les personnes pourront plus aisément déménager dans le cadre d’une recherche d’emploi ;
→ l’Etat et les partenaires sociaux s’engagent à mieux faire connaître, notamment, les périodes de mises en situation en milieu professionnel(5). Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi lanceront d’ici à la fin de l’année une campagne d’information sur ce dispositif, pour proposer aux entreprises d’apparaître dans une liste locale de volontaires pour accueillir des demandeurs d’emploi dans le cadre d’immersions.
En outre, le Premier ministre a indiqué, dans son discours de clôture de la conférence sociale, vouloir abonder le compte personnel de formation des demandeurs d’emploi de longue durée au-delà des 100 heures mobilisables aujourd’hui. Cette proposition ne figure toutefois pas dans la feuille de route. Il a également évoqué l’émergence d’autres pistes et cité la proposition de loi d’expérimentation de « territoires zéro chômeur de longue durée ». Ce projet, présenté par le député socialiste Laurent Grandguillaume, a pour objectif de montrer qu’il est possible de supprimer le chômage de longue durée par « l’offre d’emploi utiles et accessibles »(6).
Chantier de la première table ronde, le compte personnel d’activité (CPA) – institué par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi et dont les contours ont été esquissés dans un rapport de France Stratégie(7) – doit permettre à chaque personne de rassembler, à partir du 1er janvier 2017, dès son entrée sur le marché du travail et tout au long de sa vie professionnelle, les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser son parcours professionnel. Sans définir ce que seront ces droits, le gouvernement a indiqué qu’il transmettra avant la fin du mois d’octobre un document d’orientation aux partenaires sociaux, sur la base duquel se dérouleront des négociations qui devront déboucher sur un accord d’ici à la fin de l’année. Cet accord devra fixer un calendrier et des points d’étapes sur plusieurs thèmes ayant trait à la sécurisation des parcours professionnels (levée des freins à la mobilité géographique, réexamen des conditions d’ancienneté, portabilité du compte épargne-temps…). Le gouvernement présentera ensuite un projet de loi en vue de son adoption par le Parlement au premier semestre 2016.
La mise en place du CPA fera également l’objet d’un dialogue entre l’Etat, les régions et les partenaires sociaux, qui débutera dès le mois de novembre 2015. Le gouvernement engagera aussi une discussion sur l’application du CPA aux agents publics, sans préciser de date. Enfin, selon la feuille de route, afin d’adapter au mieux le CPA aux besoins de ses usagers, des expérimentations seront lancées dès l’année 2016 sous la forme de « projets pilotes ».
Le gouvernement devrait donner des « suites ambitieuses » au rapport « Combrexelle » relatif à la négociation collective, au travail et à l’emploi(8), selon des orientations que Myriam El Khomri présentera le 28 octobre prochain. Les acteurs de terrain dans les entreprises et dans les branches devraient ainsi avoir plus de souplesse pour s’adapter à leur environnement par la négociation. « Il ne s’agit bien évidemment pas d’inverser la hiérarchie des normes, ni de remettre en cause la durée légale du travail, le CDI [contrat à durée indéterminée] ou le SMIC », rappelle la feuille de route.
Le code du travail sera articulé en trois niveaux, indique encore le document :
→ le socle des droits et des principes fondamentaux garantis par la loi et auxquels il ne peut être dérogé ;
→ des dispositions relevant des accords collectifs ;
→ les règles qui viennent suppléer l’absence d’accord.
Le gouvernement souhaite appliquer cette nouvelle architecture dès 2016 à certains domaines du code. Une concertation sera engagée avec les partenaires sociaux pour préparer un projet de loi qui sera présenté au Parlement en vue d’une adoption au premier semestre 2016.
(5) En dernier lieu, voir ASH n° 2886 du 8-12-14, p. 47.
(6) Sur cette expérimentation, voir notre reportage dans les ASH n° 2924 du 11-09-15, p. 26.