« Le premier constat est celui d’un glissement des fonctions des équipes soignantes qui interviennent au domicile des personnes souffrant de troubles psychiques. On voit ainsi des infirmiers et des psychiatres s’investir au long cours dans de l’accompagnement quotidien. En oubliant l’existence de nos services d’accompagnement à la vie sociale et de nos services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés. Plus choquant encore par rapport à nos pratiques médico-sociales : certaines de ces équipes soignantes peuvent se rendre au domicile d’un malade à deux ou trois professionnels pour, disent-ils, croiser les regards.
Se rend-on compte à quel point cela est intrusif ? Et réalise-t-on qu’il faut en moyenne deux ou trois mois avant d’obtenir un rendez-vous en centre médico-psychologique, faute de personnel suffisant ? Si au moins les soignants acceptaient de se décharger de l’accompagnement quotidien au bout d’un certain temps. Mais leurs résistances à la mise en œuvre d’un relais sont trop nombreuses, comme le montre bien l’ANAP. Compétences exclusives de la psychiatrie, méconnaissance du secteur médico-social, mais également peur de perdre leur travail, comme cela nous a été remonté durant l’étude. Nous sommes dans une situation incroyable !
D’autant que nos services sont dans la cité, dans l’environnement du malade, avec ses relations, sa tutelle, son bailleur. Combien de temps encore va-t-on oublier que tout ce travail d’accompagnement au plus près de la personne est utile ? Nous invitons le social, le médico-social et le sanitaire à développer une logique de réseau pour soutenir de façon complémentaire l’usager dans la mise en œuvre de son projet de vie. »
« Le caractère finalement très expérimental des démarches d’intervention de la psychiatrie au domicile pourrait laisser croire qu’elles recouvrent un besoin émergent. Or le soin psychiatrique à domicile est inscrit dans la loi depuis 1960(3) et 70 % des patients sont désormais pris en charge en ambulatoire. Il est du coup assez perturbant de constater que nous n’en sommes qu’à ce stade.
Les attentes des familles de personnes souffrant de troubles psychiques sont immenses, tant au niveau des soins à domicile que de l’accompagnement médico-social de leur proche. C’est pourquoi nous ne pouvons nous permettre ces difficiles passages de relais entre les uns et les autres. Le secteur médico-social et la psychiatrie se doivent d’être complémentaires. Les soignants nous disent que le temps de réponse des acteurs sociaux et médico-sociaux est trop long. C’est oublier que dans bien des cas la MDPH [maison départementale des personnes handicapées] n’est même pas sollicitée à la sortie d’hospitalisation ! La question des relais devrait pourtant se poser dès l’admission à l’hôpital. En sens inverse, les Samsah doivent pouvoir s’appuyer sur un hôpital réactif. Si une situation requiert un soutien psychiatrique, qu’on ne leur réponde pas que c’est dans deux ou trois mois !
Pour les familles, il est important qu’il y ait une création de Samsah psychiatriques, qui accompagnent les personnes souffrant de troubles psychiques en adéquation avec leurs besoins, participent à l’information de l’entourage et travaillent en synergie étroite avec l’hôpital. De même, il faut adapter les services d’hospitalisation à domicile à la psychiatrie pour des interventions courtes. Aujourd’hui, l’hospitalisation à domicile ne représente que 0,86 % des journées d’hospitalisation en psychiatrie adulte. »
(1) Fédération nationale des associations gestionnaires pour l’accompagnement des personnes handicapées psychiques.
(2) Et membre de la commission soins de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam).
(3) Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d’organisation et d’équipement des départements en matière de lutte contre les maladies mentales.