Entrée en vigueur, pour la plupart de ses dispositions, le 1er octobre 2014, la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a tout juste un an. L’occasion, pour le Snepap (Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire)-FSU, de revenir sur la mise en œuvre de ses mesures phares dans un document qui tend à « apporter un éclairage » à travers l’analyse des acteurs du terrain. Pour autant, « une politique publique, plus encore lorsqu’il s’agit de politique pénale, ne se mesure pas en quelques mois », précise le syndicat, rejoignant les déclarations de la ministre de la Justice, le 2 octobre, en réaction aux débuts jugés timides de la contrainte pénale – environ 1 000 peines ont été prononcées à ce jour. « Au fur et à mesure de la maîtrise du dispositif, plus on avancera, plus on verra les effets réels », a-t-elle affirmé.
Le Snepap revient donc sur les chiffres de cette peine emblématique de la réforme, en soulignant les disparités entre juridictions et la nature des infractions commises. Ainsi, selon les données de l’administration pénitentiaire au 7 juin 2015, « un tiers des affaires relèvent des violences (atteintes à la personne), un autre tiers du contentieux routier, puis 19 % des vols (atteintes aux biens). Les infractions à la législation sur les stupéfiants représentent 7 % » des contraintes pénales enregistrées à cette date. La préférence des magistrats pour un arsenal juridique qu’ils maîtrisent mieux et l’absence de différence « notable » entre la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve font partie des raisons pouvant expliquer cette lente montée en charge.
Dans le même temps, le syndicat soulève un risque de détournement de l’esprit de la loi : « L’inquiétude manifestée par des acteurs de terrain, lorsqu’ils se voient chargés d’accompagner une personne condamnée à une contrainte pénale pour une infraction liée à la sécurité routière sans conduite addictive (défaut de permis par exemple), sans problématique spécifique, ou, pire, condamnée suite à un défaut de paiement de pension alimentaire (des cas ont été signalés), nécessite d’être prise en compte. » Le syndicat constate aussi que « trop d’interdictions et obligations spécifiques sont fixées dès la condamnation, sans grande cohérence » et avant une évaluation approfondie par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Sans intérêt pour le suivi, elles sont lourdes de conséquences : manque d’adhésion de la personne, tensions, engorgement inutile des services de soins… Si l’analyse doit être prudente, « l’effort d’accompagnement de cette nouvelle peine n’a pas été suffisant », juge le Snepap, se réjouissant tout de même de signes plus favorables récemment, et surtout d’une « une émulation autour de nouvelles méthodes de travail ».
Pour rendre le dispositif plus lisible, il préconise notamment que le sursis avec mise à l’épreuve soit supprimé que la contrainte pénale soit la« peine de référence » pour les délits et que les échanges entre les magistrats et les SPIP se multiplient. Afin de favoriser le développement de la libération sous contrainte (2 784 prononcées au 31 août 2015), le Snepap préconise l’instauration d’une mesure automatique en fin de peine. « La liberté sous contrainte ne se développe pas suffisamment pour pallier la suppression de la surveillance électronique de fin de peine et la diminution du taux d’aménagements de peines classiques », s’inquiète-t-il. Dans ces conditions, la lutte contre les sorties « sèches » est à ses yeux « mise en échec ». Parallèlement, le syndicat« continue de regretter qu’il soit trop systématiquement fait usage du placement sous surveillance électronique, au détriment d’autres modalités d’exécution comme le placement à l’extérieur ».
Sur le plan des moyens, les quelque 650 créations d’emploi de conseillers d’insertion et de probation « envisagées pour accompagner la loi du 15 août 2014 viennent finalement répondre aux besoins estimés pour la montée en charge de l’activité antérieure à la loi de 2014 », estime l’organisation. Selon le projet de déploiement présenté par l’administration pénitentiaire en mars dernier, 285 emplois supplémentaires étaient prévus pour les SPIP en 2016, rapporte-t-il. Or la création de 200 emplois a été annoncée dans le cadre du projet de loi de finances pour l’an prochain. Et si le budget de fonctionnement des SPIP devrait augmenter, leur « situation budgétaire demeure pour le moins très précaire ». Un sujet qui a également fait réagir le collectif CGT insertion et probation : « Compte tenu des créations de postes dans nos services et du retard accumulé, ce budget sera probablement insuffisant pour couvrir les besoins matériels induits. »