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Chez soi, mais pas seul

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Au Sautel, village de 145 habitants du piémont ariégeois, un projet de trois logements regroupés pour personnes âgées a accueilli ses premiers habitants à l’été 2014. Une initiative du maire, soutenue par la mutualité sociale agricole.

Marie Alaux-Costanzo, assistante sociale de la mutualité sociale agricole (MSA) Midi-Pyrénées Sud(1), vient saluer Odette Ilhat, Solange Vidal et Nadine et Christian Séguélas. Les quatre retraités prennent le soleil devant leurs trois logements mitoyens, des trois pièces de plain-pied récemment construits à deux pas de la mairie, au centre du village du Sautel, en Ariège. La professionnelle s’enquiert de leur santé, de leurs familles et bavarde en prenant un café. Aucun de ces nouveaux locataires n’est originaire du village, mais tous sont satisfaits de leurs appartements tout neufs, adaptés aux personnes à mobilité réduite. Nadine et Christian Séguélas racontent qu’ils ne pouvaient plus vivre dans leur ancien logement de Pamiers, au premier étage sans ascenseur, à cause des difficultés de déplacement du mari, âgé de 75 ans, qui souffre de graves problèmes de circulation sanguine. De son côté, Solange Vidal, 82 ans, se dit soulagée d’avoir trouvé ce logement après sa séparation d’avec son compagnon. Quant à Odette Ilhat, 76 ans, retraitée de l’agriculture, arrivée la première en août 2014, elle se sent plus rassurée ici que dans la ferme où elle vivait seule, depuis le décès de son mari voici douze ans. « Ma fille a pensé que je serais bien ici, rapporte-t-elle. L’aménagement est mieux. C’est de plain-pied, alors qu’avant il y avait un étage à grimper. C’est plus sécurisant aussi, car je tombe souvent. » Un autre avantage : elle ne dépense plus 1 800 € par an de mazout pour se chauffer difficilement.

Agir davantage sur les territoires ruraux

Marie Alaux-Costanzo arrive du Gers, à l’autre bout de la région, pour une réunion dans la salle commune attenante aux trois logements. A 15 heures, avec le maire, des habitants du village et certains locataires des nouveaux logements, elle évoquera les projets en cours : la mise en place de taxis partagés pour apporter une réponse aux problèmes de mobilité, et la création d’un point Internet. A la MSA, Marie Alaux-Costanzo ne fait pas partie des assistantes sociales chargées de l’accompagnement individuel. Son rôle consiste à mettre en place des actions collectives partenariales. Un profil devenu majoritaire au sein du pôle d’action sociale de la MSA Midi-Pyrénées Sud. Sur un total de 23 assistantes sociales et conseillères en économie sociale et familiale, elles sont 14 à assurer ce type de mission. Comme l’indique le plan d’action sanitaire et sociale 2010-2015 de la MSA Midi-Pyrénées Sud, « les élus ont souhaité agir davantage sur les territoires ruraux de plus en plus confrontés à un vieillissement démographique, à un accroissement de l’isolement et à la dilution du lien social, en développant fortement des actions mettant en œuvre une méthodologie de développement social local, afin de répondre aux problématiques repérées (soutien au lien social et mise en œuvre de solidarités de proximité) ».

Au Sautel, c’est la mairie, à la source du projet, qui a sollicité la MSA. Ailleurs – comme à Bérat (Haute-Garonne), où un autre projet d’habitat regroupé est en cours (voir encadré page 20) –, la MSA est intervenue dès l’origine, au stade du prédiagnostic. « Ce projet de logements est arrivé après des discussions avec le président de l’ADRA [Association départementale des retraités agricoles], raconte Richard Moretto, maire du Sautel depuis deux mandats. Ici, quand les gens prennent leur retraite dans l’agriculture, ils vendent leur exploitation et se retrouvent sans logement avec une allocation pas très flambante (500 à 800 €). » Ancien agriculteur lui-même, Richard Moretto est convaincu de la nécessité d’offrir un cadre de vie agréable, sans trop de contraintes ni de promiscuité, à des gens qui ont travaillé dur. « L’EHPAD coûte 2 000 € par mois. Ce n’est pas, estime-t-il, un lieu très adapté pour des personnes qui sont encore en forme et qui ont passé plus de temps avec leurs bêtes qu’avec leurs semblables. » Le besoin de créer des logements autonomes, intermédiaires entre le domicile classique et les structures médico-sociales, convenant à la perte d’autonomie liée au vieillissement, lui est donc apparu crucial. Non seulement pour les retraités de l’agriculture, mais aussi pour ceux de l’industrie textile, très nombreux dans le canton de Lavelanet. Sans compter que cela pourrait aussi aider à redynamiser un village sans école ni commerces, voué à une lente décrépitude après la fermeture des dernières usines de textile. Une étude commandée par la MSA a ainsi calculé qu’avec trois logements supplémentaires dans le village, le boucher ferait 5 000 € de chiffre d’affaires en plus. « C’est de la responsabilité des collectivités de favoriser l’installation des gens et d’amener des services pour que nos villages continuent à vivre », martèle Richard Moretto.

