Recevoir la newsletter

Le statut des travailleurs handicapés en ESAT en débat

Article réservé aux abonnés

Alors que la Cour de justice européenne a jugé que les usagers des ESAT pouvaient être considérés comme des travailleurs au sens du droit communautaire, un collectif d’associations a lancé un groupe de travail afin de faire des propositions sur les évolutions de leurs conditions d’accueil.

Le statut des travailleurs handicapés en établissements et services d’aide par le travail (ESAT) doit-il évoluer ? Neuf organisations investies dans le champ du handicap – Andicat, l’APF, la CNAPE, la Croix-rouge française, la Fegapei, la FEHAP, le GEPSo, le Syneas et l’Unapei – engagent une réflexion collective pour « réinterroger les conditions d’accueil et de vie au travail des travailleurs handicapés en ESAT ».

Si la question n’est pas nouvelle, elle est soulevée aujourd’hui par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 26 mars dernier, qui a jugé que « la notion de travailleur au sens communautaire peut englober une personne admise dans un centre d’aide par le travail »(1). L’affaire dite « Fenoll », soumise à la CJUE par la Cour de cassation, portait sur le droit à congé payé d’un travailleur handicapé accueilli dans un centre d’aide par le travail (CAT, ancien nom des ESAT) entre 1996 et 2005, soit avant que la loi « handicap » de 2005 n’instaure un droit à congé payé pour ce public. Alors que la Cour de cassation doit maintenant rendre sa décision, les associations ont décidé de mener une réflexion sur l’évolution des conditions d’accueil des usagers dont la spécificité est d’être à la fois accompagnés et en situation de production.

Interprétations hétérogènes

Le premier objectif de ce groupe de travail a été de « définir une lecture commune de l’arrêt de la CJUE », explique Thierry Nouvel, directeur général de l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), qui constate que « sa portée a suscité des interprétations hétérogènes ». Dans un article de la revue Controverse, Olivier Poinsot, avocat spécialiste du handicap, prévoit que l’arrêt « Fenoll » « pourrait bouleverser non seulement les droits des travailleurs handicapés d’ESAT mais aussi, plus largement, le secteur du travail protégé ». En effet, si les travailleurs en ESAT peuvent être assimilés à des travailleurs de droit commun, cet arrêt pourrait, selon lui, conduire à l’avenir à « revoir le modèle du travail protégé car les travailleurs d’ESAT bénéficieraient des mêmes droits économiques et sociaux que les salariés, donc ceux issus des conventions collectives agréées, sachant que près d’un tiers des structures sont déjà en déficit chronique ». Au final, selon lui, « les suites de l’affaire “Fenoll” devraient inciter l’Etat à reformuler sa politique publique » relative au secteur protégé « sans tomber dans le piège d’une relégation du travail protégé “à la française” aux oubliettes ». Pour Thierry Nouvel, cette position est « caricaturale » et l’arrêt de la CJUE, « s’il amène certaines interrogations », « ne conduit pas à la mort du statut des travailleurs en ESAT » car il ne le fait pas entrer dans le droit commun.

Dans une déclaration, les organisations livrent leur interprétation de l’arrêt. Elles rappellent notamment que la CJUE a souligné que « les activités économiques exercées par l’intéressé ne sont pas purement marginales et accessoires et présentent une certaine utilité économique » et renvoie à la Cour de cassation la responsabilité de vérifier « si les prestations effectivement accomplies par l’intéressé sont susceptibles d’être considérées comme relevant normalement du marché de l’emploi et, de ce fait, s’il doit se voir reconnaître la qualité de travailleur au sens du droit communautaire ». Au final, si la juridiction française venait à considérer que les activités exercées relevaient du marché de l’emploi, cette décision pourrait « venir interroger les autres droits attachés au statut de travailleur au sens du droit communautaire », indiquent les organisations.

Dans l’attente de la décision de la Cour de cassation, elles posent plusieurs questions auxquelles elles s’apprêtent à répondre collectivement : la décision de la CJUE aurait-elle vocation à être étendue à tous les travailleurs d’ESAT, quelles que soient leurs conditions d’exercice ? Quelles pourraient être les conséquences sur le statut, les conditions d’accueil et de vie au travail des travailleurs en ESAT de la reconnaissance de la qualité de travailleur au sens du droit communautaire, qui admet différentes formes juridiques de la relation d’emploi ? En particulier, quelle incidence sur les droits actuels à congé des travailleurs ?

Toutes ces questions viennent percuter des évolutions à l’œuvre dans le secteur protégé, avec en particulier l’émergence de l’emploi accompagné mais également le vieillissement des travailleurs handicapés ou encore l’ouverture des établissements aux personnes souffrant d’un handicap psychique. « En termes de public accueilli, certains ESAT sont très proches du milieu ordinaire », convient Thierry Nouvel. « Il est nécessaire de repositionner l’ESAT comme un établissement médico-social et de créer des sas pour permettre à certains de travailler dans le milieu ordinaire. Nous souhaitons éviter de raisonner en mode binaire – le milieu protégé, le milieu ordinaire. La question de l’évolution du statut des travailleurs est un serpent de mer et l’arrêt de la CJUE est un bon prétexte pour se reposer ces questions », précise-t-il. Les signataires de la déclaration s’engagent à aboutir à la rédaction d’un document commun d’ici à la fin du premier trimestre 2016. Alors que Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, interrogée dans le cadre des questions au gouvernement en mai dernier, annonçait qu’un groupe de travail commun aux différentes administrations était chargé d’analyser les conséquences de l’arrêt de la CJUE, afin de permettre au gouvernement de « tirer toutes les conséquences de l’arrêt sans exclure une évolution de notre droit national », les associations veulent être prêtes à soumettre des propositions.

Notes

(1) Voir ASH n° 2904 du 3-04-15, p. 38.

Côté terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur