Saisi par plusieurs associations et syndicats de salariés en annulation de l’arrêté du 25 juin 2014 portant agrément de la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage(1), le Conseil d’Etat a jugé illégal, le 5 octobre, le dispositif de différé d’indemnisation, c’est-à-dire la période pendant laquelle un chômeur doit attendre avant de pouvoir percevoir ses droits à l’allocation chômage. « Un tel dispositif est possible dans son principe, mais les modalités [de calcul] prévues par la convention pouvaient aboutir à priver certains salariés licenciés illégalement de toute indemnisation des préjudices autres que la perte de revenus liée au licenciement », explique la Haute Autorité administrative dans un communiqué du même jour. La convention d’assurance chômage prévoit, pour mémoire, que la prise en charge d’un travailleur privé d’emploi est reportée à l’expiration d’un différé d’indemnisation spécifique pouvant aller jusqu’à 180 jours (soit environ six mois) pour les salariés ayant bénéficié d’indemnités supralégales (indemnités de rupture) dans le cadre notamment d’une transaction ou d’une rupture conventionnelle(2). Lorsque ces dernières sont déterminées a posteriori par le conseil de prud’hommes, cela peut exposer l’allocataire au risque de devoir rendre les sommes perçues.
Le Conseil d’Etat a également mis en avant l’inégalité induite par ce système, puisque les salariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté et ceux qui travaillent dans des entreprises de moins de 11 salariés voient le montant total de leur indemnité pris en compte pour le calcul du différé d’indemnisation, contrairement aux autres salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse dont seules les indemnités excédant le minimum légal prévu, correspondant aux six derniers mois de salaire, sont prises en compte pour le calcul de ce différé.
Constatant que ce mécanisme du différé d’indemnisation est « un des éléments clés » retenus par les partenaires sociaux pour assurer l’équilibre de l’assurance chômage, les Hauts Magistrats administratifs en concluent que l’illégalité des modalités du différé d’indemnisation remet en cause l’ensemble de la convention. Cependant, pour assurer la continuité du système de l’assurance chômage, les juges ont décidé de reporter l’annulation de l’arrêté d’agrément de la convention d’assurance chômage au 1er mars 2016, sauf en ce qui concerne :
→ la récupération des indus ou trop-perçus. Si un demandeur d’emploi conteste la récupération d’un indu, son recours est donc désormais suspensif ;
→ les obligations déclaratives des demandeurs d’emploi. Ainsi, si un chômeur omet de déclarer une journée travaillée, Pôle emploi ne peut plus à la fois demander la restitution des prestations versées au titre de cette journée et ne pas tenir compte de celle-ci pour le calcul des droits ultérieurs.
Une nouvelle convention devra donc être signée et agréée pour fixer les règles applicables à partir du 1er mars 2016. Les trois syndicats signataires de la convention d’assurance chômage du 14 mai 2014 – la CFDT, CFTC et FO – « proposeront rapidement une solution technique » à la décision d’annulation du Conseil d’Etat, ont-ils annoncé dans un communiqué commun.