Un projet complexe pour une petite commune

Après avoir visité en 2010 des logements regroupés dans le Gers, gérés par un bailleur social, le maire avait pris contact avec plusieurs bailleurs sociaux. Mais celui de l’Ariège ne travaillait pas avec les collectivités, tandis que celui de l’Aude était d’accord pour construire ces logements, mais sans donner à la collectivité la possibilité de choisir les locataires. La commune a donc décidé de se lancer elle-même dans ce projet un peu fou de construction de logements à loyer modéré. Celui-ci a mis cinq ans à aboutir. « C’est vraiment compliqué pour une petite commune, reconnaît l’élu adhérent au PCF, d’autant que l’Etat se désengage et abandonne les collectivités locales, sans outils, sans compétences et sans personnel. » Sans l’engagement bénévole du secrétaire de mairie (rétribué seulement deux jours par semaine) et la volonté farouche du maire, le projet n’aurait sans doute pas vu le jour. L’investissement total pour les logements et la salle commune a été de 380 000 €. Un effort très lourd, pour une commune dont le budget annuel se monte à 400 000 €, sans compter le temps engagé dans la gestion de projet. Les aides de la région, du département, de l’Etat et de l’Europe se sont finalement montées à 120 000 €. La caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) a octroyé, pour sa part, un prêt à 0 % sur 20 ans, et la MSA, une subvention de 25 000 €.

A l’origine, l’opération d’habitat regroupé du Sautel était portée par Martine Chibari, alors assistante sociale à la MSA, qui s’y est fortement impliquée. Ce n’est qu’à son départ à la retraite que Marie Alaux-Costanzo a pris le relais. Bien que Le Sautel ne soit pas sur son secteur d’intervention, elle a été choisie en raison de son implication dans l’autre projet d’habitat groupé, à Bérat. « Je suis arrivée, explique-t-elle, pour mobiliser les acteurs locaux (habitants, travailleurs sociaux du territoire, maires, communauté de communes, associations, clubs du 3e âge, etc.), organiser des actions d’information, des rencontres, inviter aux portes ouvertes pour expliquer la démarche, l’intérêt du projet et impliquer le maximum de personnes. » La MSA s’est associée à d’autres caisses de retraite, afin de monter des actions qui concernent un public le plus large possible. « Nous sommes habitués à travailler avec la MSA, témoigne Emilie Boursier, assistante sociale à Humanis, caisse de retraite membre du comité régional de coordination de l’action sociale (CRCAS) AGIRC-ARRCO. Nous travaillons aussi avec nos collègues du Régime social des indépendants (RSI) et de la Carsat, car notre cible est la même : les retraités. »

Améliorer le quotidien des personnes âgées

Rejoignant les préoccupations des élus de la MSA, le projet du Sautel a bénéficié d’un soutien technique de l’organisme à partir de 2011, ce qui lui a permis de prendre de l’ampleur. « Sans la MSA, nous nous serions arrêtés aux logements et à la salle, souligne Richard Moretto. Nous ne serions pas allés aussi loin dans la partie sociale, avec la prise en compte des besoins et la mise en place de projets annexes. » Car le projet d’habitat regroupé se double d’un ensemble d’initiatives destinées à améliorer la vie quotidienne des personnes âgées. Ainsi, en octobre 2013, au Sautel, avant même l’inauguration des logements, une première conférence a été organisée conjointement par la MSA et le CRCAS, sur le thème « préserver son capital santé après 60 ans ». Elle a attiré une quarantaine de personnes, dont une trentaine relevant de l’AGIRC-ARRCO et une douzaine de la MSA. A l’issue de cette première réunion d’information, les participants ont pu s’inscrire à des ateliers thématiques proposés par l’ASEPT-MPS(2) : une quinzaine d’entre eux ont pris part, en 2013-2014, à une série de dix séances hebdomadaires de deux heures sur la mémoire, suivie par une autre, en 2014-2015, consacrée à l’équilibre et à la prévention des chutes. « La mise en place de ces plans de prévention dès 2013, avant la construction des bâtiments, a été conçue pour donner une dynamique sociale et préventive au projet d’habitat regroupé, explique Philippe Carbonne, chargé de mission à l’ASEPT-MPS. Cette prévention primaire a pour but d’aider au maintien à domicile, de sensibiliser les personnes à un vieillissement qui permette un maintien des facultés et des liens sociaux. »

Favoriser l’investissement des personnes

A la suite de ces ateliers, certains participants ont souhaité continuer à se voir et ont mis en place, de façon autonome, des cours de gym et des jeux de Scrabble. « C’est ce que recherche la MSA, se félicite Marie Alaux-Costanzo : être à l’origine d’actions qui perdurent dans le temps, avec des personnes qui s’investissent. » Cette année, un nouveau programme de rencontres autour de la mémoire se met en place. Toujours en 2015, le CRCAS a également organisé dans la salle commune du Sautel deux rencontres sur deux jours autour du logement : des conseils pour retrouver le confort énergétique, pour rester le plus longtemps possible chez soi et pour optimiser ses dépenses énergétiques – avec la participation de l’Agence locale de l’énergie du département de l’Ariège (ALEDA 09), de la Maison de l’habitat et d’un ergothérapeute du Groupement interprofessionnel régional pour la promotion de l’emploi des personnes handicapés (Girpeh). « Il existe un fort contraste entre les secteurs ruraux et urbains, et il est important d’adapter notre discours en fonction de cela. La MSA, qui connaît bien les retraités du secteur de Lavelanet, nous a aidés à bien orienter nos interventions », souligne Emilie Boursier.

Aujourd’hui, le maire se montre enchanté du dynamisme dont fait preuve son village dans le sillage du projet. « Grâce à toutes ces actions, Le Sautel est devenu le lieu où l’on parle des personnes âgées, du logement et de la santé », se réjouit-il. Mais pour améliorer la mobilité des habitants de ce village isolé, beaucoup reste à faire. Et la énième réunion visant à mettre en place un système de taxis partagés ne semble pas devoir être la dernière. L’assistante sociale pensait pouvoir annoncer le lancement d’un abonnement à un taxi partagé (de 31 € par mois pour trois abonnés et de 41 € pour quatre) afin de se rendre chaque vendredi au marché de Lavelanet. Mais les habitants ne semblent pas nombreux à vouloir s’engager. De son côté, le maire a lancé une nouvelle idée d’achat de véhicule et d’embauche d’une personne du village pour assurer les transports, repoussant d’autant la concrétisation du projet d’abonnement.

L’autre projet, abordé lors de la réunion, semble plus simple à mettre en place : un poste informatique connecté à Internet sera installé dans la salle commune et deux bénévoles tiendront des permanences pour initier les personnes âgées au mail, au web et autres réseaux sociaux, devenus indispensables en 2015. « De plus en plus d’administrations comme la MSA envoient des documents par Internet, alors que la plupart des gens ne savent pas s’en servir, souligne le bénévole. Bientôt, il y aura même une surtaxe pour recevoir la version papier ! »

A 18 heures, la salle commune se remplit pour la session du conseil municipal. A cette nombreuse assemblée regroupant anciens et nouveaux habitants, le maire présente l’assistante sociale de la MSA et son soutien aux projets du Sautel. Un nouveau bénévole se fait connaître dans le public pour tenir le point Internet. On débat du projet de taxi partagé, puis la professionnelle s’éclipse. « On lance les projets, on donne les outils, on fait l’évaluation de l’action, mais notre intervention doit être limitée dans le temps », conclut-elle.

Bérat Une résidence intergénérationnelle

Depuis cinq ans, la MSA intervient dans le canton de Rieumes (Haute-Garonne), dans le cadre d’un contrat de développement social territorialisé (CDST). L’un des constats repérés par Marie Alaux-Costanzo, assistante sociale à la MSA, à l’origine du CDST, est l’isolement des personnes âgées dans un contexte de baisse des solidarités familiales au sein de villes « dortoirs » de la périphérie toulousaine. Un exemple : Bérat, village de 2 500 habitants du canton de Rieumes, dont une grande partie de la population active travaille à Toulouse. « Avec cette municipalité, nous nous sommes retrouvés au même moment sur une idée d’habitat groupé avec des seniors », raconte l’assistante sociale. Un diagnostic établi en 2012 a mis en lumière le fort sentiment des anciens de ne plus connaître leurs voisins. Il a aussi fait émerger le souhait de nombreuses personnes que leurs parents vieillissants restent proches d’eux, surtout en cas de veuvage. En 2013, un projet de résidence intergénérationnelle a été élaboré de façon participative, avec le soutien méthodologique de la MSA. Il s’agit d’un ensemble de 22 logements à loyer modéré, dont 10 villas de plain-pied pour des personnes âgées, orientées de façon à faciliter la communication et proches d’une salle d’activités communes de 100 m2. S’y ajoutent 12 logements pour familles avec des aménagements paysagers pour favoriser les rencontres. « Le diagnostic indiquait que les personnes âgées ne voulaient pas de ghetto, mais pas non plus de bruit, signale l’assistante sociale. Le projet architectural en tient compte. » La construction a débuté à la fin 2014 et l’inauguration de « La Prade » est prévue pour septembre 2016. Marie Alaux-Costanzo a proposé à l’office public HLM des Chalets, qui sélectionnera les futurs habitants, une fiche profil type avec des questions sur leur motivation. « Pour venir vivre là, il faut avoir envie de nouer des liens », souligne-t-elle. Le concept et la démarche d’habitat regroupé de Bérat, portés par la caisse centrale de la MSA, ont inspiré un guide méthodologique qui permettra d’accompagner d’autres projets.

Notes

(1) La MSA Midi-Pyrénées Sud intervient sur les départements de l’Ariège, de la Haute-Garonne, du Gers et des Hautes-Pyrénées.

(2) Association santé éducation prévention sur les territoires Midi-Pyrénées Sud, créée à l’initiative de la MSA.

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